L’exode des Rohingyas

Les Rohingyas sont une population musulmane sunnite originaire du Bengale installée depuis le XIXème siècle, dans l’Arakan, sur la côte occidentale du Myanmar. Ils seraient les descendants de commerçants bengalis convertis à l’islam au XVe siècle.  Ils sont concentrés pour la plupart dans la province occidentale de l’Arakan. Ils représentaient avant les évènements de ces dernières années un million trois cent mille personnes. Ils n’ont pas la nationalité birmane et sont donc considérés comme des apatrides. Ils revendiquent le statut de minorité ethnique mais n’ont pas obtenu satisfaction sur ce point comme sur bien d’autres.

Au moment de l’indépendance de la Birmanie, ils ont été une minorité reconnue par la Constitution de 1947. Mais depuis 1962 ils ont été souvent persécutés, que ce soit sous le régime militaire du SLORC (State Law and Order Restoration Council) de 1988 à 1997 ou sous le gouvernement militaire du SPDC (State Peace and Development Council) qui lui a succédé de 1997 à 2011. La nationalité birmane leur a été retirée en 1982, faisant d’eux des apatrides. La situation des Rohingyas s’est gravement détériorée depuis 2012, date à laquelle les violences inter-ethniques se sont multipliées dans l’Arakan; elles opposent essentiellement les Rohingyas aux Rakhines, une tribu de confession bouddhiste. Le 25 août dernier l’ARSA (Armée Rohingyas du Salut en Arakan), un groupe de rebelles récemment formé en réaction aux pogroms dont les Rohingyas étaient victimes, a attaqué 20 postes frontières faisant 12 morts dans les rangs de la police.

A la suite de cette attentat, l’armée et les garde-frontières ont engagé une vaste offensive, détruisant des villages entiers, mettant le feu aux récoltes, multipliant les meurtres, les viols et les pillages. Ce déchaînement de violence a entrainé le départ de quelque 400.000 personnes qui se sont réfugiées au Bangladesh où elles sont regroupées dans des camps de fortune. C’est donc une véritable épuration ethnique à laquelle on assiste. Les réfugiés ne sont pas les bienvenus au Bangladesh où peu de dispositions ont été prises pour les accueillir. Sans eau potable, sans nourriture, vivant dans les camps inondés par la mousson, les réfugiés connaissent des conditions épouvantables.

La communauté internationale attendait beaucoup d’Aung San Su Kyi, conseillère spéciale de l’État, ministre des affaires étrangères du gouvernement de Rangoon et prix Nobel de la paix 1991 qui, pendant les 15 années où elle a été placée en résidence surveillée, a été l’apôtre infatigable de la non-violence. Ces espoirs ont été déçus. Après être restée pendant longtemps silencieuse, elle s’est exprimée le 19 septembre dans un discours prononcé en anglais à Naypydaw, la nouvelle capitale du pays, devant une foule dont la majorité ne comprenait pas cette langue. Mais elle ne s’est guère avancée ; elle s’est seulement déclarée « désolée pour toutes les souffrances de ceux qui se sont trouvés pris dans ce conflit (celui des Rohingyas) », affirme que la Birmanie va organiser le rapatriement de 410 000 réfugiés au Bangladash, promet de punir tous les abus « encore faudrait-il qu’elle dispose de preuves solides ». Sa prudence s’explique par son souci de ne pas heurter l’armée qui demeure toute puissante et contrôle notamment trois ministères régaliens (Défense, Intérieur, Frontières). Elle doit aussi tenir compte de l’opinion de la population birmane, très hostile aux musulmans.

Son attitude a été vivement critiquée dans le monde, notamment dans les pays musulmans comme en témoignent les déclarations du président turc Recep Erdogan, de celui d l’’Indonésie, Joko Widodo et du premier ministre malais, Najib Razak. L‘archevêque anglican sud africain Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix 1984 lui a adressé une lettre ouverte disant «  si le prix politique à payer pour votre accession à la plus haute charge publique du Myanmar est votre silence, alors ce prix est certainement trop élevé ». Le secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres a exprimé aussi son inquiétude à propos du drame de la communauté Rohingya. Le Président Macron n’a pas hésité à parler de génocide.

Sachant qu’elle serait critiquée, Mme Aung San Su Kyi a renoncé à participer à la session de l’Assemblée générale des Nations Unies.

C’est donc maintenant au conseil de sécurité de l’ONU de se saisir de cette question pour éviter la propagation de la violence et mettre sur pied un programme d’accueil des réfugiés par le biais du HCR. Deux écueils doivent être évités. Le premier serait de réactiver les sanction prises contre le Myanmar, car la Chine s’y opposera. Le second serait de fragiliser excessivement Aung San Su Kyi qui reste néanmoins sur bien d’autres aspects, un élément favorable pour une transition démocratique d’un régime qui ne l’est guère.