De grandes espérances risquent-elles d’être balayées par les vents d’est et les vents d’ouest ? Les promesses et les risques de l’accord de Paris sur le climat.

En octobre 2015, j’avais fait une conférence sur les enjeux de l’accord sur le climat qui allait se négocier à Paris deux mois plus tard. J’avais été raisonnablement optimiste et les faits m’avaient donné raison. L’accord de Paris sur le climat a été vu par la communauté internationale comme un succès et par la France comme la réussite diplomatique marquante du quinquennat du Président Hollande.

Un an et demi plus tard, les choses se présentent de manière différente. Aussi pourrait-on caractériser l’évolution de l’accord sur le climat en deux parties qui emprunteront les titres de deux romans célèbres.

Le premier est celui de Charles Dickens : De Grandes Espérances.

Le second est celui de Pearl Buck : Vent d’Est. Vent d’Ouest.

1. De grandes espérances.

L’accord de Paris sur le climat signé le 12 décembre 2015, à la fin de la COP 21 a été un succès initial indéniable. Ce plan d’action international était la somme de plans d’action nationaux librement consentis par tous les pays pour adapter les modes de production et d’utilisation de l’énergie pour éviter que la hausse globale des températures sur la planète n’atteigne pas deux degrés d’ici la fin du siècle et si possible reste inférieure à 1,5 degré.

Les pays les plus pollueurs, c’est à dire produisant le plus de gaz à effet de serre (GES) s’étaient mis d’accord pour réduire leurs émissions de CO2. Ils s’agissait surtout de la Chine et des Etats-Unis. Ce plan d’action reconnaissait aussi que les pays en développement bénéficieraient d’un soutien international pour leurs efforts d’adaptation. Un fonds vert était créé à cet effet. Il était doté de 100 milliards de dollars par an, versés par les pays du nord aux pays du sud, dotation garantie jusqu’en 2025.

Dans un bel enthousiasme, 192 Etats et l’Union européenne avaient signé cet accord en décembre 2015. Et un an plus tard, 145 Etats l’avaient ratifié, y compris les plus gros émetteurs de GES : la Chine, les Etats-Unis et l’Inde, ces trois Etats représentant 42 % de l’émission de GES dans le monde. Le traité était entré en vigueur le 4 novembre 2016, c’est à dire 30 jours après sa ratification par 55 pays représentant 55 % des émissions.

C’est un accord pragmatique reposant sur la seule bonne volonté des Etats. Il est basé sur l’idée que nous vivons tous sur la même planète, que nous partageons la responsabilité de notre avenir et que les émissions de GES d’un Etat ont un effet sur l’ensemble du globe. C’est un accord sans sanctions, sans mesures de rétorsion. C’est sa force mais c’est aussi sa faiblesse.

De même la tarification du carbone n’est pas évoquée. Pas plus que l’abandon des énergies fossiles.

La COP 22 s’est tenue à Marrakech en novembre dernier. Elle devait définir un plan d’action, aller un peu plus dans le détail, mettre en place un système de mesures permettant de comparer et donc de vérifier les allégations des Etats, donnant ainsi un caractère un peu plus contraignant sur le plan moral aux déclarations d’intention et aux effets d’affichage. La plupart des observateurs ont jugé que Marrakech avait fait du sur place par rapport aux avancées de Paris.

Malgré la déception de la COP 22 à Marrakech, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si ne soufflaient pas sur l’Accord de Paris des vents contraires, des vents d’est et des vents d’ouest.

2. Vents d’est- Vents d’ouest.

Les vents d’est contre l’Accord sur le climat ne soufflent pas de Chine, bien au contraire. Celle-ci, signataire de l’Accord de Paris, s’en fait l’avocate. La Chine a été à l’origine d’un communiqué signé le 15 mai par 30 chefs d’État approuvant la nouvelle Route de la Soie, s’opposant à toute forme de protectionisme et apportant son soutien à l’Accord de Paris. En revanche deux pays ont fait part de leur scepticisme.

