Le conservateur et ancien président Sebastian Piñera élu président du Chili.
La constitution chilienne empêchant l’actuelle présidente, la socialiste Michelle Bachelet de se représenter immédiatement pour un nouveau mandat, l‘ex-chef d’Etat conservateur et candidat de Chile Vamos, Sebastian Piñera, a remporté le 17 décembre le deuxième tour de l’élection présidentielle au Chili. Un résultat qui confirme le virage à droite de l’Amérique latine. Selon des estimations diffusées par l’autorité électorale chilienne (Servel), basées sur le dépouillement de plus de 99% des votes, Sebastian Piñera a obtenu 54,57% des voix, contre 45,43% pour son adversaire de gauche, Alejandro Guillier.
Annoncé comme très serré, le scrutin a finalement tourné très nettement à la faveur de l’ancien président (2010-2014) et milliardaire, âgé de 68 ans. M. Piñera est l’un des hommes les plus riches du pays avec une fortune estimée à plus de 2 milliards d’euros. Economiste formé à Harvard, M. Piñera avait fait fortune en lançant les cartes de crédit au Chili dans les années 1980. Il avait toujours pris ses distances avec le régime de Pinochet, ayant voté « non » au plébiscite de 1988 qui avait précipité la chute du régime militaire.
Lors du premier tour, le 19 novembre, le candidat de gauche, Alejandro Guillier, avait réuni 22% des voix. La grande surprise avait été le score de la candidate de la gauche radicale, Beatriz Sanchez, avec 20% des suffrages. Son parti, Frente Amplio, regroupe une quinzaine de formations politiques et ses principaux représentants sont les leaders des protestations étudiantes de 2011: Gabriel Boric et Giorgio Jackson. Ce dernier avait annoncé qu’il voterait Guillier «pour empêcher que le Chili soit dirigé par Piñera et Jose Antonio Kast». Kast, qui était le candidat de l’extrême droite et des militaires, avait obtenu 7,9% des voix le 19 novembre. S’affichant comme un nostalgique de Pinochet, il avait appelé à voter Pinera.
Pour M. Piñera, qui de 2010 à 2014 a déjà occupé le palais présidentiel de La Moneda, l’objectif de l’entre-deux tour était de recentrer son image. Il a ainsi promis la gratuité de la pré-scolarité et évoqué celle des études supérieures, un sujet tabou jusque-là pour la droite et qui avait provoqué de grandes manifestations en 2011. Le Chili est le pays où les études supérieures sont les plus coûteuses du continent. Les universités privées affichent des profits mirobolants et les étudiants sont contraints de s’endetter pour de nombreuses années.
Alejandro Guillier s’était lui plusieurs fois affiché avec Michelle Bachelet, la présidente sortante, dont la popularité a rebondi ces dernières semaines. Pour le politologue Mauricio Morales, «ce second tour était le plus incertain depuis le retour de la démocratie». Pour attirer le vote de gauche, Alejandro Guillier avait annoncé – en vain – l’effacement de 40% de la dette des étudiants qui ont contracté des emprunts pour suivre des études et la réforme du système des retraites.
Pendant sa campagne, M. Piñera avait accusé M. Guillier « de vendre du vent », d’être proche de Podemos en Espagne, voire du président vénézuélien, Nicolas Maduro. Rompant avec l’usage diplomatique, le président de droite argentin, Mauricio Macri, avait exprimé son soutien à M. Piñera, ami de longue date.
Sebastian Piñera gouvernera le Chili de 2018 à 2022. Mais les législatives, qui se déroulaient également le 19 novembre, n’ont pas permis de dégager une majorité claire et le nouveau président devra sceller des alliances pour gouverner. À la tête de la cinquième puissance de la région, il aura en revanche l’économie avec lui. Après quatre années de croissance ralentie à 1,8% en moyenne, le PIB grimpera de 2,8% en 2018, selon la CEPAL, commission économique de l’ONU pour l’Amérique latine. Marqué par 17 années de dictature sous Pinochet, le Chili représente depuis les années 1990 un pôle de stabilité politique et de dynamisme économique dans la région.
Le Figaro et Le Monde