Retournement de la conjoncture économique en Amérique latine ; tensions politiques intérieures ; relations avec la France

par Jean-Michel DASQUE

Ancien ambassadeur en Papouasie-Nouvelle Guinée Point d’actualité du 26 mai 2015  (mise à jour au 20 Juin 2015)

Retournement de la conjoncture économique en Amérique latine ; tensions politiques intérieures ; relations avec la France

Retournement de la conjoncture économique

Entre 2000 et 2010, l’Amérique latine a connu une prospérité inégalée dans son histoire. Tous les pays sans exception ont vu leur production augmenter et leur niveau de vie s’élever. Le taux de croissance pour l’ensemble du sous-continent a été de 4.1% et il a même atteint 5% avant 2008. L’Amérique latine était devenue un « eldorado » très attractif pour les investisseurs étrangers. Ce résultat s’expliquait pour plusieurs raisons. Les pays situés au sud du Rio Grande ont bénéficié d’une conjoncture mondiale favorable et de la hausse des cours des matières premières, notamment des minerais et des hydrocarbures. La croissance a été tirée aussi par la demande de la Chine qui est devenue un des principaux clients de l’AML. Les gouvernements avaient pratiqué une politique financière volontariste, n’hésitant pas à emprunter pour financer des programmes d’investissements publics et soutenir la croissance. Nonobstant cette politique d’inspiration keynésienne, ils avaient eu le souci de maintenir le déficit budgétaire dans des limites raisonnables et d’éviter un alourdissement excessif de la dette. Ils avaient su habilement faire varier les taux de change pour stimuler l’exportation et les balances commerciales étaient équilibrées et souvent excédentaires. Ainsi les grands équilibres avaient été maintenus et l’inflation dans l’ensemble était restée modérée. Sur le plan extérieur la plupart des Etats de la région, qui étaient auparavant très fermés, ont pratiqué une stratégie d’ouverture commerciale ; cette orientation libérale a été illustrée par la conclusion de l’ALENA et les différents accords de libre-échange passés par le Chili1. Enfin la croissance a été soutenue par le dynamisme démographique et les économies ont assez bien résisté à la crise mondiale déclenchée par la faillite de Lehman Brothers.

La prospérité économique et l’aisance des finances publiques ont favorisé une diminution de la pauvreté et une augmentation de la classe moyenne qui représente maintenant 55% de la population. Au Brésil 40 millions de personnes sont sorties  de la pauvreté au cours de la décennie 2000-2010.

Un retournement de tendance s’est produit à partir de 2010. Le taux de la croissance a baissé continuellement au cours des quatre dernières années et il est tombé en 2014 à 1,3%. Il devrait être de 0.9% en 2015 selon les prévisions du FMI2. Ce phénomène est dû en premier lieu au fléchissement des cours mondiaux des matières premières, spécialement du pétrole et des minerais et à la diminution de la demande chinoise. Le resserrement monétaire de la FED aux Etats-Unis a eu également un impact négatif sur la conjoncture latino-américaine car elle a augmenté le coût des financements externes et a provoqué une fuite des capitaux, notamment des dépôts à court terme. La dégradation des termes de l’échange, la diminution des marges bénéficiaires, l’incertitude politique et les troubles sociaux dans plusieurs pays ont incité les entreprises privées à comprimer leurs dépenses d’équipement. De leur côté les gouvernements, soumis à des contraintes budgétaires de plus en plus strictes, n’ont pas la capacité de mettre en œuvre des programmes d’investissements publics susceptibles de relancer la machine économique. La consommation, quant à elle, est restée asthénique à cause des risques de chômage, de la stabilisation des salaires, de la diminution des transferts et d’une  hausse,  assez modérée d’ailleurs, des prélèvements fiscaux. Le solde des échanges extérieurs est devenu déficitaire et l’inflation a refait son apparition3. La décélération de la croissance et la diminution de rentrées fiscales liée à la dégradation de la conjoncture risquent de remettre en cause les avancées sociales des années deux mille.

