L’Australie se tourne vers l’Europe.
L’Australie est une partisane fervente du libre-échange et du multilatéralisme. En ces temps agités où, à l’initiative des Etats-Unis, le protectionnisme fait de nouveau son entrée dans les relations internationales et où une guerre commerciale est sur le point de commencer entre les Etats-Unis et l’Europe mais aussi avec la Chine et d’autres Etats du continent américain, l’Australie défend le multilatéralisme et le libre-échange. C’est ce que Steven Ciobo, le ministre australien du commerce, du tourisme et de l’investissement plaidait le 4 juin à la conférence des 37 pays de l’OCDE à Paris, conférence qui avait été ouverte par le président Emmanuel Macron.
L’Australie a entamé en mai 2018 des négociations pour établir une zone de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne. Cette démarche se fait après que le président Trump ait décidé en février 2017 de retirer les Etats-Unis du TPP (Trans Pacific Partnership), traité dont ils avaient pourtant initié les négociations en 2008 et qu’ils avaient signé le 4 février 2016. Il est à noter également qu’après ce retrait les autres membres du TPP (Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam) ont pris l’initiative d’un nouveau traité sans les Etats-Unis. Ce nouveau traité, qui a pris le nom de Comprehensive and Progressive Agreement to Trans-Pacific Partnership (CPTPP) a été signé en mars 2018 et reprend l’essentiel de ce qui figurait dans le TPP, sauf la propriété intellectuelle des produits pharmaceutiques, point qui figurait dans l’accord précédent à la demande des Etats-Unis.
Pour partisan de l’abolition des frontières douanières qu’il soit, le ministre australien ne nie pas que le libre-échange peut provoquer des dégâts dans les industries nationales. Ainsi ont disparu les automobiles Holden qui étaient un fleuron de l’industrie australienne. Elles existaient depuis 1908 et étaient devenues en 1931 une filiale de General Motors mais n’ont pas résisté à la concurrence japonaise et coréenne. La seule unité de production, l’usine de Melbourne a été fermée en octobre 2017.
Le gouvernement australien a réussi à convaincre les Etats-Unis de ne pas imposer de droits de douane sur l’acier et l’aluminium, invoquant le caractère ouvert de son économie. Il est vrai aussi que le marché américain représente 1 % des exportations australiennes d’acier et 1,5%des exportations d’aluminium. Ce n’est pas les Etats-Unis qui sont le premier partenaire commercial de l’Australie mais la Chine et ensuite l’Europe.
L’Australie a actuellement en vigueur un certain nombre d’accords de libre-échange qui ont permis de réduire ou d’éliminer des barrières douanières. Ils sont les suivants :
avec la Nouvelle-Zélande (1er janvier 1983)
– Singapour (2003)
– Thaïlande (2005)
– Chili (2009)
Un accord multilatéral avec l’ASEAN, Australie-Nouvelle-Zélande (AANZFTA) comprenant 8 pays du sud-est asiatique (Brunei, Burma, Malaisie, Philippines, Singapour, Vietnam, Thaïlande, Laos, Cambodge, Indonésie) conclu entre 2010 et 2012.
Et plus récemment des accords bilatéraux avec la Malaisie (2013) et la Corée (2014), le Japon (2015), la Chine (2015) et le Pérou (2018).
L’Australie fait valoir que sa position géographique est un atout pour l’accès au marché asiatique par les entreprises européennes. De son côté, le conseil des ministres de l’Union européenne a, le 22 mai 2018, approuvé le projet de la commission européenne d’ouverture de négociations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour un accord de libre-échange. Avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, la Commission souhaite passer un « accord de nouvelle génération », à l’instar de ceux qu’elle a signés récemment, ou qui sont en passe de l’être, comme avec le Canada (CETA), le Japon (JEFTA) ou le Mexique. Ces accords de nouvelle génération s’attachent non seulement à supprimer les droits de douanes, mais également les obstacles « non tarifaires ». Ces derniers concernent notamment les différences de réglementation sur un bien ou un service, que le traité de libre-échange permet d’harmoniser. En multipliant ces accords, l’UE veut ainsi envoyer un signal fort au reste du monde : elle résiste au protectionnisme, relancé par l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, et promeut un système de normes exigeantes.
Selon les chiffres de la Commission portant sur l’année 2017, l’Australie est le 18e partenaire commercial de l’UE en valeur pour les marchandises, tandis que l’UE le 2e partenaire commercial de l’Australie après la Chine. La Nouvelle-Zélande est, quant à elle, le 50e partenaire commercial de l’UE, alors que pour la Nouvelle-Zélande l’UE est le troisième partenaire commercial après la Chine et l’Australie. L’UE exporte majoritairement des produits manufacturés, tandis que l’Australie vend aux Européens des produits miniers et agricoles.
Les difficultés de ces négociations devraient porter sur les produits agricoles, le bœuf et les produits laitiers, comme c’est déjà le cas s’agissant des négociations entre l’UE et le Mexique et le Mercosur. Des périodes de transition plus longues pour la libéralisation des produits sensibles sont donc envisageables.
L’annonce de ces négociations est un signal « qui rappelle au reste du monde l’importance que l’UE attache à l’ouverture, au libre-échange et à la coopération mondiale », s’est félicité le ministre bulgare de l’Economie, Emil Karanikolov, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE.
Jean-Christian Cady