Le culte shinto, au service de l’Etat

Ablutions et purifications  font partie des rites shinto.  Ici, des adeptes s’aspergent  d’eau glacée lors de  la cérémonie du « Kanda Myojin », à Tokyo, le 9 janvier. TORU YAMANAKA / AFP

Le sanctuaire d’Ise où se trouve le pavillon Naiku, a été choisi en mai dernier pour accueillir le Sommet du G7 et cela est révélateur des « rapports ambigus entre le sacré et le pouvoir politique au Japon.  Ambigüité aussi sur « le statut de l’empereur, à la fois symbole de l’Etat et de l’unité du peuple et grand officiant d’un culte religieux identitaire ». « M. Shinzo Abe affectionne le sanctuaire d’Ise où il a participé en 2013, avec 8 de ses ministres, à la reconstruction rituelle et à l’identique du pavillon Naïku qui a lieu tous les 20 ans ». Ce sanctuaire est moins controversé que celui de Yasukuni (parmi les morts pour la patrie, y sont enterrés des criminels de guerre, ce qui crée des tensions avec la Chine et la Corée) et permettrait de renouer « de tourner la page de l’après-guerre en révisant la constitution pacifique de 1947 et en renouant avec la mystique identitaire nationale axée sur la lignée impériale.

Le shinto n’est pas la seule religion à peser en politique (puissante secte bouddhique Soka Gakkaï notamment), mais la plus lourde car au cœur de la mystique identitaire nationale, se référant à des croyances et des rites antérieurs à l’arrivée du bouddhisme, influencés par le chamanisme. Ce polythéisme teinté d’animisme prône l’harmonie entre l’homme et la nature.

« Durant un millénaire, le Japon a connu un syncrétisme shinto-bouddhique … mais les réformateurs du Meiji ont érigé le shinto en religion d’Etat  avec pour centre de gravité la lignée impériale ». « Il devient le ferment d’un idéologie identitaire … qui le lie à l’ultranationalisme des années 30 ». En 1945, après la défaite, le shinto d’Etat a été aboli, mais le shinto impérial joue encore un rôle important, c’est le principe sous-jacent de l’intégration nationale » et « le politique et le religieux ne sont pas nettement dissociés ».

Différents lobbies « prônent le retour à une forme de shinto identitaire : La Ligue politique shinto (80 000 membres), la Conférence du Japon (Nippon Kaigi) créé en 1997 (38 000 membres), basée sur 4 piliers (vénération de la maison impériale, culte des morts pour la patrie, restauration de la fierté nationale, valorisation de la famille plus que de l’individu), qui demande la révision de la Constitution. Pour Tadae Takubo, Président de la Conférence du Japon, « il faut restaurer un Etat moral, centré sur la figure impériale ».

Le statut du culte shinto est ambigu « dans une société sécularisée où le mythe de l’homogénéité ethnoculturelle reste latent… La majorité des Japonais se disent non-croyants, … mais une religiosité flottante se maintient. Se rendre au sanctuaire ne relève pas forcément de la foi …, mais de la coutume ».

06 & 07/11 – Philippe Pons –  Le Monde (extraits)