L’Union européenne et le Japon finalisent un accord de libre-échange, le JEFTA.
Pour les Européens, exporter vers le Japon était un défi. Non seulement la barrière de la langue mais surtout les droits de douane japonais (près de 40 % sur le bœuf, 15 % sur le vin, jusqu’à 40 % sur le fromage) sont dissuasifs dans le secteur agro-alimentaire. Toujours dans ce secteur les procédures longues et coûteuses pour faire approuver chaque variété de fruit décourageaient les exportateurs européens de suivre le parcours d’obstacles imposé par l’administration japonaise.
Néanmoins ce défi était relevé. Malgré ces obstacles, les entreprises européennes ont exporté en 2015 vers le Japon 58 milliards d’euros de marchandises et 28 milliards d’euros de services. Il n’en demeurait pas moins que depuis longtemps les entreprises européennes demandaient au Japon une baisse de ses droits de douane et un assouplissement de sa réglementation.
Leurs souhaits sont en voie d’être exaucés. La commissaire au commerce de l’Union européenne (UE) Mme Cecilia Malmström et le ministre des affaires étrangères du Japon, M. Taro Kono ont annoncé le 8 décembre 2017 la conclusion et le succès des discussions sur le partenariat économique entre l’UE et le Japon, le JEFTA (Japan Europe Free Trade Agreement). Le JEFTA prend place après l’accord avec le Canada, le CETA (Canada Europe Trade Agreement) qui est en cours de ratification en Europe, et aussi après le TAFTA (Trans Atlantic Free Trade Agreement) qui était un accord entre l’Europe et les Etats-Unis qui a été mis sur la voie de garage depuis l’élection de Donald Trump.
Les négociations pour le JEFTA avaient commencé en 2013. Un accord politique de principe avait été trouvé lors du sommet UE-Japon du 6 juillet 2017. Il fallait lui donner sa traduction technique. Ce fut l’objet de longs mois de discussions.
Cet accord fait tomber la plus grande partie des taxes d’importation qui s’élèvent à 1 milliard d’euros que les sociétés européennes doivent payer pour accéder au marché japonais. Cet accord ouvrira le marché japonais et ses 127 millions de consommateurs aux produits agricoles européens. Il va aussi accroître les possibilités d’exportation européennes dans d’autres secteurs.
Les indications géographiques de provenance des vins et des produits agricoles européens seront mieux protégées. C’est ainsi que par exemple le Roquefort, le Tiroler Speck autrichien, le jambon d’Ardenne belge ou la Polska Wodka bénéficieront au Japon des mêmes protections qu’en Europe.
Il en sera de même en Europe pour les produits japonais ayant des indications géographiques de provenance.
Le secteur automobile présente des difficultés particulières tant vives sont les craintes des constructeurs européens à l’égard de la concurrence japonaise. L’accord vise à éliminer les droits de douane de 10 % imposés sur les véhicules en provenance du Japon ainsi que les droits de 3 % sur les pièces détachées. Mais une période de transition de plusieurs années est prévue, ce qui est indispensable dans un secteur aussi sensible..
Le Japon autorisera les sociétés européennes à répondre aux appels d’offres des marchés publics dans le secteur ferroviaire dans 48 métropoles japonaises.
Cet accord est important car il va développer les exportations. L’Europe espère qu’il sera créateur d’emplois puisque, selon les économistes, chaque milliard d’euros d’exportations crée 14 000 emplois.
Après une expertise par les conseillers juridiques de l’Union européenne et du gouvernement du Japon et une traduction du texte anglais en japonais et dans les 23 langues officielles de l’UE. Il sera ensuite soumis au parlement européen et devra être validé par chacun des gouvernements des pays membres de l’UE. L’objectif est qu’il entre en vigueur en 2019.
Il est probable que cet accord va avoir un effet négatif à la fois sur les exportations du Royaume-Uni qui va se trouver marginalisé en raison du Brexit et sur les intérêts commerciaux de la Chine et surtout des Etats-Unis. Aujourd’hui la Chine, l’UE et les Etats-Unis représentent respectivement 20 %, 12 % et 11,5 % des importations japonaises. Et les Etats-Unis absorbent 20 % des exportations du Japon, la Chine 18,5 % et l’Europe 11,5 %.
Cet accord est évidemment la réplique européenne au retrait des Etats-Unis de l’accord trans-Pacifique qui liait les 12 pays bordant le Pacifique. Les échanges entre l’Europe et le Japon représentent 37 % des échanges commerciaux mondiaux. Cet accord permet aussi à l’Europe de rester dans le cadre du jeu économique mondialisé pour faire prévaloir ses standards, ses normes et ses valeurs au moment où les Etats-Unis se tournent vers le protectionisme et le refus du multilatéralisme.
Jean-Christian Cady