Japon et Equateur : des séismes indépendants, dans une zone très active
Le Japon, où le bilan provisoire est de 42 morts et plus d’un millier de blessés. L’Equateur, où les autorités font état d’au moins 413 morts et plus de 2 000 blessés. Les îles Tonga, touchées elles aussi… Il est naturel de se demander si les multiples séismes survenus ces derniers jours sont reliés entre eux, comme dans une réaction en chaîne. Ce n’est, d’un point de vue physique, ou mécanique, pas le cas.
Certes, tous ont pour origine la très forte activité sismique et volcanique de la zone Pacifique. « Environ 80 % des volcans émergés de la planète sont localisés dans les zones de subduction tout autour de l’océan Pacifique », rappelle Patrick Allard, géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Ce qu’on appelle « la ceinture de feu du Pacifique ». Tous aussi mettent en jeu la plaque tectonique pacifique, au sens large. Pour autant, les secousses qui ont ébranlé le Japon n’ont pas entraîné celle qui a mis à mal l’Equateur, à près de 15 000 kilomètres de distance. Dans un premier temps, jeudi 14 avril, à 21 h 26 (heure locale), l’île japonaise de Kyushu, dans le sud- ouest de l’archipel, a été frappée par un tremblement de terre de magnitude 6,2, selon l’US Geological Survey (USGS), l’agence américaine chargée de la surveillance de l’activité sismique. Il a été suivi de plus de cinq cents répliques, dont l’une, samedi 16, à 1 h 25, a atteint une magnitude de 7. Ce qui lui donnait un potentiel beaucoup plus destructeur que la première, un point de magnitude correspondant à une énergie trente fois supérieure. De ce fait, les spécialistes ont transformé la secousse initiale en « précurseur » de cette réplique, qui l’a dépassée en importance.
Cinq centimètres par an
Tous ces événements mettent en jeu une faille géologique qui traverse l’île de Kyushu. Elle est distincte de la faille principale associée aux deux grandes plaques tectoniques pacifique et eurasienne, et dont la cassure avait provoqué, le 11 mars 2011, au large des côtes de l’île de Honshu – la plus grande du Japon – le séisme de magnitude 9 et le tsunami qui furent suivis de la catastrophe nucléairede Fukushima. Il s’agit cette fois, explique Pascal Bernard, sismologue à l’IPGP, d’une « faille secondaire qui court le long du Japon ». C’est elle qui avait déjà cassé en janvier 1995 à Kobe, faisant plus de six mille morts.
Dans cette zone, la plaque tectonique philippine, un morceau de lithosphère coincé entre les plaques pacifique et eurasienne, s’enfonce, par subduction, sous une autre petite plaque, celle de l’Amour, rattachée à la plaque eurasienne. C’est cet affrontement qui est à l’origine des ruptures enregistrées ces derniers jours. Les très importants dégâts matériels subis, dans un pays aussi bien préparé aux séismes que le Japon, s’expliquent par le fait que la faille qui a cassé est superficielle, c’est-à-dire qu’elle traverse la partie supérieure de la croûte terrestre. « On peut fortement limiter les dégâts avec des constructions parasismiques. Mais, quand vous avez un séisme de magnitude 7 sous vos pieds, les bâtiments anciens, ou ceux qui sont moins bien consolidés, ont beaucoup de mal à résister », commente Patrick Allard.
L’Equateur, lui, a été victime, samedi 16 avril, à 18 h 58, d’un violent séisme, de magnitude 7,8, selon l’USGS. Il s’agit ici, explique Pascal Bernard, de la subduction de la plaque de Nazca sous la plaque sud-américaine. « Dans cette zone, décrit le chercheur, les deux masses tectoniques se rapprochent à la vitesse de cinq centimètres par an, leur affrontement créant des contraintes et des déformations qui se libèrent par des séismes fréquents. »
Une « pichenette finale »
Le dernier très grand tremblement de terre enregistré dans cette région est celui de 1906, de magnitude 8,8, qui avait déclenché un tsunami et causé plus d’un millier de morts. Mais beaucoup d’autres, de moindre ampleur, se sont produits au cours du siècle passé. « Depuis 1906, les deux plaques se sont rapprochées d’environ cinq mètres, et l’on savait que cette zone allait casser », précise le sismologue. Mais les secousses ressenties au Japon, dans l’ouest du Pacifique, n’ont pas de lien de cause à effet avec celle qui a frappé l’Equateur, dans l’Est. Il ne faut pasimaginer que l’onde de choc provoquée par les premières ait pu déstabiliser la partie orientale de la plaque pacifique. « Tout au plus s’agit-il d’une pichenette finale, comme un caillou qui serait lancé sur une falaise déjà sur le point de s’écrouler », dit par comparaison Pascal Bernard.
Quant au séisme de magnitude 5,8 qui a touché dimanche 17 avril les îles Tonga, dans le Pacifique sud, il est, lui aussi, physiquement indépendant des autres. Cet archipel, situé dans la ceinture de feu du Pacifique, est soumis à une sismicité et un volcanisme permanents.
La terre n’a sans doute pas fini d’être agitée de convulsions dans cette grande région. « Il faut s’attendre à de nouvelles répliques, dans les semaines, voire les mois à venir, annonce Pascal Bernard.
La question est de savoir si elles peuvent être encore plus importantes. Les derniers jours ont montré, au Japon, qu’une réplique peut être supérieure à son précurseur. Y aura-t-il des secousses encore plus importantes ? La probabilité est faible, mais elle existe. »
Un séisme de magnitude 7,8 a ébranlé l’Equateur samedi 16 avril au soir, faisant au moins 77 morts, quelque six cents blessés, et causant des dégâts considérables près de son épicentre, mais aussi dans des endroits plus éloignés, comme dans la grande ville portuaire de Guayaquil.
17/04 – Pierre Le Hir – Le Monde.fr