Diplomatie ou chorégraphie? Les tribulations du sommet Etats-Unis- Corée du nord.

Les chefs d’État et de gouvernement en Extrême-Orient commencent à s’habituer au caractère soudain et imprévisible des décisions du Président Trump.

Mais ils ont été sidérés par la manière selon laquelle il a géré la rencontre prévue à Singapour le 12 juin 2018 avec le leader nord coréen, portant d’abord aux nues ce meeting, puis l’annulant brusquement, puis laissant entendre que, malgré tout, cette réunion pourrait avoir lieu. Il a pris ces décisions contradictoires en l’espace de quelques jours, sans consulter le moins du monde ses alliés. Ces derniers se posent des questions non seulement sur le manque de considération de l’Amérique à leur égard, mais surtout sur la ligne directrice et les priorités à long terme de la politique américaine en Extrême-Orient.

Les enjeux sont pourtant de taille à la fois pour la Corée du nord, les Etats-Unis et la Corée du sud.

La réponse nord coréenne à l’annonce de l’annulation du sommet du 12 juin a été particulièrement mesurée, pleine de prudence diplomatique et faite dans un style très différent des provocations et éructations dont le leader nord coréen avait usé et abusé quelques mois plus tôt. La réunion montée en hâte entre Kim Jong-un et le président sud coréen à Panmunjon sur la zone démilitarisée le 27 mai, indique l’importance que, pour des raisons diverses, les deux Corées attachent au maintien de la réunion du 12 juin avec le président américain. Le lendemain, le 28 mai, toujours dans la zone démilitarisée, s’est tenue une rencontre par une rencontre entre une délégation de responsables américains menée par Sung Kim un ancien ambassadeur en Corée du sud et maintenant ambassadeur aux Philippines et des responsables nord coréens.

La Corée du nord a multiplié les gestes spectaculaires destinés à afficher sa bonne volonté apparente. La destruction du site d’essais nucléaires de Punggye-ri le 24 mai devant des journalistes internationaux – dont aucun n’était un spécialiste du désarmement nucléaire – avait pour but de montrer à l’opinion internationale que la période des tests nucléaires est terminée. De bons esprits pensent cependant que ce geste était d’autant plus facile que d’une part le site n’était plus utilisable, sa tectonique ayant été profondément perturbée par de nombreux essais et que d’autre part il existe d’autres sites pouvant être utilisés pour des essais.

Mais ces essais sont-ils nécessaires ? La Corée du nord n’a-t-elle pas déjà mis au point son arsenal nucléaire et n’est-elle pas arrivée au stade atteint par toutes les puissances nucléaires qui, après de nombreux essais atmosphériques ou souterrains, arrêtent ces expérimentations et se contentent de modélisations par ordinateur ?
Pour Kim Jong-un, il n’est pas question de se débarrasser de son arsenal nucléaire. C’est le résultat de 30 années d’une politique obstinément poursuivie par son père et lui-même. C’est aussi la garantie de la survie de son régime, les exemples de la Libye et de l’Irak, auxquels le vice-président Mike Pence et le conseiller à la sécurité John Bolton ont fait référence, étant bien évidemment des repoussoirs pour le dictateur nord coréen.

L’effort diplomatique qui a suivi l’annonce de l’annulation de la rencontre avec le président Trump montre combien Kim Jong-un est désireux d’avoir un accord avec les Etats-Unis. Il veut évidemment de mettre fin à l’asphyxie économique provoquée par les sanctions décidées par le conseil de sécurité de l’ONU. Mais il est évident que le mot dénucléarisation n’a pas le même sens aux Etats-Unis et en Corée du nord. Pour les Etats-Unis c’est l’abandon et la destruction de toutes les armes nucléaires. Pour la Corée du nord, c’est la renonciation à des test atmosphériques ou souterrains.
La dénucléarisation n’est envisageable pour la Corée du nord que si il y a une dénucléarisation de la Corée du sud, en d’autres termes si le parapluie américain cesse d’être déployé pour la protéger.

Pour la Corée du sud, toute initiative visant à réduire le danger permanent que représente pour elle la Corée du nord est la bienvenue. C’est Moon Jae-in, le président sud coréen qui, loin de la posture très dure des conservateurs sud coréens, a été à l’origine de la future rencontre. C’est lui qui a joué les intermédiaires et a rendu possible un contact entre le président américain et le dictateur nord coréen qui n’était guère envisageable quelques mois plus tôt.

Quant au Président Trump deux éléments le motivent.
D’une part il sait que les Etats-Unis continentaux sont désormais à portée des missiles nord coréens.
D’autre part il voudrait réussir là où tous ses prédécesseurs ont échoué : obtenir une dénucléarisation nord coréenne complète, vérifiable et irréversible. Le pourra-t-il ? Rien n’est moins sûr.

Jean-Christian Cady