Par-delà les aléas de la conjoncture, les pays d’Amérique latine sont confrontés à des problèmes structurels. Les principaux sont les suivants :

-Le premier est la trop grande dépendance vis-à-vis des produits primaires (minerais, hydrocarbures, denrées agricoles) qui représentent 60% du total des exportations du sous-continent. La hausse des cours mondiaux pendant la première décennie du XXIème siècle a provoqué une « reprimarisation » des économies. Les industries manufacturières sont peu développées sauf dans quelques pays comme le Mexique notamment grâce à l’essor de « maquiladoras » et dans quelques Etats d’Amérique centrale (Salvador, Costa Rica). Quelques grands groupes se sont constitués au Brésil. Par contre, le secteur des PME est peu développé et ces entreprises trouvent difficilement accès au crédit.

-Les infrastructures et les services de base (routes, ports, aéroports, lignes électriques, approvisionnement en eau) sont très insuffisantes. Au Brésil, les camions s’accumulent dans les ports et attendent plusieurs jours avant de pouvoir être déchargés de leur cargaison. Les grands projets de voies transcontinentales sont pour la plupart en panne.

-La productivité se situe à un niveau très inférieur à celui des pays de l’OCDE et des pays émergeants. Il est nécessaire d’introduire les technologies nouvelles, d’améliorer la formation de la main d’œuvre et la gestion des entreprises, encore archaïque.

-Un quatrième frein à la croissance est constitué par l’insuffisance de la recherche. Les investissements dans ce secteur sont peu considérables (ils représentent 0.4% du PIB contre plus de 2% dans un pays comme le Japon) et sont financés essentiellement par l’Etat. L’investissement sur des fonds privés constitue à peine un quart du total de l’effort de recherche et de développement. Des institutions de recherche ont été créées au Brésil (la Fondation Vargas, le CEDRAP, un institut de recherches en sciences sociales dirigé par Enrique Cardoso) mais elles sont peu nombreuses dans les autres pays. Les investissements étrangers peuvent faciliter les transferts de technologie mais ils doivent être orientés vers les secteurs modernes de l’économie et l’innovation technologique.

-Le système éducatif est une autre faiblesse de l’Amérique latine. Sans doute les Etats ont-ils augmenté les dépenses consacrées à l’enseignement qui représentent 5% du PIB (5.6% pour l’ensemble des Etats de l’OCDE). Malgré cela des progrès doivent être réalisés. Si 91% des latino- américains en âge scolaire fréquentent les écoles primaires, 74% seulement reçoivent une éducation secondaire et 41% un enseignement supérieur 4 . La qualité de l’enseignement laisse à désirer (formation insuffisante des personnels, horaires inadaptés, équipement, notamment en informatique). L’enseignement privé (et payant) joue un rôle encore très important : il représente 40% des établissements au Chili5, 35% en Colombie.

  • Le solde extérieur courant a été de -8 en2014 et il devrait atteindre -3% en 2015.
  • Les taux sont 91% et 71% dans les Etats de l’OCDE.
  • La présidente Michelle Bachelet a entrepris une réforme du système éducatif pour le rendre plus démocratique.

-La corruption est un mal endémique en Amérique latine et la plupart des pays sont très mal classés dans la liste établie par Transparency International. Ce point sera analysé avec plus  de précision dans le chapitre suivant.

-Enfin les mesures prises au cours des quinze dernières années pour favoriser une redistribution des revenus n’ont pas permis de réduire réellement les inégalités ; selon le rapport de la Banque Mondiale « Inequality and lower growth in Latin America », l’Amérique latine est après l’Afrique subsaharienne, la région du monde où les inégalités sociales sont les plus  criantes.

