« Mission Clémenceau 2025 : Le Charles de Gaulle au cœur de l’Indo-Pacifique »

Conférence de l’Amiral Oudot de Dainville, membre de l’Académie de marine présentée jeudi 20 mars 2025 à l’Institut du Pacifique
Rappels historiques sur la présence de porte-avions français dans le Pacifique (1966/68)
Ces missions avaient deux objectifs principaux : surveiller la zone et effectuer des prélèvements aériens dans le contexte des essais nucléaires effectués alors. Depuis cette époque, la marine française est toujours présente dans la zone, mais n’avait plus envoyé de porte-avions.
Le SNA Émeraude s’est rendu à Guam en 2020.
En 2025, une présence coordonnée franco-britannique en Indopacifique : le porte-avions Prince de Galles va succéder au Charles de Gaulle dans l’Indopacifique en 2025.
Pourquoi un déploiement en Indopacifique alors qu’il y a la guerre en Ukraine ?
Depuis la présidence Obama, les tensions américano-chinoises se sont accrues, notamment autour de Taïwan.
Cf. deux études effectuées par la Rand Corporation : en 2019, mise en évidence du besoin d’attirer la Russie dans le « piège » ukrainien pour avoir les mains libres à Taïwan. En 2023, la Rand est aujourd’hui favorable à un règlement politique, même si le Président a changé.
Piège n°2 : La Russie veut devenir une super-puissance. Cristalliser les regards sur l’Ukraine, laisse la Russie libre en Asie et en Arctique.
Donc le Charles de Gaulle est « sorti du piège ».
Dans le cadre de l’« opération militaire spéciale » russe, le rôle des mers est occulté.
- Or l’OTAN est une puissance de la mer Baltique qu’elle contrôle.
- La mer d’Azov est totalement russe en violation du droit international
- La mer Noire est contrôlée par la Russie et la Turquie.
Il serait donc important pour l’Union européenne de renforcer les marines de Bulgarie et de Roumanie.
La composition du groupe aéronaval et du soutien allié, l’appui des avions de patrouille maritime.
Le groupe aéronaval est une base aérienne nucléaire flottante, il est entouré de frégates qui constituent des unités :
- De lutte anti-sous-marine (la France est au 1er rang)
- De lutte anti-aérienne (une ou deux frégates). Elles ont joué un rôle important dans le détroit de Bab el Mandeb
- Un SNA (ultramoderne)
- Un ravitailleur (Jacques Chevallier, modèle dernier-né)
- Des frégates alliées pour des périodes déterminées, dont une frégate marocaine
- 22 Rafale et des hélicoptères ayant des missions de détection
- 2 Breguet Atlantique.
Il dispose d’un véritable « Data Center » embarqué. Un perfectionnement permanent est nécessaire et des liaisons très particulières doivent être assurées avec les alliés/partenaires. L’interopérabilité des télécoms est essentielle.
Les évolutions des moyens maritimes sont rapides (autrefois le courrier était distribué toutes les 3 semaines !)
La présentation de la mission Clémenceau 2025 (novembre 2024-avril 2025)
Quatre objectifs principaux :
- Préservation des biens communs,
- Liberté d’accès,
- Respect du droit international,
- Opposition à toute action coercitive.
Les différentes étapes :
- La présence en Méditerranée orientale a été une source inestimable d’informations sur le flanc sud de l’OTAN, sur la zone s’étendant du Canal de Suez à la Syrie (concurrence des objectifs turcs et saoudiens pour devenir la 1ère puissance sunnite)
- Le passage en mer Rouge et dans le détroit de Bab El Mandeb (1), la participation à Aspides.
Une centaine d’attaques ont eu lieu en un an, avec deux bâtiments coulés. Mines et drones sont courants dans cette zone. Trois attaques ont été effectuées contre le porte-avions américain Harry Truman la semaine dernière malgré la surveillance effectuée depuis leur base (ex base française Lemonnier). Les Chinois ne font rien pour protéger la zone.
C’est une zone dangereuse pour toutes les grandes compagnies commerciales qui privilégient aujourd’hui le contournement par le Cap de Bonne espérance malgré l’allongement du trajet (le trafic à Suez a été divisé par deux)
L’endiguement de la Chine en Indopacifique
La France participe à la stratégie américaine de containment dans le cadre du QUAD et de l’AUKUS.
Partenaires du QUAD : Australie, Inde, Japon, USA. Objectifs plus économiques et politiques que militaires. La France est invitée à participer, mais ne veut pas être intégrée.
L’AUKUS : la rupture du contrat des sous-marins a des côtés positifs : c’était un défi à long terme en raison de l’absence de culture nucléaire en Australie.
Du fait du réarmement naval, les chantiers américains sont saturés.
La diplomatie navale se développe tout particulièrement avec l’Inde, l’Indonésie, le Japon, les Philippines et Singapour, ce qui permet l’interopérabilité des unités aéronavales, logistiques et opérationnelles.
En outre, cela s’accompagne de contrats de vente : rafales et porte-avions avec l’Inde, porte-aéronef au Japon (2), …
- L’exercice Varuna 2025 avec la marine indienne
Des exercices sont organisés tous les ans pour contrer le « collier de perles » chinois, constitué de bases logistiques chinoises dans l’océan Indien, points d’appui sous loi chinoise.
- L’exercice Lapérouse avec huit marines à proximité des détroits : Malacca (aujourd’hui saturé + piraterie), Lombock. Ces détroits sont vitaux pour la Chine : pour les produits énergétiques importés, et pour les produits manufacturés exportés vers l’Europe et l’Afrique.
L’Arctique, alternative aux détroits : passages du nord-ouest et du nord-est qui va se dégeler le premier (actuellement sous contrôle russe). Le détroit de Béring contrôlé à l’est par la Russie, à l’ouest par les USA.
- L’exercice Artaban avec l’Australie
Deux stratégies dans le Pacifique : chinoise contre américaine. Les USA (et les Occidentaux) sont attachés au respect du droit international et à la liberté de navigation.
La mer de Chine et la ligne des neuf traits. Stratégie chinoise par étapes : contrôle de la première chaîne d’îles en 2020, de la deuxième en 2030, l’objectif est de contrôler le Pacifique en 2049.
Les deuxième et troisième chaînes d’îles. Dès maintenant la loi chinoise impose de contrôler tous les bâtiments navigants dans sa ZEE.
- L’exercice Pacifique Steller avec un porte-avions américain et un porte-aéronefs japonais afin de dénier aux Chinois le contrôle de la zone.
Le retour
[1] « Porte des lamentations »
[2] Pour mémoire, la France avait formé les futurs kamikazes avant la Deuxième guerre mondiale.