Quelles répercussions la NSS américaine peut-elle avoir sur l’Australie et le Japon ?

Source : Le USS  Carl Winson – ouest-France.fr

La Nouvelle Stratégie de Sécurité (NSS) américaine dévoilée le 18 décembre 2017 repose sur 4 piliers :

  1. Protéger les États-Unis contre les menaces
  2. Promouvoir la prospérité de l’Amérique
  3. Préserver « la paix par la force » en maintenant la force militaire traditionnelle dans ses forces conventionnelles, nucléaires, cybernétiques et spatiales
  4. Faire rayonner l’influence américaine

Un accent « sans précédent » est mis sur la sécurité intérieure et sur l’économie en tant que question de sécurité nationale.

La NSS identifie la Chine et la Russie comme des « puissances révisionnistes » qui représentent des menaces économiques et politiques pour l’Amérique et affirme que les États-Unis défendront unilatéralement leur souveraineté, même si cela signifie qu’ils risquent de mettre en cause les accords existants avec d’autres pays qui ont joué un rôle crucial dans la politique étrangère des États-Unis depuis la Guerre Froide.

Ce document n’appelle pas à promouvoir la coopération avec d’autres pays sur la base de l’égalité mais sur des termes favorables à l’Amérique, qui doit être « première » dans tout ce qu’elle fait.

Australie

Source : http://www.abc.net.au/news/2012-12-01/darwin-hmas-coonawarra/4402446

Le contexte

Rappel de la politique étrangère de l’Australie (décembre 2017)

Le «2017 Foreign Policy White Paper», ou Livre blanc de politique étrangère définit la stratégie générale de politique extérieure australienne pour les dix prochaines années.

Le document commence  avec cette affirmation : « Des conducteurs puissants convergent d’une manière qui remodèle l’ordre international et remet en cause les intérêts de l’Australie » ; « Les États-Unis ont été la puissance dominante dans notre région tout au long de l’histoire de l’après-guerre. Aujourd’hui, la Chine conteste la position de l’Amérique ».

Dans son introduction au Livre blanc, le Premier ministre affirme à juste titre que « plus que jamais, l’Australie doit être souveraine et indépendante » si elle veut prendre le contrôle de son avenir et sauver son bien-aimé ordre régional.

Le gouvernement australien reconnaît l’importance de la Chine sur son échiquier géostratégique et souligne la valeur des relations sino-australiennes, surtout en termes économiques (ressources minières et bétails). Cependant, au fil du texte, le lecteur de ce Livre blanc pourra facilement palper l’anxiété et le désarroi australien vis-à-vis de la Chine.

Il est d’ailleurs mentionné que l’Australie et la Chine ont « des intérêts valeurs, et système politiques et légaux différents ».

Cependant, dans son Livre blanc, le gouvernement australien s’alarme du déclin de l’influence et du pouvoir militaire américain dans la région, ainsi que du dédain de Donald Trump envers les conventions économiques internationales. En moins d’un an, il s’est déjà retiré du TP etde l’Accord de Paris sur le climat et discute la participation américaine à l’ALENA.

Face à un allié américain incertain et à une Chine plus agressive, le gouvernement australien considère les partenariats avec les grandes démocraties indopacifiques – Inde, Japon, Indonésie et Corée du Sud – comme le meilleur moyen de façonner le futur ordre régional.

L’Australie mène une politique étrangère marquée à la fois par son attachement à ses valeurs (primauté du droit, résolution pacifique et négociée des conflits, liberté de circulation et de navigation, défense des droits de l’Homme, multilatéralisme), un réel  opportunisme dans sa manière d’appréhender son environnement régional (dépendance vis-à-vis des Etats-Unis pour sa sécurité mais aussi de la Chine pour sa prospérité économique) et une priorité accordée au libre-échange et à la promotion des intérêts économiques australiens.

La Coalition libérale a fait le choix d’un recentrage de ses priorités sur le Pacifique et sur les intérêts stratégiques et commerciaux de l’Australie dans l’Océan Indien et le Pacifique (indo-pacifique) où les menaces ne faiblissent pas (inconnue nord-coréenne, tensions en mers de Chine orientale et méridionale, montée de l’intégrisme islamique en Indonésie, en Malaisie, aux Philippines…). Canberra a également renoué ouvertement avec l’approche multilatérale et le souhait de participer à la gestion commune des enjeux globaux. L’Australie a ainsi annoncé son souhait de retrouver un siège au Conseil de sécurité en 2029-2030 et sa candidature au Conseil des droits de l’Homme pour le triennum 2018-2020.

