La visite de Kim Jong-un en Chine est un succès pour la diplomatie chinoise.

Depuis qu’il avait hérité du pouvoir à la mort de son père en décembre 2011, le leader nord coréen ne s’était jamais rendu ni à l’étranger, ni même en Chine.

On pouvait penser que les relations diplomatiques entre la Chine et la Corée du nord s’étaient refroidies puisque depuis 2011, les délégations officielles chinoises en Corée du nord avaient été peu nombreuses et jamais d’un très haut niveau. On pouvait d’autant plus le penser que depuis 2006 la Chine votait les sanctions de l’ONU pour contraindre la Corée du nord à abandonner son programme nucléaire et balistique. Depuis plusieurs années les médias chinois – et notamment China Daily le quotidien du Parti Communiste qui incarne la ligne officielle – ne ménageaient pas leurs critiques à l’égard de Kim Jong-il puis de son fils et successeur Kim Jong-un. Les relations entre la Chine et celui qu’elle appelait « son petit frère » s’étaient détériorées du fait du programme nucléaire de la Corée du nord. La Chine considère ce programme comme une rupture dangereuse avec l’équilibre qui prévaut. L’année dernière Xi-Jin Ping avait déclaré qu’aucun pays ne peut se permettre de s’isoler du reste du monde. Cela avait été mal perçu par la Corée du nord et quand le président chinois a envoyé en Corée du nord un émissaire, Kim Jong-il a refusé de le rencontrer.

La bienveillance de la Chine à l’égard de la Corée du nord semblait pourtant aller de soi depuis la Guerre de Corée de 1950 à 1953 car les deux pays partagent la même doctrine dans un monde où le nombre de pays se réclamant du communisme a singulièrement décru depuis 1991. L’étroitesse des liens économiques – la Chine fournissant 90 % des importations de la Corée du nord, et la quasi-totalité de ses importations d’hydrocarbures – pouvait laisser penser que la Chine pouvait avoir une influence décisive dans les décisions de Pyongyang. Or il n’en était rien. La Corée du nord n’acceptait pas de se faire dicter sa politique par son puissant voisin. Se considérant comme un pays assiégé, la Corée du nord voyait – et voit toujours- dans le développement de l’arme nucléaire et des programmes balistiques une garantie sécuritaire essentielle. De plus le sort des dictateurs ayant renoncé à l’arme nucléaire – Saddam Hussein et Khadhafi – a donné à réfléchir au leader coréen.

Mais si la visite en Chine de Kim Jong-un est qualifiée « d’historique » dans la presse occidentale, ce n’est pas seulement parce que c’est son premier voyage à l’étranger. L’importance de cette visite vient aussi des annonces qui ont été faites.

Kim Jong-un a confirmé être prêt à rencontrer le président américain Donald Trump, après des mois de menaces de guerre entre les deux pays autour du programme nucléaire nord-coréen. La Corée du Nord «est prête à avoir un dialogue avec les Etats-Unis et à tenir un sommet entre les deux pays», a rapporté Chine Nouvelle en citant Kim Jong-un.Ce sommet a été annoncé de sources sud-coréenne et américaine mais pas encore confirmé de source nord-coréenne. Selon Séoul, il pourrait se dérouler fin mai, mais ni le lieu ni la date exacte de la rencontre n’ont encore été annoncés.
Kim Jong-un a déclaré – toujours selon Chine Nouvelle – «Notre position constante est d’être engagés en faveur de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, conformément à la volonté de l’ancien président Kim Il-sung et de l’ancien secrétaire général Kim Jong-il » C’est évidemment une manière de présenter les choses.

Xi Jinping a salué l’amitié entre les deux pays, forgée lors de la guerre de Corée (1950-53). «Il s’agit d’un choix stratégique et du seul bon choix fait par les deux pays sur la base de l’histoire et de la réalité», a-t-il déclaré. Il aurait accepté une invitation à se rendre en Corée du Nord, selon l’agence nord-coréenne.

Deux conclusions peuvent être tirées de cette visite dont l’annonce officielle a été faite lorsque Kim Jong-un a été de retour dans son pays.
La première est qu’elle constitue un retour au premier plan de la diplomatie chinoise, qui avait pu se sentir marginalisée par l’annonce d’un sommet Kim Jong-un-Donald Trump.
La seconde est que si les négociations entre Trump et Kim se passent mal – ce qui est du domaine du possible sinon du probable – la Chine sera dans une meilleure position pour intervenir.
Mais il est bien évident que les conditions que Kim Jong-un pose – à savoir la dénucléarisation totale de la péninsule coréenne – ne peuvent être acceptées ni par les Etats-Unis, ni par la Corée du sud et les pays voisins qui voient dans le parapluie américain la garantie la plus solide de leur sécurité.
Il est intéressant – mais pas surprenant – de noter que l’administration américaine a vu dans la visite à Beijing de Kim, une preuve supplémentaire que la campagne américaine pour créer la pression maximum « permet les conditions appropriées pour un dialogue avec la Corée du Nord »

Jean-Christian CADY