Tensions maritimes en Extrême – Orient (1)

par Philippe Jullian  – Illustrations par Michèle Biétrix

INTRODUCTION

Pour ce « point d’actualité » je me limiterai à la partie septentrionale de l’Extrême-Orient car les journaux parlent abondamment des litiges dans la Mer de Chine orientale et dans la Mer de Chine du Sud.

Dans certains cas, je ferai un rappel historique car cela permet de mieux comprendre la situation actuelle.

L’origine des tensions est très variée : souveraineté sur des îles ou des îlots, chevauchement de ZEE (zone économique exclusive), liberté de navigation, pêche, proximité de bases militaires, opérations militaires ou autres, etc.

JAPON  – RUSSIE

KOURILES (Tsisima)  &  SAKHALINE (Karafuto – Tarakay)

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Le chapelet des îles Kouriles est  traditionnellement partagé entre les 12 « petites Kouriles » au Nord  et les 4 « grandes Kouriles » au Sud, plus quelques petits îlots inhabités.

Jusqu’en 1875 les « petites » étaient contrôlées par les Russes et les « grandes » par les Japonais.

En 1875, par le traité de Saint-Pétersbourg la Russie cédait   au   Japon   les   12 « petites Kouriles » et recevaient en échange la moitié sud de Sakhaline jusque là sous influence japonaise.

En 1905, à la suite de sa victoire sur la Russie le Japon reprend la moitié sud de Sakhaline.

En 1945, l’URSS récupère cette moitié sud de Sakhaline et occupe la totalité des Kouriles.

Aujourd’hui le Japon réclame les 4 « grandes » qu’il possédait autrefois, ce à quoi s’oppose la Russie pour des raisons stratégiques : c’est par là que les sous-marins russes basés à Sakhaline ou à Vladivostok peuvent accéder à l’Océan Pacifique.

Aucun traité de paix entre le Japon et l’URSS ou la Russie n’ayant été signé la revendication du Japon reste à l’ordre du jour.

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CHINE – RUSSIE

SAKHALINE

C’est au milieu du XIX siècle à la suite de la convention d’Aigoun (1858) et du traité de Pékin (1860) que la Chine cède à la Russie la moitié nord de Sakhaline, jusque là sous influence chinoise, ainsi que des territoires en Sibérie orientale.

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Les différents régimes qui se sont succédé depuis lors en Chine n’ont cessé de parler de « traités inégaux ».

De plus en plus nombreux sont les Chinois ouvriers, agriculteurs, commerçants, qui s’installent dans les territoires de Sibérie anciennement chinois et de plus en plus réticents sont les Russe à aller y vivre.

Il se pourrait fort bien qu’un jour, au nom de l’histoire ancienne et de la situation démographique nouvelle, la Chine réclame « ses » anciens territoires et aussi l’île de Sakhaline.

Il est bien évident que la Russie s’y opposera pour des raisons stratégiques.

JAPON  – COREE du SUD

DOKDO (Takeshima – Liancourt)

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En 1905 la Corée devient une colonie du Japon ;  celui-ci prend possession des îles coréennes. En 1951 le Japon renonce à ses droits sur la Corée et sur un certain nombre d’îles qu’il occupait.  Dokdo n’est pas mentionnée parmi celles-ci.

En 1953 la Corée du Sud y installe un contingent de gardes-côtes.

Le Japon revendique la souveraineté de cette île qui est située à 50 miles de la Corée et à 80 miles du Japon.

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La Chine revendique ce rocher, autrefois submergé à marée haute, sur lequel la Corée du Sud a installé une station océanographique et une plateforme pour hélicoptère.

Il est situé à 80 miles d’une île coréenne et à 160 miles d’une île chinoise.

COREE du SUD – COREE du NORD

Actes de guerre

De très nombreux incidents mettent fréquemment aux prises bâtiments de guerre et bateaux de pêche nord-coréens et sud-coréens.

En plus de tous ces incidents on note deux  « actes de guerre » :

  • en mars 2010 la marine nord-coréenne coule la corvette sud-coréenne Cheonan et
  • en novembre 2010 l’artillerie nord-coréenne bombarde l’île sud-coréenne Yeonpyeong.

JAPON  – Etats-Unis

OKINAWA

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La présence d’une base militaire américaine, et peut-être plus la présence de soldats américains que la présence de la base, suscite périodiquement des manifestations populaires hostiles.

Le gouvernement japonais, lié par un traité, n’a pas l’intention de demander aux Américains de quitter Okinawa alors que la Chine renforce sa présence militaire dans la région.

CHINE  – ETATS-UNIS

YAP (Los Garbanzos – Gran Carolina)

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Il  y  a  environ  deux  ans  on  apprenait  qu’une  compagnie  de  tourisme  de  Hong-Kong

« Exhibition and travel group » projetait d’installer un centre de loisir sur l’île de Yap. (YAP désigne à la fois un Etat, un archipel d’environ 150 îles ou atolls et l’île principale de celui-ci) L’Etat de Yap, situé dans les Carolines, est un des Etats fédérés de Micronésie.

En 1899 l’Allemagne achète à l’Espagne plusieurs de ses colonies dont l’archipel de Yap.

L’île de Yap devient  « un centre névralgique du renseignement naval allemand et un centre international important pour la télégraphie par câble » (wikipedia).

En août 1914 Yap est bombardé par les forces alliées et en septembre elle est occupée par les Japonais.

A la fin de la guerre les Etats-Unis manifestent leur désir de contrôler cet Etat mais c’est finalement au Japon que la SDN (Société des Nations) attribue en 1922 un mandat pour administrer l’archipel.

Au cours de la deuxième guerre mondiale Yap fut conquise par les Américains.

En 1947 ils reçoivent un mandat pour administrer cet archipel qui devient indépendant officieusement en1986 et officiellement en décembre 1990.

Est-ce vraiment pour des raisons touristiques que le gouvernement chinois, sous couvert d’une société  « privée » s’intéresse à cette île ?

On peut en douter quand on remarque que c’est un « nœud » de câbles sous-marins, qu’elle n’est située qu’à 400 miles de la base américaine de Guam (alors qu’elle est à 1.400 miles de la côte chinoise) et enfin qu’elle est fort bien située pour être un centre de communication avec les sous-marins chinois qui navigueraient dans l’Océan Pacifique.