 

Le dilemme de l’Australie

De fait, l’Australie oscille depuis longtemps entre les sphères d’influence américaine et chinoise. Elle est désormais contrainte par une nouvelle configuration de pouvoir : elle a la Chine pour premier partenaire commercial (près de 30% de ses exportations) et abrite 1,2 millions de personnes d’ascendance chinoise (soit 5,6% de sa population). Il ne s’agit plus seulement pour elle de se questionner sur son identité de puissance occidentale ou asiatique, mais de gérer une transformation structurelle des dynamiques régionales.

En revanche, elle dépend toujours pour sa sécurité de son alliance avec les Etats-Unis.

Réaction de Canberra à la NSS américaine

Le ton intransigeant de la NSS n’a pas rencontré l’écho attendu à Canberra. « Nous avons une perspective différente sur la Russie et la Chine, clairement », a déclaré la ministre des affaires étrangères Julie Bishop, « nous ne voyons pas […] la Chine comme posant une menace militaire à l’Australie ».

 

Le Japon

Source : http://www.opex360.com

Contexte 

Le Japon, 4e PIB mondial, déploie une politique de « contribution proactive à la paix » « à l’échelle de la planète », « basée sur la coopération internationale » et fondée sur trois piliers : le renforcement de son alliance avec les Etats-Unis, l’approfondissement de sa coopération avec les Etats voisins et une diplomatie économique au service de sa croissance. Le Premier ministre ABE évoque, par ailleurs, depuis 2016, une stratégie pour un espace indo-pacifique libre et ouvert où il veut reprendre le leadership du CPTPP à 11.

Le Japon a annoncé la hausse de son budget de défense de 5% pour la période 2014-2018 (47 Mds$ en 2017).

La  stratégie  du Japon

Elle repose sur 3 piliers :

  1. Préserver la paix et la sécurité du pays et s’assurer de sa survie
  2. Atteindre la prospérité du Japon et de son peuple, consolidant ainsi sa paix et sa sécurité.
  3. Maintenir et protéger l’ordre international basé sur des valeurs et des règles universelles.

Elle a pour objectifs de :

  • Renforcer la dissuasion contre les menaces d’atteintes directes sur le Japon.
  • Améliorer l’environnement de sécurité régionale, empêcher l’émergence et réduire les menaces directes pour le Japon en renforçant l’alliance Japon-États-Unis et en renforçant la confiance et les relations de coopération avec ses partenaires.
  • Améliorer l’environnement mondial de sécurité et construire une communauté internationale pacifique, stable et prospère.

 Relations Japon – USA

Elles sont basées sur 3 axes :

  • Renforcer l’efficacité des accords de sécurité entre le Japon et les États-Unis et mettre en place une alliance Japon-États-Unis plus diversifiée
  • Renforcer la coopération entre le Japon et les États-Unis en matière de sécurité et de défense dans un large éventail de domaines
  • Assurer une présence stable des forces américaines

L’objectif du Japon est clairement la paix, la stabilité et la prospérité  dans la Pax americana.

Shinzo Abe prend soin d’éviter tout choc frontal avec Donald Trump. Il  joue la carte Trump, soutient les sanctions américaines vis-à-vis de la Corée du nord et prend en compte les menaces  que représentent la Chine et la Russie. Il réaffirme son désir de collaborer avec l’administration américaine, notamment avec James Mattis, le Pentagone.

Pour sa sécurité, le Japon mise sur les USA.

Par ailleurs, il souhaite combler le déficit de présence américaine en Asie du sud avec entre autres le retrait du TPP par D. Trump. Tokyo a peur d’être abandonné par les USA du fait des nouvelles perspectives avec la Corée du Nord. Face aux tensions, le Japon accroit ses capacités militaires tout en conservant son alliance stratégique avec les Etats-Unis.

L’article 9 de la constitution a progressivement été modifié depuis  2014. De nouvelles lois ont étendu les missions des Forces d’Autodéfense tant sur le territoire national qu’au niveau régional et international

(SOURCES : IRIS, France Diplomatie, Chaire Raoul Dandurand/UQAM, Bluebook, Robert Dujarric)

Article rédigé par Michèle BIETRIX, Louis CHATELIER et  Hélène MAZERAN