Tensions maritimes en Extrême – Orient (2)
par Philippe Jullian et Michèle Biétrix
Chine & Taïwan – Japon
Senkaku shoto (Diaoyu qundao, Tiaoyutai, Pinnacle)
Archipel de 5 petites îles et 3 rochers situé entre Taïwan (à 100 miles), la Chine (à 180 miles), et les Ryu-Kyu (à 220 miles).
Ces îles et îlots sont inhabités, mais ils ont été utilisés par des collecteurs de guano japonais.
C’est la présence possible d’hydrocarbures dans les eaux environnant cet archipel qui suscite l’intérêt récent des Chinois et des Japonais pour celui-ci. (*)
De nombreux incidents opposent pêcheurs et vedettes des deux pays.
En 2012 le gouvernement japonais achète les îles qui étaient considérées comme propriété privée d’un Japonais.
En réaction des Taïwanais débarquent sur une des îles dont ils sont rapidement chassés par un commando des forces japonaises.
De son côté la Chine crée en novembre 2013 une « Zone d’identification aérienne » qui couvre l’archipel.
Les Chinois considèrent que cet archipel a été cédé au Japon par le traité de Shimonoseki (avril 1895) et que conformément au traité de San Francisco (1951) les Japonais doivent le rendre à la Chine.
Les Japonais considèrent qu’ayant mis pied sur l’archipel en janvier 1895 (donc avant le traité de Shimonoseki) celui-ci n’entre pas dans le cadre du traité de San Francisco.
(*) En juin 2008 la Chine et le Japon signent un accord pour l’exploitation conjointe des gisements de gaz dans la Mer de Chine de l’Est. Il ne semble pas que cet accord ait été suivi d’effet.
Chine – Taïwan
Formose
Pendant plusieurs siècles l’île de Formose est « visitée » ou occupée par les Chinois, les Portugais, les Espagnols, les Hollandais, les pirates chinois, les forces gouvernementales chinoises, les Français (1884).
En 1895 la Chine, après sa défaite, cède, par le traité de Shimonoseki, Formose au Japon qui restitue cette île 50 ans plus tard en 1945.
En 1949 Jiang Jieshi (Tchang Kaïchek, Chiang Kaishek) et ses partisans quittent le continent et s’installent à Taïwan.
Depuis lors les relations entre les deux gouvernements sont mouvementées et varient selon le parti au pouvoir à Taïwan.
Elles sont plus apaisées lorsque le parti Guomintang, lui aussi partisan d’ « une seule Chine » est au pouvoir.
Elles sont plus délicates lorsque c’est le Parti démocratique progressiste (DPP), parti qualifié de parti « indépendantiste » qui est en place, ce qui est le cas depuis les élections de janvier 2016
Le gouvernement de Pékin menace d’utiliser la force si Taïwan se déclarait « pays indépendant ».
Le gouvernement de Taïwan se demande quelle serait aujourd’hui la réaction des Américains en cas d’agression de la Chine.
Le « Taïwan Relation Act » institué en 1979 par les Etats-Unis pour remplacer le « Mutual defense treaty » (entre les Etats-Unis et la République de Chine) après la reconnaissance de la République Populaire de Chine par les Etats-Unis et l’ONU a un double objectif : dissuader la Chine de s’emparer par la force de Taïwan mais aussi dissuader Taïwan de déclarer unilatéralement son indépendance.
Il prévoit que les Américains mettront à la disposition des Taïwanais ce qui leur est nécessaire pour se défendre.
Mais ce texte présente une certaine ambiguïté, ce qui est source d’inquiétude pour les Taïwanais.
Chine – Taïwan
Dongsha (Pratas)
Ce groupe de trois petits atolls inhabités, situé à 530 nautiques au Sud-ouest de Taïwan et à 210 nautiques au Sud-est de la province chinoise du Guangdong est administré par Taipei.
Il est revendiqué par Pékin.
En 2007 Taïwan lui a donné le statut de parc maritime national.
Chine – Taïwan
Quemoy (Jinmen) & Matsu (Mazu lie dao) – Pescadores (Penghu)
Taïwan a su conserver ces îles situées à proximité de la côte chinoise : Quemoy à 1 mile et l’archipel de Matsu à environ 6 miles ainsi que les Pescadores, au milieu du détroit.
