L’Indonésie : d’où vient-elle ? et où va-t-elle ?

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Quelques repères chronologiques 

  • Origines lointaines : l’Homme de Java aurait vécu il y a environ 500 000 ans.
  • Plusieurs royaumes traditionnels ont coexisté pendant plusieurs siècles. Des royaumes plus ou moins vastes se sont ensuite transformés en grands ensembles hindous. L’hindouisme a progressivement été supplanté par l’islam.
  • Des thalassocraties installées autour de Sumatra ont étendu leur domination jusqu’à Ceylan à l’ouest et jusqu’aux Philippines à l’est.
  • Deux sultanats dominent Java à l’arrivée des Européens au début du XVIIIème siècle.
  • Après la Deuxième guerre mondiale, l’Indonésie est le 1er Etat colonisé à proclamer son indépendance en 1945. Il fêtera son 80ème anniversaire le 17 août 2025.

Période coloniale

Les Européens ont toujours eu besoin des épices (poivre, girofle, muscade) pour la conservation des aliments. Les routes terrestres traditionnelles depuis l’antiquité ont été coupées par les invasions arabes. D’où le recours aux expéditions maritimes, difficiles et coûteuses. S’y ajoute la rivalité entre les Anglais et les Hollandais. Les Français arrivent plus tard, après la création par Colbert de la Compagnie royale des Indes orientales en 1664. Mais les Français sont plus intéressés par les rives indiennes, puis par l’Indochine.

Les îles qui formeront l’Indonésie actuelle, sont « colonisées » par les Hollandais. Sans employer le terme, c’est en fait, une colonisation très dure qui est menée par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (créée en 1602), réduisant les populations, notamment dans les plantations, à une forme d’ « esclavage »[1] ou de « servage ». On estime à 3 millions de morts les victimes de la colonisation sur une population de 20 millions. C’est une colonie qui rapportait beaucoup. Cette colonisation a été dénoncée par un Néerlandais, Eduard Douwes Dekker, alias Multatuli, qui a publié en1860 le roman « Max Havelaar » (ce nom a été repris par une ONG qui promeut actuellement le commerce équitable).

L’occupation japonaise a duré de 1942 à 1945 et a entrainé des famines épouvantables, avec un nombre de morts à peu près identique à ceux de la période coloniale. Les troupes autochtones ont été formées par les Japonais contre les Hollandais. Emerge alors un leader charismatique, Soekarno qui proclame l’indépendance le 17 août 1945 (bien que l’indépendance réelle ne soit acquise qu’en décembre 1949).

L’Indonésie actuelle (appelée « Indes orientales néerlandaises » jusqu’en 1949) a été créée par les Hollandais, mais elle s’est aussi créée contre eux.

Un Etat pluriethnique avec 5 religions officielles

Sur une superficie à peu près identique à celle de l’Europe, on compte 15 000 îles, des centaines de langues. La langue la plus parlée est le javanais, mais elle est aussi la plus difficile. La langue nationale choisie a été celle que parlaient les commerçants malais : le Bahasa indonésia. Ce fut un élément d’unification de la République moderne.

Ce pays dispose de multiples ressources (hydrocarbures, minerais divers -notamment nickel, manganèse, tungstène-, huile de palme, bois exporté en quantités croissantes vers la Chine), mais Sukarno n’a pas été capable d’en faire une grande puissance économique. Il s’est surtout intéressé à la politique, et a essayé de faire vivre ensemble les trois grands partis : nationalistes (PNI), communistes (PKI) et musulmans (NU). Mais ce fut un échec, et, à la suited’une tentative de coup d’Etat par les communistes (GESTAPU) le 30 septembre 1965, la réaction des militaires menés par Suharto, a entraîné une guerre civile qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts. Au plan international, cela a entraîné, pour quelques vingt-cinq ans, la rupture des relations diplomatiques avec la Chine, accusée d’avoir soutenu le PKI.