La situation varie considérablement selon les pays. Les Etats exportateurs de matières premières ont vu le rythme de leur croissance ralentir nettement tandis que ceux dont l’économie est plus diversifiée ont continué de bénéficier d’une conjoncture favorable.

Le Brésil, qui représente 40% du PIB de l’Amérique latine a été durement affecté par la diminution des importations de la Chine et par la baisse des cours des matières premières (pétrole, colza) qui représentent 50% de ses exportations ; son PIB devrait se contracter de 0.8% en 2015. En outre le pays connaît une forte inflation (7.7% en glissement annuel en février 2015) malgré un taux d’intérêt élevé (12.75% en mars) et le déficit des comptes publics est égal à 5.9% du PIB. Les investisseurs privés sont rendus très prudents par le climat des affaires assez médiocre, l’incertitude politique (impopularité de la président Dilma Rousseff) et l’importance de la dette des ménages6. Le souci de maitriser le déficit budgétaire et de juguler l’inflation conduit le gouvernement à faire des coupes dans les programmes d’investissements publics et à revenir sur certains avantages sociaux. Le marasme entraîne une augmentation de chômage : 50.000 emplois ont été détruits dans l’industrie au cours des deux dernières années et le taux de chômage est égal à 5.9% de la population active. Au-delà d’une conjoncture délicate, le pays est confronté à des faiblesses structurelles : capacité insuffisante des infrastructures de base, manque de travailleurs qualifiés, coûts de production trop élevés, lourdeur et complexité de l’administration et de la fiscalité, règlementation du travail trop tatillonne. Dans son rapport le FMI recommande des mesures pour améliorer la compétitivité des entreprises et attirer des investissements, notamment des IDE à long terme7.

L’Argentine est également fragilisée par le retournement de la tendance sur les marchés mondiaux de matières premières. Les exportations de soja se maintiennent mais les exportations d’énergie connaissent une diminution drastique. Les services, notamment le tourisme, marquent un essoufflement. Les restrictions aux importations ont contribué à désorganiser l’économie, elles ont freiné les investissements productifs et ont renforcé les tensions inflationnistes. Le pays qui a connu une quasi-stagnation en 2014 (0.5%) devrait enregistrer une faible progression en 2015 (1.1%.). Sur le plan financier, la limitation des montants de change autorisés a entraîné une explosion du marché parallèle et la hausse des prix a amputé le pouvoir d’achat de la population.

Au Venezuela les incohérences de la politique gouvernementale, la multiplication des contrôles administratifs, les expropriations de terres et les nationalisations, la gabegie et la corruption généralisées à tous les échelons ont provoqué une crise profonde. Dans le secteur industriel de nombreuses entreprises ont disparu et 80% des biens de consommation sont désormais importés. La PDVSA, la société pétrolière d’Etat, qui assure les deux tiers des ressources budgétaires, maintient sa production au niveau de 2.5 millions de barils par jour (contre 3 millions il y a dix ans) mais elle n’a pas les moyens de financer les investissements nécessaires pour mettre en valeur de nouveaux gisements. La chute du cours du pétrole a accru les difficultés, aggravé les pénuries, y compris des biens de première nécessité, poussé le taux d’inflation qui atteint 62% en 2014. Le PIB, qui a baissé de 4% en2014, devrait encore chuter de 7% en 2015. Le déficit budgétaire s’élève à 20% du PIB et la pauvreté qui avait diminué fait de nouveaux des progrès.

