Le voyage du pape François en Birmanie et au Bangladesh

Le pape François a effectué du 27 novembre au 2 décembre un voyage en Birmanie et au Bangladesh. Au cours de son séjour en Birmanie il s’est entretenu avec le général Ming Aung Hlain, chef de l’armée qui conserve un poids politique très important et avec Mme Aung San Suu Kyi, chef du gouvernement et prix Nobel de la Paix. Dans un discours prononcé à Napyidaw, la capitale administrative du pays, devant des représentants des milieux politiques et de la société civile, il a invité les autorités à respecter les droits de l’homme. « L’avenir du Myanmar, a-t-il affirmé, doit être la paix, une paix fondée sur le respect de la dignité et des droits de tout membre de la société, sur le respect de tout groupe ethnique et de son identité, sur le respect de l’Etat de droit et d’un ordre démocratique qui permette à chaque individu et à tout groupe – aucun n’étant exclu – d’offrir sa contribution légitime au bien commun ». Si le Souverain Pontife a fait clairement allusion au cas des Rohingyas, il n’a pas prononcé ce nom car il ne voulait pas indisposer l’armée et rendre encore plus difficile la position de l’église.

Avant de céder la parole au pontife, Aung San Suu Kyi a reconnu la gravité de la situation dans l’Arakan mais a évité de critiquer l’armée. Elle a déclaré : « Au moment où nous affrontons les problèmes économiques et politiques qui ont érodé la confiance, la compréhension, l’harmonie et la coopération entre les différentes communautés du Rakhine1, le soutien de notre peuple et de nos bons amis qui veulent seulement nous voir réussir dans nos efforts a été inestimable ».

S’exprimant à Rangoon devant les représentants des principales religions, le Saint Père a exhorté ses auditeurs à accepter les différences dans un pays caractérisé par sa diversité ethnique et culturelle. « L’unité, a-t-il dit, n’est pas l’uniformité, même au sein d’une même confession. Nous sommes tous différents et chaque confession a ses richesses à offrir. On ne peut le faire que si on vit en paix. Et la paix se construit au cœur des différences ».

La Birmanie compte 700.000 catholiques soit 1.28% de la population. Les chrétiens représentent 6,2 % de la population. Le protestantisme est donc majoritaire, les baptistes comptant à eux seuls pour 3 % de la population. Ils sont particulièrement nombreux au sein des minorités ethniques, notamment des Kachins, qui sont en rébellion fréquente contre le pouvoir central.

Au cours de son séjour à Dakha, le pape a eu droit à une réception officielle à laquelle assistèrent les dirigeants politiques du pays, des représentants de la société civile et le corps diplomatique. Répondant à l’allocution de bienvenue du président Abdul Hamid, le pape fit l’éloge de « l’esprit de générosité et de solidarité, signes de la société du Bangladesh, dans son élan humanitaire en faveur des réfugiés arrivés en masse de l’Etat de Rakhine » Rakhine est le nom officiel de l’Arakhan. Le pape s’est dit conscient de  la gravité de la situation, de l’immense coût imposé par les souffrances humaines et les conditions de vie précaires des personnes rassemblées dans les camps de réfugiés. Il a invité la communauté internationale à «mettre en œuvre des mesures décisives face à cette grave crise».

Pendant une rencontre inter-religieuse, le chef de l’église catholique a abordé la question des Rohingyas dans des termes plus nets qu’en Birmanie. Il a demandé pardon aux membres de cette minorité opprimée « au nom de tous ceux qui l’ont persécutée et lui ont fait du mal » et a déploré l’indifférence du monde face à ce drame. « Ne détournons pas le regard » a ajouté le Saint-Père qui a conclu : « Aujourd’hui la présence de Dieu s’appelle aussi Rohingya ». La retenue dont le pontife avait fait preuve jusque-là avait été critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme.

Le Bangladesh ne compte que 375 000 catholiques sur une population de 160 millions d’habitants. Cette communauté entretenait des rapports pacifiques avec les autres confessions, notamment avec les musulmans, largement majoritaires dans le pays. Mais au cours des dernières années des réseaux islamiques radicaux se sont constitués dans l’ancien Bengale oriental et ont mené des activités hostiles aux chrétiens comme aux fidèles des autres religions. Récemment des catholiques ont été agressés et, peu avant l’arrivée du pape, un prêtre a été enlevé.

1

 Nom officiel de l’Arakan.