La fonte record des réserves de change chinoises est « tout simplement intenable »

Pour la banque centrale chinoise (People’s Bank of China, PBoC), les mauvais mois se suivent et se ressemblent. Après avoir baissé de 107,9 milliards de dollars (97 milliards d’euros) en décembre 2015 – un record –, ses réserves de change ont fondu de 99,5 milliards de dollars en janvier pour tomber à 3 230 milliards, soit leur plus bas niveau depuis mai 2012, a indiqué la PBoC dimanche 7 février. Le seuil minimal recommandé par le Fonds monétaire international (FMI) pour la Chine est de 2 800 milliards de dollars.

En juin 2014, la banque centrale chinoise disposait encore de 4 000 milliards de dollars de réserves. Depuis cette date, elles ont fondu de 770 milliards de dollars, dont 207,4 milliards au cours des mois de décembre 2015 et de janvier 2016. La diminution des réserves de change en janvier est inférieure de 8,4 milliards à ce qu’elle était le mois précédent. Peut-être est-ce le signe que les différentes mesures de contrôle des capitaux récemment arrêtées par Pékin commencent à porter leurs fruits, même si leur côté dirigiste peut heurter les investisseurs étrangers.

Fuites de capitaux

Les inquiétudes au sujet du ralentissement et de la transition de l’économie chinoise ne cessent d’exercer des pressions à la baisse sur le yuan, qui est tombé à son plus bas niveau face au dollar américain depuis cinq ans. La PBoC vend donc des billets verts pour soutenir le cours de la devise chinoise, alors que le pays cherche à enrayer des fuites de capitaux massives hors de Chine, évaluées pour 2015, selon les sources, de 735 milliards de dollars à plus de 1 000 milliards.

« Si les réserves [en devises] représentent un trésor de guerre non négligeable, le rythme auquel elles sont en train  de  fondre  ces  derniers  mois  est  tout  simplement  intenable », a  déclaré,  dimanche 7 février, Rajiv Biswas, chef économiste pour l’Asie-Pacifique chez IHS Global Insight. Pendant que la PBoC essaie de stabiliser le cours de la monnaie chinoise, observe-t-il, les investisseurs privés domestiques, les traders et les fonds spéculatifs continuent de miser sur la poursuite de la baisse du yuan.

Selon cet économiste, la PBoC est dans une situation extrêmement délicate. Soit elle s’efforce d’enrayer la chute du yuan en puisant régulièrement dans ses réserves, soit elle dévalue à nouveau sa monnaie, ce qui peut déstabiliser l’économie chinoise et les marchés des changes. Une dévaluation plus prononcée du yuan est considérée comme un des principaux risques baissiers pour l’économie mondiale en 2016, en raison des chocs qu’elle représenterait pour les marchés des changes.

La conjonction du ralentissement de la croissance de la Chine, des capacités excédentaires de son industrie, de la hausse des taux américains et d’une chute plus forte du yuan face au billet vert sont autant de sources de stress pour les entreprises chinoises qui sont très lourdement endettées – à hauteur de plus de 160 % du produit intérieur brut. Elle pourrait conduire à une hausse des défaillances en 2016.

08/02 – Claire Guélaud – Le Monde.fr