La situation est nettement plus favorable dans les pays andins. Le Chili est une des économies les plus dynamiques d’Amérique du Sud. Son PIB a augmenté en moyenne de 4.5% par an entre 2001 et 20118. La croissance a enregistré en 2014 un ralentissement important (+1.8%) dû au fléchissement du cours du cuivre, à la diminution de la demande chinoise, à un retournement des investissements dans le secteur minier et à une contraction de la consommation intérieure dans le contexte d’un endettement excessif des ménages. Cependant on ne doit pas être excessivement pessimiste. L’économie du Chili repose sur des fondamentaux solides, gestion rigoureuse des dépenses publiques, forte ouverture sur l’extérieur, richesses naturelles et le pays des Araucans devrait retrouver la voie de la croissance en 2015, année au cours de laquelle le PIB devrait progresser de 2.7%. Sur le plan politique, la présidente, Michelle Bachelet, a engagé plusieurs réformes importantes : réforme de l’éducation destinée à démocratiser l’enseignement, réforme fiscale, enfin révision de la constitution. Le Chili pratique une politique résolument libérale et a été un des fondateurs, avec le Pérou, la Colombie et le Mexique, de l’Alliance du Pacifique, qui vise à créer une zone de libre-échange et à développer la coopération économique et financière entre les Etats signataires.

Au Pérou, la chute des cours des matières premières (en 2014 les termes de l’échange étaient inférieurs de 12% à ceux de 2011) a provoqué aussi un ralentissement de la croissance en 2014 (2.4% contre 5.4% 2013 et 5.5% en 2012) et une aggravation du déficit des comptes courants qui atteint 6% du PIB en 2014. Les experts prévoient une amélioration (+3.8%) en 2015. La reprise sera favorisée par la politique volontariste des pouvoirs publics (programme de grands travaux) et par la mise en valeur de nouveaux gisements miniers (Torocho et Tia Bamba)9.Cependant ces projets suscitent une vive opposition  de  la  part  des  communautés  rurales  qui  redoutent  des  conséquences  négatives  pour l ‘environnement et  l’agriculture.

Soutenue par la taille de son marché, sa démographie dynamique (47 millions d’habitants), enfin une réputation de débiteur scrupuleux, des ressources naturelles abondantes et variées (pétrole, charbon, émeraudes, café), la Colombie a connu plusieurs années de croissance ininterrompue : 6.6% en 2011, 4% en 2012, 4.3% en 2013 et 4.6% en 2014. Le Président Santos s’efforce de poursuivre les réformes de structures engagées par son prédécesseur Uribe et d’assainir les finances publiques. Il a fait voter une loi modifiant le système d’imposition des entreprises minières, établi un plafond pour le déficit budgétaire, adopté diverses mesures pour améliorer la productivité des entreprises et renforcer les infrastructures. Malgré une politique visant à soutenir l’activité économique, la baisse du prix du pétrole aura un impact négatif sur la croissance dont le rythme devrait être de 3.4% en 2015.

L’Equateur, qui avait stagné à la fin du siècle dernier, a enregistré une forte croissance au début des années 2000. Son PIB a progressé de 4.2% en moyenne par an et la hausse avait atteint 7.8% en 2011. Cependant la revalorisation du dollar, qui fait fonction de monnaie officielle, la chute du prix du pétrole et les restrictions aux importations ont eu un impact négatif sur la croissance qui est passée sous la barre des 4% en 201410. Sous la direction du président Rafael Correa, le gouvernement de Quito mène une politique nettement interventionniste. Il a mis en œuvre des programmes ambitieux, notamment dans les domaines des infrastructures, de la santé et de l’éducation et il a pris des mesures visant à une redistribution des revenus. Il a refusé d’adhérer à l’Alliance du Pacifique qu’il juge trop libérale. Cependant il a signé un traité de libre-échange avec l’UE.

En Bolivie la croissance continue d’être tirée par les exportations de minerais et d’hydrocarbures11. Malgré la baisse des prix mondiaux et une politique de nationalisations qui a pu dissuader les investisseurs étrangers, le PIB a continué d’augmenter en 2014 à un rythme soutenu (4.8%), quoique inférieur aux années précédentes (5.2% en 2011 et 6.4% en 2013). Le solde budgétaire est positif et les réserves de change confortables : 15 milliards de $ soit 50% du PIB. La dette extérieure est relativement faible 11.5 milliards de dollars (35% du PIB). Le gouvernement d’Evo Morales a mis en œuvre des mesures de redistribution (aides en faveur de la scolarisation, des personnes âgées, des femmes enceintes). Malgré tout, la Bolivie reste un des pays les plus pauvres du sous-continent.