Les Philippines tout d’abord. Quelques jours après son élection le 4 juin 2016, c’est à dire six mois après la signature de l’accord du 12 décembre 2015, le président Duterte a jugé ce texte « stupide et absurde ». Mais comme son gouvernement était unanimement d’un avis opposé au sien, le président Duterte a changé de position au cours de l’année et les Philippines ont finalement ratifié l’accord en novembre dernier. Les Philippines se sont engagées à réduire de 70 % l’émission de GES d’ici 2030. Cela étant, les Philippines sont un petit émetteur de GES, et leur position n’est pas déterminante.

Beaucoup plus significative est l’attitude de la Russie. Son président Vladimir Poutine, fait partie des climato-sceptiques. Lors de la réunion du Conseil de l’ Arctique à Arkhangelsk le 29 mars dernier, le président russe a développé l’idée que le réchauffement climatique n’est pas dû à l’homme mais à des cycles globaux de la terre sur lesquels l’homme n’a pas de prise. Il trouve d’ailleurs que le réchauffement a des effets positifs. Il se réjouit que la fonte des glaces facilite la circulation des bateaux dans cette région. Il veut développer l’exploitation des ressources minières et gazières du grand nord russe, un discours en complète contradiction avec les engagements que la Russie avait pris lors de la COP 21, où elle avait promis de réduire ses émissions de 25 % à 30 % d’ici 2030. Le Président Poutine semble oublier que le climat en Russie se réchauffe deux fois plus vite que sur le reste de la planète et que le dégel du permafrost entraine une série de catastrophes sur des infrastructures dont les fondations reposent sur un sol désormais liquéfié. Des glissements de terrain et des inondations se multiplient.

Certains vents d’est sont contraires, mais beaucoup plus inquiétants sont les vents d’ouest.

Comme toujours le président Trump s’exprime de manière tranchée. Il ne croit pas au réchauffement climatique. Il pense que le développement de la production charbonnière avec les emplois qui y sont associés, de la production pétrolière et gazière sont une bonne chose pour l’Amérique. C’est ainsi qu’il a relancé les projets d’oléoducs Keystone et Dakota Access, qui sur 1900 km de longueur doivent permettre de transporter les sables bitumineux de l’Alberta au Canada jusqu’au Golfe du Mexique. Ces projets avaient été bloqués par l’administration Obama au nom de la défense de l’environnement.

Il est certain que Trump est un climato-sceptique. Il a nommé à la tête de l’agence de protection de l’environnement M. Scott Pruitt, un climato-sceptique qui s’est longtemps opposé à l’Agence qu’il dirige désormais. Ancien procureur général de l’Oklahoma, ce républicain de 48 ans a initié ou s’est associé à plus d’une douzaine de procès contre l’Agence de protection de l’environnement, aux côtés d’industriels et de lobbyistes pour bloquer diverses régulations sur la pollution de l’air et de l’eau.

Le 27 mars 2017, Trump a annulé un bon nombre de mesures du Clean Power Act qu’Obama avait prises en 2014 et qui avaient facilité l’acceptation par les Etats-Unis de l’Accord de la COP 21. L’annonce a été loin de plaire à tous. La compagnie pétrolière ExxonMobil a ainsi demandé à l’administration Trump de respecter l’accord de Paris qu’elle considère « comme un cadre efficace pour répondre aux risques du changement climatique ». Le démantèlement de régulations protectrices, l’encouragement à des projets polluants, l’annonce d’une baisse massive des budgets environnementaux sont évidemment contraires aux objectifs que les Etats-Unis avaient acceptés en décembre 2015.

Cela étant, pour tranchées qu’elles soient, les opinions de Donald Trump varient souvent. Et il peut en être ainsi du réchauffement climatique. L’annonce par la Maison Blanche, le 12 mai, que les Etats-Unis allaient se retirer de l’Accord de Paris, a aussitôt fait l’objet d’un sursis à statuer. C’est sans doute après la réunion du G7 à Taormina en Sicile les 26 et 27 mai où les autres leaders mondiaux presseront l’Amérique de tenir ses engagements, que la décision de Trump sera prise. Il est certain que les objectifs que les Etats-Unis s’étaient fixés lors de la COP21 restent d’autant plus dans le domaine du possible que le point de référence qu’ils s’étaient fixés était 2005, l’année où les USA polluaient le plus.

Jean-Christian CADY