Pétition pour l’indépendance de l’Irian Jaya

Selon une information transmise par le Guardian, des opposants au pouvoir indonésien en Irian Jaya ont lancé une pétition demandant l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de ce territoire. Bien qu’interdite par les autorités et malgré les obstacles mis par ces dernières au déroulement du scrutin, la pétition a recueilli 1,8 million de signatures. Ce texte a été remis au comité de décolonisation de l’ONU par Benny Wenda, un nationaliste papou vivant en exil.

L’Irian Jaya ou Papouasie occidentale occupe la partie occidentale de l’île de Nouvelle Guinée. Elle a une superficie de 421 961 kilomètre carrés et compte 3,5 millions d’habitants. Elle a des ressources naturelles importantes. Elle produit du palmier à huile, du café, du cacao, de la noix muscade, du coprah. Elle possède des mines d’or (mine de Grasberg), de nickel et de cobalt. Du pétrole est extrait de la péninsule de Doberai.

Jusqu’en 1963 l’Irian Jaya était une colonie néerlandaise. En 1961, alors que les Néerlandais envisageaient de conduire la Papouasie occidentale vers l’indépendance, le gouvernement d’Ahmed Soekarno lança une campagne pour récupérer ce territoire et l’annexer à la république indonésienne. Il invoquait entre autres arguments les liens traditionnels unissant de sultanats des Moluques à certaines tribus de l’irian Jaya. En mai 1963 une résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU confia l’administration de ce territoire à l’Indonésie. En 1969, à la suite d’une consultation à laquelle participèrent 1054 chefs papous triés sur le volet, l’Irian Jaya devint une province indonésienne.

Un mouvement de résistance contre l’occupation indonésienne, l’OPM (Organisaci Papua Merdeka -Organisation pour l’indépendance de la Papouasie), s’est constitué et se livre à des opérations ponctuelles. En 2014 l’OPM et d’autres mouvements indépendantistes se sont réunis pour former « le Mouvement Uni pour la Libération de la Papouasie Occidentale ». Ses militants reprochent aux autorités indonésiennes de nombreuses violations des droits de l’homme. Ils dénoncent aussi la dégradation de l’environnement, la déforestation, l’exploitation outrancière des ressources naturelles, une répartition injuste du produit des royalties, l’accaparement de terres par des immigrants venus des autres provinces de l’Indonésie. En effet après l’annexion de l’Irian Jaya, le gouvernement indonésien a favorisé l’immigration de familles venues d’autres parties de l’indonésie et les papous ne représentent plus que 70% de la population. Cependant le mouvement indépendantiste ne compte guère que quelques centaines de combattants mal armés et mal encadrés. Il ne bénéficie pas de soutiens extérieurs ce qui crée une situation très différente de celle que connaissait Timor. La Papouasie-Nouvelle-Guinée adopte une attitude très timorée car elle sait qu’en cas de conflit son armée serait écrasée par les forces indonésiennes. Les Australiens eux-mêmes sont prudents et incitent les autorités de Port-Moresby à faire preuve de retenue. Les nationalistes papous sont appuyés par le Vanuatu, les Iles Salomon et d’autres membres du Fer-de-Lance Mélanésien.  Ces Etats n’ont pas un poids considérable sur la scène internationale.

Le gouvernement indonésien a combattu vigoureusement le mouvement nationaliste papou. Il a renforcé les effectifs de l’armée en Irian Jaya et a réprimé sévèrement les tentatives insurrectionnelles. En 2001 le chef de l’OPM, Theys Eluary, a été assassiné et, en 2006, 40 leaders nationalistes ont dû s’exiler en Australie après des manifestations anti-indonésiennes. Cependant le président Joko Widodo ne compte pas uniquement sur l’action de l’armée et de la police pour maintenir l’ordre en Irian Jaya. Il s’est rendu six fois depuis son élection dans cette province et il a pris des initiatives pour encourager son développement économique, privilégiant notamment les infrastructures et les connexions Internet.

La pétition organisée cet été appelle l’attention sur un conflit qui dure depuis plus de cinquante ans. Elle souligne le malaise qui règne au sein des populations mélanésiennes d’Irian Jaya qui supportent difficilement le joug indonésien. On peut cependant se demander si elle aura des effets concrets. Le gouvernement indonésien, qui a dû accorder l’indépendance de Timor, n’est certainement pas disposé à se séparer de l’Irian Jaya. S’il le faisait, il encouragerait les tendances sécessionnistes existant dans d’autres provinces indonésiennes telles que Aceh ou les Célèbes. Il pourra faire valoir que dans plusieurs cas, par exemple au Sud-Soudan, la formation de nouveaux Etats, loin de régler les problèmes, n’a fait que les aggraver. Les grandes puissances qui sont confrontées à de graves problèmes en Asie (programme nucléaire de Corée du Nord, litiges territoriaux dans la mer de Chine) ne souhaitent pas voir apparaître une nouvelle zone de crise et d’instabilité sur les rives de la mer d’Arafura. La quasi-totalité des Etats de tiers-monde, dont l’unité nationale est souvent fragile, sont attachés au maintien du statuquo territorial né du processus de la décolonisation. Il est révélateur que le comité de décolonisation ait refusé d’examiner la pétition sous le prétexte que l’Irian Jaya ne figurait pas sur la liste des territoires non autonomes établie par l’ONU.

Jean-Michel DASQUE

 Le FLNKS, un parti indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, appuie lui-aussi les revendications des Papous d’irian Jaya..