Le Mexique dont le PIB a progressé de 2.% en 2014 devrait enregistrer une croissance de 2.6% en 2015. Bien que satisfaisant, ce chiffre est inférieur aux attentes parce que l’atonie de la demande et la politique monétaire restrictive ont atténué les effets positifs de la reprise aux USA. A plus long terme, la politique de libéralisation de l’économie, l’introduction de la concurrence dans les medias et l’ouverture de l’industrie pétrolière aux investissements privés devraient avoir un impact positif sur l’économie. La Banque Mondiale prévoit une croissance de 3.2% en 2016.

La baisse des prix du pétrole, une meilleure conjoncture aux Etats-Unis, le gonflement des transferts des travailleurs migrants (+9% en 2014), la mise en œuvre des accords de libre- échange passés avec plusieurs partenaires commerciaux (USA, UE) ont dopé la croissance dans les pays d’Amérique centrale. Ces facteurs ont aussi facilité les efforts de leurs gouvernements pour rétablir les équilibres de base (budget, échanges extérieurs). Au total les pays de l’Isthme ont connu une croissance de 4% en 2014 et devraient progresser de 4.2% en2015.

  • Tensions politiques intérieures

Le retournement de la conjoncture économique s’est accompagné d’un regain des tensions politiques et de l’agitation sociale. Au Brésil, la classe politique a été éclaboussée par un énorme scandale car la direction de Petrobras a été accusée d’avoir détourné 3.4 mds d’euros pour financer la campagne électorale des partis politiques, notamment du Parti des Travailleurs, la formation de la Présidente, Dilma Rousseff. Treize sénateurs, vingt-deux députés, deux gouverneurs d’Etat, le secrétaire général du Parti du Travail, au total plus de quarante personnes auraient profité des largesses de la compagnie pétrolière brésilienne. La côte de popularité de Mme Rousseff qui atteignait 42% en décembre dernier, a chuté à 13%. Des manifestations ont réuni, notamment à Rio de Janeiro et à Sao Paolo, plus d’un million de personnes, qui protestaient contre la corruption et demandaient le retrait de la Présidente. Sans aller jusque-là, l’opposition menée par Eduardo Cunho demande un changement de politique et propose des mesures libérales : réduction des droits des salariés dans les entreprises, abaissement de la majorité pénale, libéralisation des ventes d’armes, modification de la législation sur l’extraction pétrolière et ouverture de ce secteur à l’investissement privé.

Un scandale a éclaté également au Chili. Le fils et la belle-fille de la présidente, Michelle Bachelet, auraient obtenu illégalement un prêt d’une banque d’Etat pour financer une opération immobilière de caractère spéculatif. Mme Bachelet nie toute implication dans cette affaire et entend réprimer sans faiblesse les actes de corruption. Par ailleurs le secrétaire   d’Etat à la présidence,

  1. Jorge Insunza, a dû démissionner car, lorsqu’il était député, il avait conseillé des entreprises
  • Le pays détient les deuxièmes réserves de gaz naturel du sous-continent, après le Venezuela, et les premières de lithium. Il produit aussi du cuivre et de l’éminières. C’est le deuxième membre du gouvernement de Mme Bachelet à donner sa démission en six mois. Malgré les remous provoqués par ces affaires, la présidente entend poursuivre les réformes de structure. Mais elle rencontre sur ce terrain aussi des difficultés. En effet bien qu’ayant élargi sa majorité avec l’entrée au gouvernement de communistes et de représentants des mouvements étudiants, elle n’a pas au Parlement la majorité des deux tiers nécessaire pour faire voter certaines des mesures qu’elle propose, notamment la révision de la constitution et devra donc négocier avec l’opposition.

