« Réussir en Corée : Affaires ou ne pas faire en Corée : Une expérience atypique d’expatriation »

Conférence de Laurent Lazard du 6 février 2020

Conduit « par hasard » à travailler en Corée, Laurent Lazard a « découvert » l’Asie à l’occasion de son expatriation en 1996 dans un pays inconnu en France. De plus, il est confronté à une situation difficile de grèves dans une société à reprendre, suivie par les conséquences de la crise des années 98.

Il a ainsi été amené à prendre la mesure des préjugés, des difficultés de communication et de compréhension liés à la méconnaissance respective des civilisations. D’où son engagement en faveur du dialogue culturel Asie-Europe. Il travaille à faire connaître la culture asiatique en France et en Europe, afin de promouvoir les relations économiques et les investissements et de développer les partenariats. Les clés du culturel sont indispensables pour un Occidental qui veut travailler utilement en Corée, et d’une manière générale en Asie. Il ne faut pas oublier qu’en Coréel’étranger a presque toujours été un envahisseur …La Corée a été sous la dynastie Yi, royaume Choseon, de 1597, fin de la guerre Nippo-Coréenne, et jusqu’en 1866 un « royaume ermite » coupé de tout contact extérieur : le premier contact avec les étrangers a été avec les Français sous le commandement du Contre-amiral Roze qui a organisé un expédition punitive après le massacre des missionnaires français. Un proverbe illustre bien cet état d’esprit : « Quand les baleines chahutent, les crevettes trinquent ». En effet, la Corée est un petit pays coincé entre les grandes puissances qui sont la Chine, le Japon et la Russie.

 

Le poids de la culture

La religion joue un rôle non négligeable : les chrétiens représentent 33% de la population, les bouddhistes 25%, les confucianistes 11%, les agnostiques 1,5% et les groupes ethniques 14% avec quelques 50 000 chamanes.

Il convient de souligner l’homogénéité de la population d’origine ouralo-altaïque, l’omniprésence des valeurs confucianistes, telles que la famille, la recherche de l’harmonie, l’importance des réseaux et un fort sentiment de patriotisme. Le « chef » joue un rôle essentiel et il est fondamental dans les négociations, pour un étranger, de le « situer ».

En accord avec les valeurs et préceptes taoïstes, bouddhistes et confucianistes, l’individu n’est qu’une composante d’un tout, contrairement à l’individualisme occidental. De même, un refus ne s’exprime pas de la même façon qu’en Occident et la « face » doit être préservée quoi qu’il en coûte.

La patience se révèle donc une vertu à conjuguer pour réussir, car comme le cite Confucius « une légère impatience ruine de grands projets ».

Cependant la société évolue et les jeunes influencés par la mondialisation se reconnaissent de moins en moins dans les traditions.

Source Internet Vaisseau Tortue

 

La Corée aujourd’hui : résultat d’une histoire singulière

Laurent Lazard nous a transmis un peu de sa passion au travers d’un exposé très vivant et bien illustré. Il nous a rappelé les principaux moments de l’histoire coréenne, parfois douloureuse, et a surtout insisté sur la symbolique, notamment avec le Vaisseau Tortue qui illustre l’esprit de combat, la ruse et l’intelligence : déjà en 1592, 13 vaisseaux coréens ont repoussé 130 nefs japonaises. Les origines du peuplement (Mongolie) expliquent l’attachement aux rites chamaniques, tout en mettant en évidence les spécificités, notamment une écriture propre, le hangul, dès la fin du XIVème siècle, et une remarquable détermination face à l’adversité. CF l’exposition sur la résistance coréenne que nous avons visitée en octobre dernier. C’est aussi le fil conducteur de l’ouvrage que Laurent Lazard vient de publier, « Le Vaisseau Tortue » qui représente la résilience du peuple coréen.

Il convient de rappeler que la péninsule coréenne est entourée de puissants voisins : la Chine, la Russie et bien sûr le Japon.

La colonisation japonaise depuis 1910 jusqu’à la fin de la Deuxième guerre mondiale, puis la Guerre de Corée entre 1950 et 1953 entre le nord et le sud, sont deux moments-clés du XXe siècle pour comprendre ce pays. En dépit de ces difficultés, l’essor économique du pays est rapide, puisque la Corée a rejoint l’OCDE et le G20 en 1996. Elle a aujourd’hui un pouvoir d’achat proche de celui des Etats de l’UE, avec seulement 51 millions d’habitants. Concernant le contexte économique sud-coréen, les « chaebols » sont ultra-dominants et freinent l’émergence des PME. En effet, l’activité économique se répartit ainsi : 60% pour les services, 38% pour l’industrie et seulement 2% pour l’agriculture. Elle dépend à 42% des exportations (2016).

Ceci explique l’importance des grands groupes dont la puissance repose notamment sur leur faculté à appréhender et développer de nouveaux secteurs. Cela leur permet de conserver leur avance technologique sur leurs puissants voisins (Samsung, LG, Hyundai pour les plus connus mondialement).

Pour mémoire, l’Accord de Potsdam en 1945 a entériné la division du territoire à la hauteur du 38e parallèle. Et la guerre de Corée (jamais achevée puisqu’il n’y a pas encore d’accord de paix, même si les deux Corée sont membres de l’ONU depuis 1991) a consacré la séparation du territoire en 2 Etats distincts sous l’égide au nord de l’URSS et au Sud des USA qui sont aujourd’hui encore présents avec 28 500 hommes stationnés et le déploiement du système anti-missiles THAAD visant normalement à intercepter des missiles nord-coréens. Ceci a contribué largement à accroître les mauvaises relations avec la Chine et la Corée du Nord.

Le contexte de tensions héritées du passé, à l’égard de son environnement (Chine, Japon, URSS et Corée du nord) serait-il en train de s’apaiser ? Des tentatives de rapprochement ont eu lieu depuis 1998 et les liens entre jeunes qui voyagent davantage tendent à se développer.

Nous reparlerons du volet « politique internationale » lors de la conférence d’Antoine Bondaz le 31 mars prochain.

Michèle Biétrix et Hélène Mazeran

Avec l’aimable relecture de Laurent Lazard