La Corée du sud s’efforce de lutter contre la corruption.

Il semble qu’une malédiction frappe les présidents de la Corée du sud.

Chacun des quatre anciens présidents sud coréens encore en vie a été soit condamné pour corruption, soit mis en examen et attend en prison la fin de l’enquête ou la décision judiciaire pour des affaires de corruption.

A la mi-mars 2018 un tribunal à Séoul a commencé le procès de trois dirigeants des services de renseignement coréens qui sont accusés d’avoir transféré 4 milliards de wons ( 3 millions d’euros) du service national de renseignements au bureau de l’ancienne présidente Mme Park Geun-hye. Celle-ci a été destituée en 2017 dans une affaire que l’on a appelée le « Choi gate » du nom de sa confidente qui a reçu des libéralités pour un total de 60 millions d’euros de 52 groupes industriels dont le plus important est Samsung. Au terme d’un procès qui a duré un an, Mme Park vient d’être condamnée le 6 avril 2018 à 24 ans de prison.

Le 14 mars dernier, des procureurs ont arrêté M. Lee Myung-bak, un ancien président qui est inculpé pour avoir reçu 11 milliards de wons (8,2 millions d’euros) de pots de vin versés par différents chaebols, (les grands groupes privés coréens) et par le service de renseignement (national intelligence service). Il est en outre accusé d’avoir dissimulé que, pendant son mandat, il était propriétaire de la société DAS qui fabrique des pièces détachées automobiles et qui est un fournisseur de Hyundai. Il est accusé de détournement de fonds, d’abus de pouvoir et de dissimulation de documents officiels. Il risque de terminer ses jours en prison puisqu’il est âgé de 76 ans et est passible de 45 ans de réclusion.

De plus deux autres anciens présidents des années 80 et 90, M. Chun Doo-wan et Roh Tae-woo, qui auparavant étaient des généraux, furent, sous le mandat de leur successeur, reconnus coupables d’avoir reçu des pots-de-vin versés par des chaebols. Trois autres présidents, maintenant décédés, ont été compromis dans des scandales de corruption. Parmi eux, Roh Moo-hyun qui, un an après avoir quitté la présidence, s’est suicidé après avoir été accusé d’avoir reçu des pots-de-vin d’un industriel par l’intermédiaire de sa femme et d’autres membres de sa famille.

Bien entendu la plupart des anciens présidents inculpés se sont empressés de déclarer que ces accusations ont été portées par leur successeur ou des adversaires politiques et n’ont pour objectif que de les discréditer vis-à-vis de l’opinion. Cela pourrait expliquer l’attitude étrange de Mme Park – la première femme à devenir présidente de la Corée du sud – qui a refusé de coopérer avec les procureurs, ne s’est pas présentée aux audiences ce qui, en fin de compte, a aggravé son cas et a accéléré sa destitution.

Ce n’est pas une malédiction qui frapperait les anciens chefs d’État sud coréens. Cette accumulation de cas de corruption au plus haut niveau de l’État est révélatrice d’un système généralisé qui corrompt tous les échelons de l’administration. « Demander de l’argent aux dirigeants des chaebols en échange de faveurs politiques, était une pratique courante jusqu’à une date récente. » déclare Kang Won-taek de l’université nationale de Séoul. L’absence de contrôles économiques et financiers et de « checks and balances » comme dans la plupart des démocraties, a encouragé les hommes politiques à confondre leur intérêt personnel avec celui de l’État.

Quelques procès très visibles, quelques condamnations à des peines lourdes ne suffiront pas. C’est toute une culture qu’il faut éradiquer. C’est ce à quoi s’emploie le nouveau président sud coréen Moon Jae-in dont l’une des promesses électorales était de mettre un terme à l’impunité de l’establishment politique et de rompre les liens trop étroits entre la politique et les affaires.

Y réussira-t-il ? Ce n’est pas certain tant les hommes politiques résistent à tout changement des règles. Ainsi un projet de réforme constitutionnelle visant à limiter les pouvoirs de la présidence a peu de chances d’être adopté par l’Assemblée Nationale où une majorité des deux tiers est requise, car l’opposition est contre, déclarant qu’une réforme constitutionnelle est une affaire trop sérieuse pour être initiée par la présidence. De même le projet de loi visant à créer une agence spéciale chargée de poursuivre les infractions commises aux niveaux les plus hauts de l’État, est en panne à l’Assemblée depuis plus d’un an. Si bien que l’on peut se demander si des peines de prison, même élevées, à l’encontre de Mme Park et des anciens présidents changeront les pratiques qui prévalent en Corée du sud.

Jean-Christian Cady