En Argentine les partis favorables à Cristina Fernandez Kirchner ont remporté les élections parlementaires de 2013. Néanmoins, la présidente est critiquée pour son autoritarisme et les résultats médiocres de sa politique économique. Des grèves ont éclaté dans les services publics, y compris dans la police et des supermarchés ont été pillés à Cordoba. La loi sur la réforme de la justice a suscité des critiques de la part des milieux libéraux et certains articles ont été déclarés contraires à la constitution par le Cour Supérieure de Justice le 18 juin 2013. La loi sur les medias qui contraint les grands groupes de la presse, dont le groupe Clarin, à se séparer de certaines de leurs activités a également été censurée par le CSJ (23 octobre 2013). Enfin la mort, le 18 janvier 2015, dans des conditions mystérieuses du procureur Alberto Nisman, qui enquêtait sur l’attentat contre le centre culturel juif de l’AMIA en juillet 1994 a suscité un vif émoi dans l’opinion. Des organes d’opposition ont mis en cause les services secrets et reproché à Cristina Kirchner de n’avoir pas assuré une protection adéquate du magistrat.

En Equateur, le président Rafael Correa reste populaire et il a été réélu triomphalement à la tête de l’Etat le 17 février 2013. Cependant sa décision prise, en octobre 2013, de mettre en exploitation le champ pétrolier de Yasuni, une réserve naturelle située au cœur de l’Amazonie, a déçu les militants écologistes. Par ailleurs la loi du 14 juin 2013 visant à réguler les medias et empêcher une trop forte concentration dans ce secteur, dominé par des groupes proches de l’opposition, inquiète les cercles libéraux. Le mécontentement d’une fraction non négligeable de la population explique le revers subi par le parti gouvernemental aux élections municipales organisées en 2014. A l’issue de ce scrutin les trois principales villes, Quito, Guayaquil et Cuenca sont passées aux mains de l’opposition.

Au Mexique le pacte conclu entre les trois principaux partis de gouvernement12 été rompu car le PRD d’Andres Lopez Obrador, situé à gauche sur l’échiquier politique, rejette les projets libéraux du président Peña Nieto. Par ailleurs un climat d’insécurité est entretenu par les cartels de la drogue qui sont parfois de connivence avec des éléments de l’administration et de la police. En septembre 2014, quarante-trois étudiants ont été tués par des bandits à la solde de la municipalité d’Iguala dans l’Etat de Guerrero et le 22 mai 2015 une fusillade entre un convoi de police et un groupe armé a fait 43 victimes à la frontière entre les Etats du Michoacán et de Jalisco. Des abus sont imputés également aux groupes d’autodéfense villageois et le gouvernement a décidé de confier à la gendarmerie la lutte contre les trafiquants de drogue. Malgré les remous provoqués par les scandales divers, le parti gouvernemental, le PRI, a remporté un net succès lors des élections législatives et pour les postes de gouverneur organisées le 7 juin.

Les négociations engagées en 2012 entre le gouvernement du président de Colombie, Juan Manuel Santos, et la guérilla marxiste des FARC se sont poursuivies à La Havane et un accord est intervenu sur plusieurs points de l’ordre du jour (développement rural, garanties accordées à l’opposition). Cependant les problèmes les plus épineux (intégration de guérilleros dans la société civile, droit des victimes, lutte contre le trafic de drogue) restent à résoudre. Le 11 avril un commando de rebelles a tué une dizaine de soldats dans une embuscade dans le Cauca.   L’armée a riposté en bombardant un camp d’insurgés, faisant une vingtaine de victimes. Poursuivant l’escalade, les FARC ont annoncé le 22 Mai, leur décision de mettre fin à la trêve unilatérale et illimitée décrétée cinq mois plus tôt. Ces incidents fournissent des arguments aux dirigeants politiques, dont l’ancien président Alvaro Uribe, opposés au processus de paix.

