Le lundi 5 octobre 12 pays se sont mis d’accord sur le texte d’un Partenariat Transpacifique

(Trans Pacific Partnership – TPP pour les anglophones) dont le projet avait été lancé par les Etats-Unis il y a plus de six ans pour favoriser les échanges commerciaux dans la région du Pacifique.

Après bien des difficultés  –  les principales concernant le lait, le riz, les composants pour l’industrie automobile et les produits pharmaceutiques génériques  –   l’Australie, Brunei, le Canada, le Chili, les Etats-Unis, le Japon, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Pérou, Singapour et le Vietnam ont signé ce document.

Officiellement le principal objectif est de réduire les droits de douanes afin de faire baisser les prix à la consommation, plus que de favoriser la production et l’emploi.

Cet accord cherche aussi à harmoniser les normes techniques, le droit du travail, les règles concernant la propriété intellectuelle.

(L’application de certaines règles ou normes aura parfois comme conséquence l’augmentation du prix de certains produits dans plusieurs pays ;  ce sera le cas des produits pharmaceutiques dans les pays les moins avancés.)

Il traite également de la protection de l’environnement, de la santé, du trafic des animaux sauvages, etc.

Engagements qu’il sera bien difficile de contrôler.

Plusieurs mesures ne seront pleinement appliquées qu’au bout d’un long délai – 15 ans,  voire 25 ou 30 ans !

De nombreux détails doivent encore être précisés.

A cela s’ajoute pour les Américains le désir de contrebalancer l’influence grandissante de la Chine en Asie de l’Est et du Sud-Est.

Ce traité doit être maintenant ratifié par les parlements des différents pays signataires, ce qui donnera lieu à de vives discussions, aux Etats-Unis notamment.

La Chine n’a pas participé aux négociations.   Certaines entreprises chinoises seront probablement amenées à délocaliser une partie de leur production chez des pays signataires

Mais la Chine a déjà des accords de libre échange avec les pays de l’ASEAN, avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

La Corée du Sud n’a pas voulu participer à ce partenariat mais elle a déjà conclu des accords bilatéraux avec les principaux membres du TPP. Cependant son industrie  automobile risque de souffrir.

L’Indonésie non plus n’est pas signataire de l’accord.

L’adhésion de Taïwan au TPP, envisageable en cas de succès du Democratic Progressive Party  (DPP) aux prochaines élections présidentielles et législatives qui auront lieu au début de 2016,  permettrait à Taïwan de développer ses relations économiques avec les pays de la région et ainsi de réduire sa dépendance économique vis-à-vis de la Chine et donc de limiter les moyens de pression de celle-ci. L’adoption du TPP fera passer au second plan plusieurs accords antérieurs, par exemple le North American Free Trade Agreement (NAFTA) et élargira, pour les signataires, le champ d’action de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

En novembre tous les pays membres du TPP se retrouveront, cette fois ci avec la Chine, pour la réunion Asia Pacific Economic Cooperation (APEC) à Pékin.

Les Américains, satisfaits d’avoir pu faire aboutir les négociations pour le TPP, espèrent obtenir le même résultat pour les négociations en cours destinées à la conclusion d’un Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Transatlantic Trade and Investments Partnership – TTIP pour les anglophones).

Le Partenariat transpacifique, précurseur d’une nouvelle génération de méga-traités commerciaux ?

Le 5 octobre, à Atlanta, les Etats-Unis, le Japon et dix pays du Pacifique dont le Canada, l’Australie et le Mexique, ont conclu le plus important accord commercial régional de l’histoire économique, l’accord de Partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership, ou TPP).

Après 10 ans d’intenses négociations, l’ampleur de cet accord est tout simplement immense, non seulement en raison du poids économique de ses signataires, avec 40 % du produit intérieur brut (PIB) mondial et un tiers du commerce, mais aussi parce qu’il recouvre un nombre sans précédent de domaines, des droits de douane à la propriété intellectuelle, en passant par les investissements, les services, et les droits de l’homme et de l’environnement.

Conçu par les Etats-Unis comme une nouvelle arme commerciale contre la menace chinoise, le TTP est clairement annoncé comme le premier accord d’une nouvelle génération de traités fixant les

normes pour le commerce mondial au bénéfice des Etats-Unis. Après l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) dans les années 1990, les Etats-Unis sont une fois de plus à l’origine de la définition des règles du jeu du commerce mondial avec le soutien de grandes démocraties qu’ils ont été en mesure  de  convaincre  sur  la  base  d’une  approche  renouvelée  intégrant  certaines  des  demandes pressantes de la société civile en termes de protection du travail et de l’environnement, le tout dans un contexte mondial complexe.

Avec plus de 3 000 accords d’investissement internationaux et près de 600 accords de libre-échange, la production de normes économiques pour l’intégration mondiale et régionale a en effet atteint un nouveau stade.

Transparence et la légitimité : la dernière bataille

Dans le cadre d’une réponse aux évolutions limitées de négociations commerciales multilatérales menées sous les auspices de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une myriade d’accords méga-régionaux de commerce et d’investissement sont en cours de négociation avec le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP), le partenariat économique global régional (RCEP), ou encore l’accord récemment conclu entre le Canada et l’Europe.

De « la coopération réglementaire » à une « convergence réglementaire » plus ambitieuse, ces initiatives questionnent la nature même de la réglementation comme un attribut de l’Etat. À cet égard, les négociateurs du PPT semblent avoir voulu renforcer l’autonomie de l’Etat à réglementer dans l’intérêt public par l’adoption de normes environnementales et sociales exigeantes.

La bataille des règles commerciales n’est pourtant par encore terminée tant l’initiative américaine souffre d’un manque évident de transparence et donc de légitimité. Le texte négocié du TPP n’a pas été rendu publique et les parties à la négociation ont été invitées à traiter tous les documents comme confidentiels pendant encore quatre ans. Il reste en effet au président Obama à gagner le soutien du Congrès ce qui pourrait se révéler particulièrement difficile.

Secret ou transparence

Mais au-delà de la logique politique nationale, se pose une question claire de méthode. Peu importe le caractère sensible du texte juridique, on ne peut pas faire l’éloge de la transparence et de la construction d’un Etat de droit mondial pour le commerce d’une part, et utiliser des techniques de négociation secrètes d’autre part, ce qui de facto condamne les objectifs louables de l’harmonisation des normes.

À  cet  égard,  une  leçon  fondamentale  est  à  tirer  pour  les  autres  négociations  de  méga-traités commerciaux : il y a bien une place à prendre pour des modèles démocratiques alternatifs pour un développement inclusif, équitable et durable en coopération avec les pays émergents et en développement et non entièrement construit en opposition à leur leadership naissant.

07/10 – Leïla Choukroune – Le Monde.fr