Avec Suharto, l’Indonésie s’est dotée d’une économie prospère, mais ce n’était pas un modèle de démocratie. La crise économique asiatique de 1998 a entraîné son remplacement par son ancien Ministre d’Etat, Habibie, un ancien ingénieur en aéronautique (qui a travaillé notamment pour Messerschmitt), lui-même remplacé après un an et demi, par Abdurrahman Wahid, alias Gus Dur (atteint de cécité). Un système démocratique se met en place et les élections présidentielles suivantes sont validées internationalement : Megawati (fille de Soekarno) est présidente de 2001 à 2004, puis le Général Yudhoyono de 2004 à 2014.

Le gouvernement actuel

Jokowi, actuel Président élu après Yudhoyono en 2014, réélu en 2019, a été populaire dans un premier temps. Le pays a connu un développement appréciable. En 2022 : croissance de 5,3%, PIB à 1,3 milliards d’Euros, diminution du chômage (inférieur à 5%). Mais une certaine « folie des grandeurs » s’est notamment traduite par le projet de nouvelle capitale.

Jakarta a été créée par les Hollandais avec 300 000 habitants. Aujourd’hui avec 13 millions, elle est devenue « invivable ». D’où la décision de déménager la capitale dans un point plus central, à Nusantara (le nom signifie « archipel ») à l’est de Bornéo, ce qui a entraîné une vaste déforestation. Ce choix sera-t-il remis en cause par le nouveau Président qui serait hostile au projet [2]?

Le Président nouvellement élu, Prabowo Subianto, ancien ministre de la Défense, gendre de Suharto, a été accusé par plusieurs ONG de massacres à Timor, en Papouasie et même à Jakarta, lors de la répression de manifestations. Il a fait alliance avec Jokowi dont le fils aîné a été élu Vice-Président de la République. Quant au fils cadet, le projet d’en faire le futur gouverneur de Jakarta se heurte à des fortes oppositions. Cette tentative de créer une dynastie a déçu beaucoup de partisans de Jokowi.

Le nouveau Président, s’il est un accusé d’être un criminel par certaines ONG, est aussi un des hommes les plus riches d’Asie (propriétaire de vastes plantations de palmier à huile)[3]. Sur le plan politique, les relations avec la Chine sont compliquées (l’Indonésie est très proche des Etats-Unis), mais se poursuivent et se développent sur le plan économique (Nouvelles routes de la soie).

Aujourd’hui, c’est la 4ème puissance démographique après l’Inde, la Chine et les Etats-Unis. C’est le plus grand Etat musulman du monde (85% de la population). Il y a 5 religions officielles : Islam, christianisme/protestant, christianisme/catholique, Hindouisme, Bouddhisme (principalement Chinois).

Gérard Chesnel, ancien ambassadeur de France dans des Etats du Pacifique, Président de la Commission nationale pour l’élimination des mines anti-personnel

Conférence à l’Institut du Pacifique – 3 octobre 2024

Points évoqués lors des questions-réponses

-Chou En Lai était présent à la conférence de Bandung (mouvement des Non-alignés en 1955). Mais le coup d’Etat de Suharto a entrainé une rupture des relations diplomatiques avec la Chine.

-Des mouvements autonomistes et des révoltes ont eu lieu dès le lendemain de l’Indépendance : au sud des Moluques (mouvements pro-hollandais) ; tensions interethniques, inter-religieuses (face à l’islam radical) ; à Aceh (nord de Sumatra dernier à être soumis aux Hollandais après de longs mouvements indépendantistes).

-Le pali et le sanskrit sont encore enseignés à l’école.


[1] Cf le dossier « La grande aventure de la Compagnie des Indes (des marchands plus forts que des Etats) » in la Revue L’Histoire, n° 524, octobre 2024.

[2] Cf les problèmes liés aux transferts de capitales, par exemple Naypyidaw en Birmanie.

[3] La position officielle de la France serait moins sévère.