Quelques atouts de la marine japonaise

Le Japon dispose d’une ZEE maritime de 1,8 Mkm2 par ses îles principales, 1,4 Mkm2 par les îles Ryukyu, 0,86 Mkm2 par l’archipel Ogasawara et 0,43 Mkm2 par l’île Minamitori, soit un total de 4,5 Mkm2, presque totalement dans son voisinage propre (sauf Minamitori qui ne souffre pas de revendications)[1]. Cette ZEE appartient au seul théâtre Pacifique et sa défense n’exige donc pas de disperser des forces navales aux quatre mers.

Alignant 104 bâtiments de combat, jaugeant 308 000 tonnes, la marine japonaise, comprenant plus de 45 000 hommes, se classe depuis 2013 à la 4ème place, précédemment occupée par le Royaume-Uni[2].

Elle comporte aussi 179 avions et 135 hélicoptères, largement destinés aux luttes anti-mines et anti-sousmarins.

Les navires principaux sont les porte-hélicoptères désignés sous le nom, jugé plus politiquement correct pour un pays pacifiste, de « destroyers porte-hélicoptères ».

Le Hyuga, mis en service en 2009 et le Ise mis en service en 2011, sont longs de 197 m, à pont continu, et déplacent de 14 000 tonnes à 18 000 tonnes jusqu’à 30 nœuds grâce à leur propulsion COGAG (turbines à gaz jumelées) de 100 000 CV. Ils portent jusqu’à une vingtaine d’hélicoptères légers ou une douzaine plus lourds , dont  normalement 3 de lutte anti-sous-marine et 1 de lutte anti mines. Ils sont armés de lanceurs de missiles ou de charges sous-marines, ainsi que de moyens de défense. Leur système radar pourrait[3] contribuer à la défense anti-missile de frégates AEGIS.

L’Izumo mis en service en 2015 et le Kaga en 2017 sont longs de 248 m et déplacent de 19 500 tonnes à 27 000 tonnes. Leur propulsion est semblable à celle des Hyuga pour une puissance augmentée de 20 % qui leur permet aussi 30 nœuds. Leur pont d’envol est continu et pourrait permettre de mettre en œuvre des avions à décollage vertical ou court F-35B (cette possibilité serait mise en œuvre sur l’Izumo, selon une décision de fin 2018)[4]. La modification consiste à réaliser un tremplin de décollage, ce qui n’est pas anodin.

L’Izumo. Crédit Wikimedia Commons/Kaijo Jieitai.


[1]     https://www.kaiho.mlit.go.jp/e/image/15_b%20of%20jcg.pdf  page 2.

[2]     Vincent Groizeleau, https://www.meretmarine.com/fr/content/focus-la-marine-japonaise-la-4eme-place-mondiale  08/03/2013

[3]     Jean-Louis Promé, « L’Asie accède au Porte-aéronef », dans Défense & Sécurité Internationale  no 17, juillet 2006 (cité par Wikipedia, non consulté).

[4]     Franz-Stefan Gady, « Japan to convert IZUMO class into F-35 carrying aircraft carrier », The Diplomat, 12/12/2018.

La décision elle-même est très significative car, alors que la constitution japonaise ne reconnaît encore pour activité militaire que l’auto-défense, la possession de porte-aéronef par le Japon est vue par la Chine, qui n’a pas oublié les atrocités de l’occupation, comme le prélude à de possibles opérations offensives.

Des destroyers polyvalents sont équipés pour mettre en œuvre des missiles anti-missiles SM-3[1]. Il s’agit d’abord des quatre unités de la classe Kongo, (Kongo, en service en 1993, Kirishima 1995, Myoko, 1996, Chokai, 1998) une modification de la classe américaine Arleigh-Burke de 161 m pour 7 500 tonnes. Ils ont été rejoints par les unités Atago, en 2007, et Ashigara, en 2008, légèrement plus longs (170 m) pour 7 700 Tonnes. Les six  disposent du système de combat AEGIS à capacités anti-missiles-balistiques, alors que les deux modèles anciens de la classe Hatakaze ne disposent que de rampes simples pour le missile SM-1.


