Sommet des Etats membres de l’Organisation de Shanghai.

Le 18ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de Coopération de Shanghai s’est tenu les 9 et 10 juin à Qingdao, dans l’est de la Chine. L’OCS a été fondée en 2001 ; elle a succédé au Groupe de Shanghai créé en 1996. Elle comprenait à l’origine la RPC, la Russie et quatre anciennes républiques ex soviétiques d’Asie centrale, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan. L’Inde et le Pakistan sont devenus membres de cette organisation en 2017. L’Iran, l’Afghanistan, la Mongolie et la Biélorussie ont un statut d’observateur. D’autres Etats de la région (Arménie, Azerbaïdjan, Turquie, Népal, Sri Lanka) participent à certaines discussions. L’OCS a pour objectif principal de coordonner la politique des Etats membres dans la lutte contre l’extrémisme, notamment islamique, le terrorisme, la criminalité organisée et le trafic de drogue. Mais sous l’impulsion de la Chine ses compétences ont été étendues aux questions économiques et à la défense (un exercice mettant en œuvre 3000 soldats est prévu en Russie cet automne). Les pays composant l’OCS représentent un poids de 3.2 milliards d’habitants, une superficie de 37.5 millions de kilomètres carrés, un PIB de 37200 milliards de $ ; ils produisent 1015 millions de tonnes de pétrole.
Lors du banquet d’ouverture, M Xi Jin-Ping a vanté l’esprit de Shanghai qui « met l’accent sur la recherche d’un terrain d’entente commun » et a appelé les Etats membres « à travailler en étroite collaboration pour construire une avenir commun, développer un nouveau type de relations internationales et construire un monde ouvert, inclusif, bénéficiant d’une paix durable, de la sécurité universelle et d’une prospérité commune ». Faisant allusion aux récentes mesures commerciales prises par les Etats-Unis, il a appelé à rejeter « les politiques égoïstes, à courte vue, étroites et fermées » et à soutenir « un système commercial multilatéral et une économie mondiale ouverte ». Il a annoncé que la Chine accordait un crédit de 30 milliards de yuan (4.7 mds de $) aux membres de l’OCS via un consortium bancaire.
M. Vladimir Poutine a déploré le retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire avec l’Iran qui « peut déstabiliser la situation au Moyen-Orient » et s’est déclaré favorable « à une mise en œuvre inconditionnelle du texte ». Il a été soutenu sur ce point par M Xi Jinping. De son côté, le président iranien Hassan Rohani a déclaré que « les sanctions unilatérales vont à rebours des règles internationales et compromettent les processus légitimes du commerce entre les Etats ». Il a affirmé que la République d’Iran avait appliqué scrupuleusement les dispositions de l’accord international et que l’AIEA avait confirmé à plusieurs reprises le respect par l’Iran de ses engagements.
Dans le communiqué final les Etats participants se déclarent préoccupés par la perspective de voir des armes chimiques et biologiques tomber entre les mains de groupes terroristes et extrémistes. Ils expriment leur intention de renforcer leur coopération dans la lutte contre ces derniers grâce à un meilleur échange de renseignements et une simplification des procédures d’extradition. Le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie, le Pakistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan ont réaffirmé leur soutien à l’initiative de la nouvelle route de la soie lancée par la Chine.
L’OCS a obtenu jusqu’ici assez peu de résultats concrets et est affaiblie par des divisions entre ses membres. Les Indiens entretiennent des rapports conflictuels avec le Pakistan avec lequel ils ont été en guerre à trois reprises depuis leur accession à l’indépendance. Ils sont d’autre part en rivalité avec la Chine avec laquelle ils ont eu un conflit armé en 1964. Les deux géants asiatiques semblent désireux d’améliorer leurs relations comme l’a montré la visite d’Etat de M Modi à Pékin en Avril mais la politique de puissance de Pékin et ses projets ambitieux sur les plans économique et stratégique continuent d’inquiéter les dirigeants de New Delhi. Il est significatif que M Modi n’ait pas assisté au premier sommet de la route de la soie à Pékin en mai 2017. En revanche les Indiens se sont rapprochés des Etats-Unis et ont une alliance stratégique avec la Russie. Cette dernière a resserré ses liens avec la Chine au cours des dernières années et le 8 juin, veille de l’ouverture du sommet, Xi Jinping a remis solennellement à Vladimir Poutine la médaille de l’amitié. Cette cérémonie a reçu un large écho dans la presse chinoise. Toutefois la collaboration entre Pékin et Moscou n’a pas donné tous les résultats escomptés. Comme le fait remarquer Alexander Cooley , directeur de l’Institut Harriman, dans The Diplomat, la Chine s’est abstenue d’appuyer les initiatives de Poutine en Géorgie en 2008 et en Crimée en 2014. Elle ne soutient pas non plus l’intervention de Moscou en Syrie. De son côté la Russie considère avec une certaine méfiance le programme des nouvelles routes de la soie lancé par la Chine en 2013. Bien qu’ayant appuyé officiellement le plan « obor », elle craint que ce dernier ne serve à renforcer l’emprise de Pékin sur l’Asie centrale.
Les positions différentes adoptées par les Etats membres sur le plan international et l’existence d’intérêts divergents expliquent la lenteur des progrès réalisés par l’OCS dans la construction d’un bloc politique régional uni et cohérent. Il est significatif que le communiqué final se borne à réaffirmer un certain nombre de principes généraux et à formuler des vœux pieux. Il n’en demeure pas moins que le sommet de Qingdao a été caractérisé par l’unité de vue apparente des participants sur plusieurs problèmes internationaux et par le climat cordial dans lequel s’est déroulée la réunion. Comme l’a fait remarquer Poutine cela contraste avec le climat tendu et les crispations qui ont marqué la réunion du G7 au Canada. De ce point de vue le sommet a été un succès au moins en termes de communication.

Jean-Michel Dasque