Hong Kong voit rouge

« Lors de toutes les crises graves, Hong Kong a été un lieu de refuge et un endroit où se pensait l’avenir de la Chine », rappelle Jean-Philippe BEJA. A la fin de la dynastie des Qing (au début du XXème siècle), les révolutionnaires chinois y préparèrent la chute du système impérial. Plus tard, les communistes bénéficièrent du régime de liberté de la colonie britannique après les répressions des nationalistes. Durant les périodes d’isolation maoïste, notamment la révolution culturelle (1966-1976), les China Watchers étaient basés à Hong Kong pour décrypter la situation en Chine. Malgré la rétrocession en 1997, Pékin s’était engagé à préserver le climat de liberté d’expression pour 50 ans dans le cadre de la formule « un pays, deux systèmes ».Hong Kong est le seul endroit de la Chine où est commémoré l’anniversaire des événements de Tien An Men (3-4 juin 1989). Des livres interdits en Chine continentale sont publiés à Hong Kong. En juin dernier, le Centre d’études français sur la Chine contemporaine (CEFC) et l’université de Hong Kong ont organisé deux journées d’études sur l’impact de la Révolution culturelle avec des chercheurs du monde entier. Les Presse universitaires chinoises (maison d’édition de l’université de Hong Kong)  viennent de sortir 4 volumes des écrits de Zhao Ziyang (un des principaux dirigeants réformistes des années 80, limogé après Tien An Men) qui montrent que l’ancien Premier secrétaire général envisageait de réduire l’emprise du Parti sur les institutions gouvernementales, et d’accompagner les réformes économiques par des réformes politiques. Tous ces ouvrages interdits en Chine, étaient disponibles lors du salon du livre à Hong Kong en juillet dernier.

Mais le climat s’est tendu depuis la « disparition » de 5 éditeurs et libraires du même groupe fin 2015 qui sont « réapparus » en détention en Chine. L’un d’entre eux revenu à Hong Kong encadré par des agents chinois avait pour mission de récupérer le fichier client de l’éditeur….. « Les éditeurs indépendants ont au bord de l’extinction ». Les touristes chinois n’achètent plus de livres à cause des contrôles aux frontières. Pour Xi Jinping, le parti doit reconquérir le terrain perdu et gagner la bataille idéologique contre l’Occident qui voudrait « changer la couleur de la Chine rouge », notamment avec le Mouvement des parapluies » en 2014. Pékin investit dans des médias de Hong Kong (cinéma, édition et surtout presse locale). Jack MA, patron du géant Internet chinois Ali Baba, a pris le contrôle en avril dernier du quotidien anglophone South China Morning Post (né il y a 113 ans). Depuis moins d’articles critiques de la Chine. Deux des rédacteurs en chef de Mingpao (autre périodique de référence) ont été congédiés. Depuis, les éditoriaux utilisent des éléments de langage typiques de la propagande chinoise.-

Cependant,  « Hong Kong est aussi revivifié par de nouvelles aventures éditoriales : Hong Kong Free Press (HKFP), FactWire crées avec des financements participatifs, Initium Media (données et enquêtes de fond) …. « Nous voulons proposer des informations très professionnelles … » explique son fondateur Will Cai (ancien juriste à la Cour suprême chinoise, qui a étudié à Stanford et s’est enrichi en introduisant des sociétés chinoises en bourse). « Il a toute l’ambiguïté des nouveaux patrons de Chine, épris de succès et d’idéaux, éduqué à l’occidentale et versé dans le jeu subtil des guanxi (relations haut placées : il aurait des connexions auprès de Xi JInping par son père).

03/09 – François Bougon et Brice Pedroletti –  Le Monde (extraits)