L’Ashigara à Pearl Harbor. Photo United States Navy 081103-N-9758L-016. On remarque sur le flanc du château l’antenne active octogonale du radar du système AEGIS. Les missiles d’interception sont invisibles dans leurs lanceurs verticaux. Le canon de 127 mm et les défenses courte portée sont nettement visibles.

La marine comporte donc une armada de six navires à capacité d’interception anti-balistique, ce qui relativise notablement la menace nucléaire nord-coréenne sur le Japon, considérée du point de vue opérationnel qui n’est probablement pas le bon. L’arsenal nucléaire nord-coréen n’est certainement pas destiné à appuyer des revendications extérieures : sa vocation est d’assurer la survie de son dirigeant suprême et de son système en empêchant une action extérieure de renversement du régime. La menace nucléaire, car elle pourrait exister, ne provient donc pas de là, malgré les gesticulations politiques. La Chine voit dans les systèmes anti-missiles de la région une menace contre ce qu’elle considère comme sa garantie stratégique

La flotte comporte aussi des sous-marins, actuellement 18 mais dont le nombre est appelé à augmenter. La classe Soryu, de 84 m de long, 2 900 tonnes en surface et 4 200 en plongée, utilise des moteurs électriques et des moteurs Stirling anaérobies permettant 13 nœuds en surface et 20 en plongée. Elle comprend déjà 10 unités en service sur les 14 commandées. La flotte sous-marine pourrait, à terme, atteindre 24 unités soit le quart des moyens chinois.

Enfin, d’assez nombreux bâtiments sont dévolus au déminage et au soutien.



[1]     Le SM-3 fait partie d’une famille de missiles conçus et construits par Raytheon qui ont été améliorés progressivement en coopération avec le Japon.

Il faut insister sur l’importance de l’agence des Garde-Côtes[1], qui dispose de 12 500 personnels, de 465 bateaux totalisant 145 000 tonnes, dont 376 sont des bateaux de patrouille, de 49 hélicoptères et de 31 avions, soit plus que l’ensemble d’une marine comme celle de l’Italie. Les classes supérieures, portant un ou deux hélicoptères, ont la taille de frégates. Leur rôle est de permettre des opérations de police sans faire intervenir de bâtiments trop ouvertement militaires qui risqueraient d’entraîner une escalade que tout le monde redoute, donc de rester aux « coques blanches » sans faire intervenir les « coques grises », même si la classe Mizuho (5300 tonnes, 130 m, deux canons dont un 35 mm) ne diffère des frégates de la marine que par un armement plus léger. Il s’agit en particulier d’assurer la protection des Senkaku, que les Chinois revendiquent sous le nom de Diaoyutai.

La France dispose d’une flotte d’environ 50 bâtiments de plus de 1 000 tonnes et de 60 de moindre tonnage (100 à 1 000 tonnes), soit 75 bâtiments de combat et 35 de soutien. Elle met en œuvre un vrai porte-avion (sauf pendant les maintenances…) mais elle n’est pas appuyée par une force de garde-côtes. Elle doit défendre ses territoires mais aussi ses zones économiques exclusives distantes de milliers de nautiques. Elle n’a pas de litiges avec une grande puissance dominatrice, mais elle se trouve confrontée à de multiples tentatives d’empiétements. Certes la France n’a pas une population de 126 millions comme celle du Japon, mais cette dernière décroît et la différence s’amenuise. Ne doit on pas, par comparaison, craindre une insuffisance de moyens de notre côté ?

Denis LAMBERT

Membre du groupe de travail de l’IP

Avril 2019


[1]     https://www.kaiho.mlit.go.jp/e/image/15_b%20of%20jcg.pdf    page 3 actualisée au 01/04/2019.