Pendant les années 50 elles sont l’objet d’attaques par les forces militaires chinoises mais, grâce à l’appui des Américains, elles restent sous le contrôle de Taipei.
Le gouvernement chinois considère qu’elles font partie de la province du Fujian et il n’a pas renoncé à les reprendre.
Chine – Vietnam
Paracels (Xisha, Quang dao hoang sa)
En 1974 les forces armées chinoises occupent les Paracels, jusque là inhabitées..
Le Vietnam Sud n’est pas en mesure de résister ; toutes ses forces sont mobilisées contre le Vietminh et le Viêt-Cong.
Le Vietnam Nord ne peut s’opposer à son principal allié.
En 2014 l’installation par une entreprise chinoise d’une plateforme pétrolière près des côtes du Vietnam est l’occasion d’un grave incident naval entre des bâtiments chinois et vietnamiens et provoque dans plusieurs ville vietnamiennes de telles manifestations antichinoises que la plateforme est déplacée.
Depuis 2012 les Paracels sont érigées par le gouvernement chinois en « préfecture », chef lieu Sansha dans l’île de Yongxing ; cette préfecture est rattachée à la province de Hainan.
Pour le Vietnam les Paracels font partie de la province de Danang.
Pour Taïwan elles sont rattachées au port de Kaohsiung.
Chine et Vietnam se disputent encore une partie du plateau continental.
Chine – Philippines
Scarborough (Panacot, Bajomasinloc)
C’est avant tout la ZEE (zone économique exclusive) qui entoure cet îlot qui est l’enjeu du conflit.
Le conflit a été porté devant la Cour internationale d’arbitrage de La Haye.
En août 2016 la Cour a donné raison aux Philippines et déclaré que les droits invoqués par la Chine n’avaient pas de fondement juridique.
Taiwan – Philippines
Taiping – Itu Aba
Taiping, située au nord de la Mer de Chine méridionale, fait partie des Spratly.
Elle est administrée par Taïwan et elle est revendiquée par les Philippines, le Vietnam et la Chine.
Taïwan n’a pas apprécié de ne pas être consulté par la Cour internationale de La Haye à l’occasion de la demande d’arbitrage formulée par les Philippines ; mais Taïwan ne pouvait l’être puisque ce n’est pas un « état » reconnu par les organismes internationaux.
Taïwan conteste le jugement de La Haye car dans ce jugement Taiping est qualifié de « rocher » et non d’île et ne peut donc pas disposer d’une zone économique exclusive.
Chine – Vietnam, Malaisie, Brunei, Philippines
Spratly (Nansha)
C’est probablement là qu’existent les problèmes les plus complexes et les antagonismes les plus forts.
Il y a en effet :
- des récifs et des bancs de sables immergés en permanence,
- d’autres qui émergent à marée basse,
- des îlots et des îles qui étaient inhabités,
- des îlots et des îles artificiels maintenant habités et parfois utilisés comme bases militaires.
Se pose tout d’abord la question de la souveraineté.
Se pose ensuite la question de savoir si les Spratly constituent ou non un archipel.
Se pose également la question des éventuelles eaux territoriales, zones économiques exclusives, zones d’identification aérienne, etc.
La Chine réclame la souveraineté sur l’ensemble de la région, Vietnam, Malaisie, Brunei et Philippines en réclament chacun une partie.
La Chine veut protéger les abords de Hainan où est basée une partie de ses sous-marins et contrôler une partie de la route maritime qu’empruntent les pétroliers qui apportent le pétrole venus du Proche-Orient et les porte-conteneurs qui emportent vers l’Europe et l’Afrique ses produits manufacturés.
Les pays voisins veulent pouvoir disposer d’une partie des ressources sous-marines et des ressources halieutiques de la région.
L’accord de 2002, entre la Chine et les pays riverains, tous membres de l’ASEAN, pour l’exploitation commune des ressources de la Mer de Chine méridionale est resté lettre morte, la Chine préférant traiter avec chaque pays plutôt qu’avec une coalition.
En juillet 2012 la réunion de l’ASEAN, présidée par le Cambodge, s’est achevée sans communiqué final, le Cambodge ayant obtempéré à l’injonction de la Chine qui ne voulait pas que l’on mentionne les litiges de la Mer de Chine méridionale.
