La Chine réforme son armée en profondeur

C‘est officiel. Le président chinois Xi Jinping a annoncé à l‘issue d‘une réunion avec les plus hauts cadres militaires une réforme en profondeur de l‘armée de libération populaire destinée à en faire, d‘ici à 2020, une force moderne capable, sur le modèle américain, de se projeter à l‘extérieur de ses frontières. Avec, au passage, une réduction de 300.000 postes dans les rangs, ce qui portera les effectifs à 2 millions de soldats dans cinq ans.

Dans un discours à la Prévert retracé par l‘agence Chine Nouvelle, Xi Jinping, qui est aussi le grand chef de la Commission militaire centrale (la « CMC »), a averti que tout devait y passer : structures de commandement, organisation régionales, gestion des ressources humaines, liaison avec l‘industrie d‘armement, conditions de retour à la vie civile, mais aussi discipline et lutte contre la corruption.

Pour cela, les pouvoirs de la CMC vont être très sensiblement renforcés, et tout cela se fera sous un étroit contrôle du pouvoir. L‘armée populaire de libération doit maintenir une « direction politique correcte », a rappelé Xi Jinping aux généraux, le parti conservant son contrôle « absolu » sur les forces armées.

Dévoilée dans ses grandes lignes lors de la grande parade de septembre célébrant le 70e anniversaire de la défaite du Japon, cette grande réforme de l‘APL intervient alors que Pékin n‘a jamais autant montré ses muscles. Fort de son rang de deuxième puissance économique mondiale, le pouvoir se sent suffisamment fort pour revendiquer une grande partie de la Mer de Chine, quitte à provoquer de graves tensions avec ses voisins, et leur parrain américain.

Dotée d‘un budget colossal – près de 900 milliards de yuans en 2015 (125 milliards d‘euros) -, sans compter les extras, l‘armée chinoise se modernise à marche forcée, mais reste encore en deçà de celle des Etats-Unis. C‘est surtout vrai de sa composante terrestre. Pékin déploie de plus en plus de Casques bleus, ce qui permet à ses soldats d‘apprendre de leurs homologues occidentaux, mais manque de repères pour juger de sa véritable efficacité en cas d‘opération réelle.

Comme pour mieux marquer l‘ultra nécessité de se réformer, le journal de l‘APL relatait en septembre que, sur la trentaine d‘exercices organisés cette année, l‘armée de terre « bleue » des ennemis l‘a toujours emporté sur son opposante « rouge » de l‘APL ! Impossible évidemment de vérifier, mais le message de propagande est clair…

Au-delà des aspects purement militaires, la réforme engagée par Xi Jinping est aussi un moyen, pour le maître de la Chine, d‘asseoir un peu plus son pouvoir quasi absolu. « Xi Jinping a entrepris la réforme au bon moment après avoir passé plus de deux ans a éliminer ses opposants principaux dans l‘armée, et maintenant il peut se servir de la réforme pour écarter d‘autres opposants politiques », estime Antony Wong Dong, un spécialiste militaire de Macau cité par le «South China morning post ».

27/11 – Alain Ruello et Yann Rousseau – Les Echos (extrait)