L’Australie a un cinquième premier ministre en cinq ans.
De nombreux Australiens semblent regretter l’époque où leur pays incarnait une stabilité gouvernementale. Sans remonter jusqu’à Robert Menzies qui fut premier ministre à deux reprises de 1939 à 1941, puis de 1949 à 1966, il est certain que Bob Hawke (1983-1991), Paul Keating (1991-1996) et John Howard (1996-2007) ont disposé d’une durée qui leur a permis non seulement de mener des actions à long terme mais aussi d’incarner le pays aux yeux d’une majorité de la population. Rien de tel ces dernières années. Le nouveau premier ministre, M. Scott Morrison qui vient de renverser M. Malcolm Turnbull le 24 août, est le cinquième premier ministre australien en cinq ans. L’Australie s’interroge sur cette instabilité gouvernementale et a du mal à se reconnaître dans ces intrigues et manœuvres au sein du parlement fédéral.
M. Turnbull a été renversé de la même manière qu’il avait renversé son prédécesseur, M. Abbott. Par un scrutin au sein du Parti Libéral (conservateur), il a perdu la confiance d’une majorité des représentants membres de ce parti qui a désigné un autre leader. Le gouvernement devant être dirigé par le leader du parti majoritaire, le gouverneur général, qui représente la reine, a nommé comme premier ministre le nouveau leader du parti libéral, M. Morrison.
Cette instabilité du leadership n’est d’ailleurs pas propre au Parti Libéral. Le Parti Travailliste a, lui aussi, connu ces changements à la fois quand il était dans l’opposition mais aussi quand il était au pouvoir. Ainsi M. Kevin Rudd devenu premier ministre travailliste en 2007 a dû céder le leadership de son parti – et de ce fait la fonction de premier ministre – à Mme Julia Gillard en 2010 . Cette dernière a été renversée par M. Rudd qui est redevenu premier ministre en 2013.
M. Scott Morrison est donc devenu premier ministre. Il était ministre de l’immigration et de la protection des frontières dans le gouvernement Abbott. Il avait alors lancé l’opération « frontières souveraines » en 2014 pour décourager l’arrivée par la mer des immigrants illégaux. Puis il était devenu ministre des services sociaux et lorsque M. Turnbull a remplacé M. Abbott comme premier ministre, M. Morrison est devenu ministre des finances (treasurer). Les positions que M. Morrison a prises comme ministre de l’immigration puis comme ministre des finances exprimant son opposition à l’Accord de Paris sur le climat et en faveur du développement de la filière charbon en Australie peuvent inquiéter certains. Il est à noter aussi qu’à la différence de ses prédécesseurs dont les positions publiques ne s’écartaient pas de la neutralité religieuse, M. Morrison est un chrétien évangélique, militant dans les églises pentecôtistes.
C’est la politique de M. Turnbull a l’égard du réchauffement climatique qui a déclenché la fronde puis son renversement comme premier ministre. M. Turnbull avait proposé d’inscrire dans la législation un objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Quelles que soient ses convictions en matière d’environnement, M. Morrison disposera de peu de temps pour les mettre en œuvre. En effet la chambre des représentants, dont le mandat est de trois ans, est soumise à renouvellement en août 2019. Mais une élection partielle aura lieu en octobre, M. Turnbull, le premier ministre renversé ayant démissionné de son siège de représentant le 31 août. Or la majorité du Parti Libéral à la Chambre des Représentants ne tient qu’à une voix.
Jean-Christian Cady