La Chine construit des îles artificielles pour revendiquer des zones maritimes

Jusqu’à présent, la majeure partie de l’île de Fiery Cross, ou Yongshu, en Chinois, se trouvait sous l’eau, à l’exception de quelques rochers et d’une surface de béton artificielle, servant à héberger une petite garnison de soldats. Des images satellites, analysées par des experts anglo-saxons de l’IHS, ont montré que depuis quelques mois, des navires chinois draguaient les fonds environnants. Les images ont également montré que ces derniers rassemblent les sédiments sur la barrière de corail, afin de faire émerger des eaux une piste de 3000 mètres de long sur 300 mètres, au plus, de large. Un port, à l’est de l’île, serait également en train d’être créé par les dragues chinoises. Il serait suffisamment grand pour «accueillir des pétroliers ou de grands navires de guerre», selon les experts de l’IHS.

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Yongshu est située dans l’archipel des Spratleys, un territoire en plein milieu de la mer de Chine dont les récifs confettis, d’une superficie totale de 5 km2, sont répartis sur une zone de 410.000 km2 et disputés entre le Brunei, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et la Chine, dernière puissance à ne pas disposer de piste d’atterrissage dans les environs.

Une zone très stratégique

Dans un rapport, le ministère de la Défense français rappelle que les prétentions de Pékin sont fondées

sur des arguments historiques: «La Chine prétend que des pêcheurs chinois fréquentent la mer de Chine du Sud depuis des époques aussi reculées que la période des Trois Royaumes (220-265).» Selon le rapport, il faut en réalité attendre les années 1980 pour qu’elle s’intéresse réellement à ces îles perdues. En 1987, la Chine en occupe 7. Cinq ans plus tard, elle revendique la totalité de l’archipel.

Si la Chine s’y intéresse autant, ce n’est pas en souvenir de quelques pêcheurs ancestraux. Cette zone, inconnue du grand public, est d’un intérêt géostratégique majeur. Elle est le point de passage entre l’Océan indien et l’Océan pacifique et permet la communication de l’Europe et de l’Asie orientale. Près d’un tiers du trafic maritime commercial du monde y passe, 90% de celui de la Chine. La Corée du Sud, le Japon et Taïwan y font transiter plus de la moitié de leurs ressources énergétiques. Si les éventuelles réserves de pétrole semblent pour le moment limitées, celles de gaz semblent au contraire très importantes: la zone pourrait comporter 13% des réserves mondiales, selon le rapport du ministère de la Défense.

Le précédent des Paracels

Outre l’évidente menace que représente la militarisation chinoise, la création de cette  piste vient asseoir la revendication de souveraineté chinoise: au regard du droit international, l’attribution d’une zone économique exclusive est déterminée par la possession d’un territoire côtier.

La Chine reproduit ici une tactique déjà éprouvée un peu plus au nord, dans l’archipel inhabité des Paracels, situé en face du Vietnam, qui revendique également ces territoires. Pékin y a créé une piste et un port. Dans les années 1970, un bref engagement entre la Chine et le Sud-Vietnam avait coûté la vie à 70 marins et envoyé par le fond trois navires vietnamiens. Seulement, après cet épisode, la présence chinoise avait été confortée dans l’archipel. En mai 2014, la Chine se servait de cette base territoriale pour justifier l’installation d’une plate-forme pétrolière dans les eaux des Paracels, entraînant une importante crise diplomatique avec le Vietnam.

10/02 – Julien Licourt – http://www.lefigaro.fr