Le Timor-Oriental demande à l’Australie de respecter le droit dans le conflit maritime qui les oppose

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Le Timor-Oriental traîne depuis quelques jours son grand voisin australien devant une commission de conciliation de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye pour tenter de résoudre le différend maritime qui les oppose.

Canberra, qui invoque les traités existants signés avec Dili, refuse de participer à des négociations bilatérales sur la délimitation d’une frontière permanente avec le Timor-Oriental et estime de plus que la commission de conciliation n’a pas juridiction.

Mais les autorités timoraises remettent en cause la validité de ces traités, affirmant que les Australiens leur ont tendu un piège et obtenu des avantages indus lors de précédentes négociations. Elles ont exhorté l’Australie à ne pas tourner le dos au droit.

Le Timor-Oriental ne demande pas de faveurs

A la session d’ouverture de la conciliation obligatoire le 29 août dernier à La Haye, le Timor-Oriental a insisté sur le fait qu’il ne voulait que ce qu’il lui revenait de droit.

« Nous ne sommes pas venus à La Haye pour quémander des faveurs ou un traitement spécial. Nous sommes venus ici pour revendiquer nos droits régis par le droit international », a déclaré Xanana Gusmao, héros de l’indépendance du Timor-Oriental et premier président du pays, devant la commission de cinq membres formée sous l’égide de la CPA.

Gusmao, qui a également été chef du gouvernement timorais, a déclaré que son pays était prêt à négocier avec l’Australie, mais que cette dernière avait « tourné le dos au droit » en refusant de le faire.

En mars dernier, plus de 1.000 personnes s’étaient rassemblées devant l’ambassade d’Australie à Dili pour protester contre le refus de Canberra d’organiser des discussions bilatérales sur la question des frontières maritimes.

Pour renforcer davantage sa position lors de l’audience, le gouvernement du Timor-Oriental a également publié un document baptisé Politique sur les frontières maritimes qui réitère sa position, à savoir que lesdites frontières devraient être délimitées par une ligne médiane équidistante des deux pays, accordant à Dili des zones pétrolières et gazières bien plus larges en mer de Timor.

Si le Timor-Oriental et l’Australie ne réussissent pas à trouver un accord, la commission de conciliation remettra un rapport au secrétaire général de l’ONU et les deux parties seront alors obligées de négocier de bonne foi sur la base du rapport de la commission, a expliqué le Bureau des frontières maritimes du Timor-Oriental.

Pour l’Australie, la décision de la CPA n’est pas contraignante

L’Australie, quant à elle, insiste sur le fait que la commission formée par la CPA n’a pas juridiction dans cette affaire et que quand bien même elle rendrait un jugement, celui-ci ne serait pas contraignant.

« La commission n’a pas juridiction pour mener des audiences sur les frontières maritimes », ont déclaré le 29 août dans un communiqué la ministre australienne des Affaires étrangères, Julie Bishop, et le procureur général, George Brandis.

Pour l’Australie, les traités existants entre Canberra et Dili sont raisonnables et doivent être respectés. Certains ont même affirmé qu’une délimitation officielle ne serait pas aussi généreuse pour le Timor que ne l’est la délimitation actuelle.

Le traité dont il est essentiellement question est le texte baptisé « Dispositions maritimes particulières sur la mer de Timor », signé en 2006 et qui prévoit une distribution égale des revenus émanant des gisements de pétrole et de gaz de Greater Sunrise, une zone d’exploration commune située dans cette mer. Ce traité impose également un moratoire de 50 ans sur les revendications en matière de droits souverains et de démarcation des frontières maritimes.

L’Australie s’intéresse depuis longtemps aux ressources pétrolières et gazières en mer de Timor. Elle a soutenu l’occupation indonésienne du Timor-Oriental (1975-1999) afin d’en faciliter son exploitation et a été le seul pays occidental à reconnaître l’annexion de ce territoire par Jakarta.

Mise sur écoute, intimidation et triche

Mais la validité de ce traité est désormais remise en question, après les révélations en 2012 qui ont montré que des agents australiens, se faisant passer pour des travailleurs humanitaires, avaient placé sur écoute la salle de réunion du gouvernement timorais et avaient ainsi pu en tirer des avantages déloyaux lors des négociations ayant conduit au traité de 2006.

« Quand la lumière a été faite sur cette affaire, nous avons été choqués et révoltés », a déclaré M. Gusmao lors de l’audience à la CPA.

Dans un article publié le 28 août dans le quotidien britannique The Guardian, Ben Saul, professeur de droit international à l’université de Sydney, a estimé que ces accusations d’espionnage dressaient le portrait d’une Australie vue comme « un voisin harceleur et tricheur ».

Deux mois avant l’indépendance du Timor-Oriental en 2002, l’Australie s’est habilement exclue du mécanisme de résolution obligatoire des conflits de frontières maritimes de la Cour internationale de justice (CIJ) et sous la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM).

Le jour même de l’indépendance du Timor-Oriental, le 20 mai 2002, Canberra et Dili signaient leur traité de la mer de Timor, qui reprend en grande part les dispositions du traité de 1989 entre l’Australie et l’Indonésie, fixant la démarcation temporaire de la frontière maritime plus près du Timor-Oriental que de l’Australie.

« Le jour même du rétablissement de notre indépendance, nous avons été confrontés à l’indignité de devoir signer » le traité, a déploré Xanana Gusmao devant la commission de conciliation. « A l’époque, le Timor ne possédait rien. Notre terre était ravagée, notre peuple tué (…) Sans argent, nous avons été obligés de mendier. »

09/09 – http://french.peopledaily.com.cn avec Xinhua