Chine – Indonésie
Natuna
Ce n’est pas un conflit de souveraineté.
Le conflit porte sur la délimitation des ZEE (zones économiques exclusives) car la ZEE de Natuna (Philippines) et la ZEE des Spratly (revendiquée par la Chine) se chevauchent.
Chine – Etats-Unis
Mer de Chine méridionale
Les Etats-Unis veulent faire respecter la libre navigation des bateaux de commerce et des bâtiments militaires dans la Mer de Chine méridionale et le libre survol de cette zone par les avions civils et militaires.
Pêche
Délimitation de l’espace maritime dans lequel la Chine impose unilatéralement un contrôle de la pêche aux autres usagers
Mer de Chine méridionale
De nombreux incidents opposent bateaux de pêche et bâtiments « garde-côtes » des divers pays qui se disputent les ressources halieutiques de la région.
Ces incidents sont parfois très violents : abordages, échanges de coups de feu, bateaux coulés, équipages capturés, etc.
Indonésie – Malaisie
Konfrontasi
La création de la Fédération de Malaisie qui fin 1962 a regroupé Singapour, la Malaisie britannique, Sabah et Sarawak au Nord de Bornéo suscitait l’hostilité de l’Indonésie.
De 1963 à 1966 des opérations militaires ont opposé l’Indonésie et ses voisins.
Indonésie – Singapour
Batam
Il n’y a pas conflit territorial entre l’Indonésie et Singapour mais il y a eu rivalité économique.
L’Indonésie voulait faire de cette île un centre commercial et industriel pour concurrencer Singapour.
Elle y a renoncé dans les années 1980.
Piraterie
La lutte contre la piraterie intéresse tous les pays dont l’activité économique est liée au commerce maritime. L’efficacité de la lutte contre la piraterie dépend d’une étroite collaboration
– en Mer de Chine méridionale entre les Philippines, l’Indonésie et la Malaisie + le Vietnam et la Chine.
– dans le détroit de Malacca entre l’Indonésie, la Malaisie et Singapour
Cambodge – Vietnam
Phu Quoc (Koh Tral)
L’île de Koh Tral, comme la Cochinchine, faisait partie du Cambodge avant d’être occupée par le Vietnam.
En 1856 le roi du Cambodge avait proposé à la France de lui céder cette île.
En mai 1975 les forces Khmers Rouges l’ont occupée mais ils en furent rapidement délogés.
Aujourd’hui le Cambodge est dans l’incapacité de récupérer cette ancienne possession.
Phu Quoc est à une dizaine de km du Cambodge et à une cinquantaine de km du Vietnam.
Cambodge – Thaïlande
Frontière maritime
Une zone d’environ 26.000 km2 (dans laquelle se trouve peut-être du pétrole) est réclamée par le Cambodge qui considère que la frontière maritime est une perpendiculaire à la côte et par la Thaïlande qui considère que la frontière maritime est le prolongement de la frontière terrestre si celle-ci est oblique par rapport à la côte.
En 2001 un accord était intervenu entre les deux pays pour une éventuelle exploitation commune des ressources de la zone contestée mais il n’a pas été appliqué.
Thaïlande et ses voisins
Plateau continental
Entre 1975 et 1997 plusieurs accords ont permis de régler différents litiges concernant le partage du plateau continental, notamment :
- Dans le golfe du Siam entre la Thaïlande et le Vietnam (1993)
- Dans la Mer d’Andaman entre la Thaïlande, l’Indonésie et la Malaisie (1975), entre la Thaïlande, l’Indonésie et l’Inde (1978), entre la Thaïlande, la Birmanie et l’Inde (1993)
Thaïlande – Myanmar
Trois îles en mer d’Andaman et l’estuaire de la rivière Kraburi
Ces îles sont situées près de l’extrémité sud de la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar.
Elles ne figurent pas sur la carte jointe à la convention signée en 1868 entre le Siam et la Grande-Bretagne (alors puissance tutélaire de la Birmanie) d’où le litige non encore réglé.
La Thaïlande et le Myanmar se partagent l’estuaire de la rivière Kraburi ; ils se disputent un îlot et une jetée situés dans cet estuaire.
14/10 – Institut du Pacifique