Après le décès d’Hugo Chavez, Nicola Maduro Moros, qui exerçait les fonctions de Vice- président, a été élu le 14 avril 2013 à la présidence du Venezuela. Mais il a obtenu une faible majorité

(50.6 % des voix) et le scrutin a été contesté par l’opposition menée par H. Capriles. En décembre de la même année, le parti gouvernemental, le PSUV, a gagné les élections municipales mais l’opposition a remporté la mairie de plusieurs agglomérations importantes dont Caracas, Valencia et Maracaibo. L’agitation étudiante s’est développée en 2014 et des manifestations, durement réprimées par des miliciens favorables au régime, ont éclaté en avril de cette année. Plusieurs adversaires politiques du président, dont Leopoldo Lopez, leader du Parti Populaire,  ont été arrêtés. Enfin le Président Maduro a décidé d’établir un contrôle très strict sur les médias, notamment les médias étrangers, s’attirant les critiques des organisations internationales, notamment de Reporters sans frontières. La chaîne colombienne NTN 24, CNN ainsi que la chaîne nationale Globovision ont été les victimes de la censure des autorités gouvernementales.

  • Relations avec la France

Sous le mandat de Nicolas Sarkozy les pays d’Amérique latine avaient été quelque peu délaissés. Les responsables de notre diplomatie n’avaient guère montré d’intérêt réel que pour la Colombie où le sort d’Ingrid Betancourt était suivi avec attention et pour le Brésil où le Président de la République fit un voyage officiel. Encore doit-on préciser que les espoirs commerciaux placés dans ce dernier pays avaient été déçus car les négociations pour la vente de Rafales n’avaient pas abouti. Les rapports avec le Mexique s’étaient, quant à eux, sérieusement, refroidis à cause de  l’affaire  de Florence Cassez.

Les gouvernements formés après l‘élection présidentielle de mai 2012 ont une diplomatie plus dynamique et font de l’Amérique latine, selon les paroles de Laurent Fabius, « un objectif majeur de la politique étrangère française (Déclaration de M Laurent Fabius au Figaro (20 février 2013) ». M. François Hollande a désigné M. Jean-Pierre Bel, ancien président du Sénat, comme son envoyé spécial en Amérique latine. Le chef de l’Etat a fait un voyage officiel au Mexique (10-11 avril 2014) et s’est rendu récemment à Cuba où il a rencontré Raul Castro et son frère Fidel ainsi qu’en Haïti. En février 2013 le ministre des Affaires Etrangères a effectué une tournée au Pérou, au Panama, en Colombie. Le Premier ministre effectue à partir du 20 juin un voyage en Colombie et en Equateur. Plusieurs chefs d’Etat et ministres latino-américains (Equateur, Bolivie, Colombie) ont séjourné à Paris où la Présidente du Chili a été reçue en visite officielle les 8 et 9 juin. Le Président du Mexique est attendu pour le 14 juillet. Cette sollicitude pour l’Amérique latine est justifiée par trois raisons principales. Le gouvernement entend maintenir une présence culturelle importante et ancienne (275Alliances françaises accueillant 160.00 étudiants, 37 lycées français, plusieurs milliers d’étudiants latino-américains en France, un système de bourses) ; il souhaite que les Etats latino-américains deviennent des alliés dans les enceintes multilatérales (conférence de Paris sur le réchauffement climatique) ; enfin sa stratégie est motivée par des raisons économiques. La France est en termes de flux le premier investisseur étranger en Amérique latine et elle a obtenu de grands contrats, notamment dans le domaine des armements. Mais la situation du commerce de biens courants est moins brillante et la part de marché de notre pays ne représente que 1.5%. Le gouvernement s’est fixé pour but d’augmenter les échanges de biens et de services et de renforcer la présence des PME.