Aung San Suu Kyi face à quatre défis pour mener la Birmanie vers la démocratie

Après 27 années de lutte contre la junte militaire, dont quinze passées en résidence surveillée, Aung

San Suu Kyi accède au pouvoir en Birmanie.

La Ligue nationale pour la démocratie (LND) a obtenu 886 sièges aux deux chambres du Parlement et aux assemblées régionales, ce qui signifie que le parti d‘Aung San Suu Kyi a gagné 77,04% des sièges

aux élections législatives du 8 novembre, a annoncé vendredi 20 novembre la Commission électorale du Myanmar.

Selon ces résultats finals, La LND occupe 255 sièges à la Chambre basse du Parlement, 135 à la Chambre haute, également appelée « Assemblée du Peuple » et 496 au sein des assemblées régionales. Le Parti pour la solidarité et le développement de l’Union (USDP, au pouvoir) a quant à lui obtenu 118

sièges, soit 10% du total, dont 30 à la Chambre basse, 12 à la Chambre haute et 76 au sein des assemblées régionales.

Les sièges parlementaires restants ont été attribués à certains partis ethniques et aux cinq candidats indépendants.

En position de force, l‘ancienne opposante birmane pourra-t-elle poursuivre le virage historique de ce pays d‘Asie vers la démocratie ?

Gouverner sans la présidence ni les ministères clés

Malgré le « raz-de-marée » électoral de la LND, l‘armée garde une mainmise sur les organes politiques. Les militaires conservent un quart des  sièges  au  Parlement  ainsi  que  trois  ministères clés : l‘Intérieur, la Défense et la Gestion des frontières.

De plus, l‘article 59F de la Constitution birmane constitue un véritable « plafond de verre politique ». Il  interdit  à  un  citoyen  birman ayant  des  enfants  d‘une  autre  nationalité  d‘occuper  le  poste  de Président. Aung San Suu Kyi, qui a eu deux enfants avec le Britannique Michael Aris (décédé en 1999), est exclue du sommet du pouvoir.

Si l‘armée peut mettre son veto à toute modification de la Constitution, la Dame de Rangoun a déjà prévenu qu‘elle avait « un plan » et qu‘elle serait « au-dessus du président ». Ce plan devrait se préciser dans les semaines à venir : le Président doit être nommé en février ou mars 2016.

Composer avec l’armée

La tâche est complexe, mais pas impossible. « Les premières réactions des militaires aux résultats révèlent qu‘ils ne forment pas un bloc homogène. Le président Thein Sein veut être perçu comme le Gorbatchev birman. Comme lui, une partie de l‘armée est prête à coopérer avec la LND. Cette attitude « bon perdant » de la junte permet un optimisme mesuré.

L‘armée a tout intérêt à coopérer : les militaires sont nombreux à s‘être reconvertis dans les affaires. La transition démocratique représente pour eux une opportunité économique, en attirant les investisseurs étrangers et intégrant le marché mondial.

Développer le pays et redistribuer les richesses

Un Birman sur trois vit sous le seuil de pauvreté et sept habitants sur dix sont privés d‘électricité.

Aung San Suu Kyi a placé l‘éducation et la santé au cœur du programme électoral de la LND.

La    LND    parviendra-t-elle    à    redistribuer    les     richesses     tirées     des     ressources naturelles majoritairement contrôlées par l‘armée, comme les mines de jade de l‘Etat de Kachin ?

Rassembler un pays divisé par les guérillas ethniques

Autre défi, de taille : un tiers de la population birmane n‘appartient pas à l‘ethnie majoritaire Bama.

Pour l‘instant la Birmanie n‘a jamais trouvé de consensus entre les différentes ethnies et religions présentes sur le territoire.

Le pouvoir central est aux prises avec 15 à 20 groupes insurgés. Un cessez-le-feu a été signé le 15 octobre avec sept d‘entre eux. Mais il faudra peut-être de nouveaux accords de Panglong pour désamorcer ces rébellions.

Autre dossier épineux : les Rohingyas, une minorité musulmane de l‘Etat de Rakhine, qui représente 2 % de la population. Considérés comme apatrides, ils sont persécutés par les nationalistes bouddhistes antimusulmans et forcés à l‘exode.