Accord entre la Chine et le Vatican au sujet de la nomination des évêques
Le 22 septembre 2018, M.Wang Chao, Vice-Ministre chinois des Affaires Etrangères et Mgr Antoine Camilleri, secrétaire d’Etat adjoint du Saint-Siège ont signé un accord au sujet de la nomination des évêques en Chine. L’application de ce texte, qualifié de « provisoire », fera l’objet d’un réexamen périodique. L’accord devra mettre fin à ce qui s’apparente à une situation schismatique. En effet depuis 1957 les catholiques chinois sont divisés en deux églises : une église officielle contrôlée par le pouvoir politique, l’Association patriotique des catholiques chinois, qui n’est pas reconnue par Rome et une église clandestine que ne reconnait pas le gouvernement de Pékin. Le gouvernement de Pékin a nommé sept évêques qui n’ont pas reçu l’agrément pontifical. Il a mis en place aussi une conférence épiscopale de l’église officielle.
Le détail de l’accord n’est pas connu. Selon certaines informations, il stipule que le gouvernement chinois proposera un candidat pour un siège épiscopal, qui sera ensuite soumis à l’approbation de la curie romaine. En fait les deux pouvoirs devront se mettre d’accord à l’avance ce qui pourrait donner lieu à des marchandages tendus. Peu après la signature de l’accord, le pape a rendu publiques deux décisions qui vont, elles aussi dans le sens de l’apaisement. En premier lieu il a levé l’excommunication des sept évêques nommés sans mandat pontifical. En second lieu il a reconnu officiellement l’existence d’un diocèse créé en 1955 par Pékin sans l’agrément de Rome, le diocèse de Chengde dans le Hebei. L’accord est le résultat de longues discussions. Dès le début de son pontificat, le pape François s’est efforcé d’améliorer les rapports avec la RPC. Il avait écrit à Xi Jinping trois jours après l’élection de ce dernier à la présidence de la République le 14 mars 2013. Une première réunion entre des représentants de la secrétairerie vaticane et du gouvernement chinois eut lieu en juin 2014. Elle fut suivie de plusieurs autres rencontres à Rome et à Pékin.
L’accord du 22 septembre a donné lieu à des opinions contrastées. M. Greg Burke, chef du bureau de presse du Vatican, a déclaré que « l’objectif de l’accord n’est pas politique mais pastoral car il permet aux fidèles d’avoir des évêques en communion avec Rome et en même temps reconnus par les autorités chinoises ». Dans le même sens le Secrétaire d’Etat, le cardinal Pietro Parolin, a rappelé que « le but de l’accord est d’aider les églises locales à jouir de meilleures conditions de liberté, d’autonomie et d’organisation afin qu’elles puissent se consacrer à la mission d’annoncer l’Evangile ». Le père Vermander, un jésuite enseignant à université Fudan de Shanghai, considère que l’accord « était indispensable car continuer sans rien changer revenait à entériner les divisions entre les évêques ».
Par contre certains prêtres et des laïcs appartenant au courant conservateur sont beaucoup plus réservés. Le cardinal Joseph Zen, ancien archevêque de Hong Kong, se montre particulièrement virulent. Il n’hésite pas à déclarer : « Les catholiques chinois se sentent trahis. Le gouvernement, qui a toujours réprimé l’Eglise clandestine, le fait désormais avec l’aide du Saint-Siège ». Il ajoute : « Certains (catholiques) ont souffert en restant souterrains et fidèles au pape sans se compromettre avec l’Association patriotique de l’Eglise officielle ; certains ont été menacés ou sont allés en prison. Et maintenant on leur dit de sortir au grand jour, que leur sacrifice n’a servi à rien ».
La Chine compte entre 10 et 12 millions de catholiques (il y a environ 100 millions de chrétiens). Cinq mille églises et chapelles ont été inaugurées ou rendues au culte depuis 1990. L’on dénombre 138 diocèses dont plus de la moitié sont sans titulaire. 70 évêques sont enregistrés dont 90% reconnus par Rome. Il y a 2200 prêtres, 1300 séminaristes et 3000 religieuses. L’on connait mal les effectifs de l’église souterraine ; selon les estimations des experts, elle compterait une trentaine d’évêques, 800 séminaristes, 2000 religieuses et plusieurs centaines de prêtres. Dans une interview donnée à la Croix, un prêtre de Hong Kong a indiqué que 30% des catholiques chinois ont toujours refusé l’autorité politique du parti communiste.
Depuis 2008, le gouvernement chinois a durci sa politique vis-à-vis des confessions religieuses et plus particulièrement vis-à-vis des églises chrétiennes. Des décrets interdisent les dons faits aux églises par des associations étrangères et restreignent le droit d’ouvrir des écoles confessionnelles. Les autorités ont dissout l’une des plus importantes organisations protestantes non officielles, l’Eglise de Sion. Plusieurs églises ont été détruites au Zejian et au Henan où sont concentrées d’importantes communautés catholiques, des croix ont été enlevées des bâtiments ecclésiastiques, des prêtres n’appartement pas à l‘église officielle ont été arrêtés et des évêques placés en résidence surveillée.
L’accord sur la nomination des évêques devrait introduire une certaine détente dans les relations entre l’église catholique et les autorités de la RPC. Cependant bien des questions litigieuses restent en suspens. Que deviendront les évêques reconnus par Rome mais non par Pékin? Quelle place sera faite dans le nouveau dispositif à l’Association patriotique et à la conférence épiscopale de l’église officielle ? Enfin se pose le problème des relations avec Taïwan où le Saint-Siège entretient encore une représentation diplomatique. Si l’on considère le nombre et l’importance des questions non réglées, on ne peut que donner raison à M. Greg Burke qui affirme que « l’accord du 22 septembre n’est pas la fin d’un processus mais le début ».
Jean-Michel Dasque