La visite en Chine du président Macron veut ouvrir une nouvelle page dans la coopération franco-chinoise.

Le voyage d’État du président français du 7 au 10 janvier 2018 a eu lieu à un moment particulièrement opportun. Il se situe pendant l’affaiblissement du leadership américain. Et sur le plan européen, la France apparaît à la Chine comme un interlocuteur important puisque, le Royaume-Uni quittant l’Europe, c’est le seul pays membre de l’UE, détenteur d’un siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU et disposant de l’arme nucléaire. De plus, et pendant les difficultés de l’Allemagne à former son gouvernement, la France est aussi la principale force de proposition d’une politique européenne. « Je suis venu vous le dire : l’Europe est de retour » a déclaré le président Macron à son arrivée en Chine. A cet égard le président Macron a plaidé pour une politique européenne cohérente sur le plan commercial alors qu’actuellement il y des stratégies pays par pays de la Chine et des divergences d’intérêt assumées par les pays européens.

Le voyage du président Macron est la première visite d’un dirigeant européen après le 19e congrès du Parti Communiste chinois qui a eu lieu du 18 au 25 octobre 2017 et qui a considérablement renforcé les pouvoirs du président Xi Jinping.

Le président Macron veut faire du président Xi Jinping son allié dans plusieurs domaines : l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique, la Chine étant le premier pollueur mondial mais aussi le premier investisseur dans les énergies renouvelables, la lutte contre le terrorisme, l’appui de la Chine à la force militaire du G5 au Sahel (après avoir obtenu celui des Etats-Unis) et un soutien au développement des énergies renouvelables, notamment en Afrique.

L’objet du voyage était aussi d’établir une relation équilibrée avec Pékin en donnant certes davantage accès aux investissements chinois en France mais, en contrepartie, en obtenant un meilleur accès au marché chinois qui est hyper-protégé. Un sujet le plus délicat est la volonté de l’UE de renforcer le contrôle des investissements stratégiques par les groupes non européens.
« L’intention de la France n’est pas de barrer la route à la Chine », a assuré le ministre des Affaires étrangères français, M. Jean-Yves Le Drian. « Mais il convient d’établir un partenariat fondé sur la réciprocité en matière d’ouverture des marchés. […] Nos interlocuteurs chinois préfèrent le mot ‘gagnant-gagnant’. Pourquoi pas, à condition que ce ne soit pas le même qui soit deux fois gagnant », a-t-il averti.

Il n’en demeure pas moins que 700 filiales d’entreprises chinoises et hong-kongaises sont établies en France et emploient 45000 personnes. En 2014 selon l’INSEE, plus de 1.800 entreprises françaises, essentiellement des grands groupes, étaient présentes en Chine, générant près de 64 milliards d’euros de chiffre d’affaires et près de 500.000 emplois. Malgré cette présence, les investissements français dans la puissance asiatique ont ralenti ces deux dernières années en raison de plusieurs facteurs. Le service économique de l’ambassade met en avant la perte de compétitivité de la France, la saturation de certains marchés et « la lassitude face aux difficultés du climat des affaires ».

Le grand projet chinois d’une nouvelle route de la soie doit, selon le président Macron, être saisi comme une chance. « Les trains qui arrivent à plein en provenance de Chine, doivent repartir à plein en direction de la Chine » a-t-il déclaré.

A-t-il obtenu des engagements de la part des Chinois dans ce sens ? Il repart avec des dizaines d’accords et de mémorandums signés, notamment dans le domaine nucléaire et l’agro-alimentaire qui certes n’effaceront pas le déficit commercial de 30 milliards d’euros mais s’inscrivent dans le long terme. Pour l’instant la Chine est le 2ème fournisseur et le 8ème client de la France.

L’un des points importants de ce voyage, sur le plan économique est la signature d’un protocole d’accord commercial pour la construction par AREVA d’une usine de retraitement des combustibles nucléaires usagé qui pourrait traiter jusqu’à 800 tonnes par an. On ignore encore le lieu d’implantation. Mais on sait que le chantier devrait débuter en 2020 et durer 10 ans. Si ce contrat est signé au printemps prochain, comme cela a été écrit, ce serait la fin heureuse de négociations qui ont duré dix ans. Ce serait une bouffée d’oxygène pour la filière nucléaire française toujours plongée dans une situation difficile. La Chine est en effet le premier marché mondial de l’atome civil avec 38 réacteurs en activité et 20 autres en construction.
Le lancement de l’EPR de Taishan a également été finalisé.

La Chine a passé commande de 184 Airbus 320 pour 13 de ses compagnies aériennes pour une livraison en 2019-2020.

A la différence des visites précédentes, le président français n’a pas évoqué les droits de l’homme, tout en disant qu’il en a parlé en privé. « Il y a des différences entre nous qui sont liées à notre histoire, à nos philosophies profondes, à la nature de nos sociétés. Donner des leçons à la Chine, ça c’est beaucoup fait. Cela n’a donné aucun résultat.», a expliqué le président Macron mardi soir lors de la déclaration commune aux côtés de son homologue chinois Xi Jinping.

La France pourra-t-elle rééquilibrer ses relations avec le titan chinois ? Rien n’est moins sûr. « Je crains que la bataille soit déjà perdue » aurait confié le président Macron à quelques journalistes.