Le référendum du 4 novembre en Nouvelle-Calédonie.

Le référendum sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté prévu par l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 s’est déroulé le 4 novembre 2018. La participation a été exceptionnellement élevée : 141099 électeurs ont voté sur 174999 inscrits soit un taux de participation de 80,6%. La participation avait été de 74,2% lors de la consultation sur l’accord de Nouméa et de 68% aux élections provinciales du 11 mai 2014. Le vote en faveur du non c’est-à-dire du refus de l’indépendance a été moins massif que les sondages le laissaient prévoir ; il a atteint 56,4% des suffrages exprimés.

Le scrutin s’est déroulé dans le calme et personne n’a contesté le résultat. Cependant les partis indépendantistes, confortés par la forte mobilisation de leurs partisans, voudraient organiser, comme l’accord de Nouméa en donne la possibilité, un référendum dans deux ans et, si l’option de l’indépendance est encore rejetée, un troisième dans quatre ans. « Nous considérons que ce référendum est un galop d’essai, a dit M Roch Wamytau, président du groupe Union Calédonienne-Front de Libération Kanak et Socialiste. Il y aura d’autres rendez-vous et nous comptons bien convaincre le peuple calédonien la prochaine fois ». M. Daniel Goa, président de l’Union Calédonienne, tient des propos similaires. Il déclare : « Dès le 5 novembre commence la deuxième mi-temps jusqu’en 2020 puis de 2020 à 2022, s’il faut une prolongation ». En revanche les partis loyalistes préféreraient faire l’économie de nouvelles consultations.

Mme Sonia Backès, présidente des Républicains calédoniens, considère que la perspective de deux autres scrutins risque « de déstabiliser la Nouvelle-Calédonie pour les quatre prochaines années ». Le sénateur Pierre Frogier, du « Rassemblement », a exprimé l’intention de déposer devant l’assemblée du Luxembourg une proposition visant à supprimer la possibilité d’organiser de nouveaux référendum d’ici 2022. Certains des représentants des formations centristes ont des positions moins rigides. S’ils jugent superflu de convoquer de nouvelles consultations, ils ne souhaitent pas rompre tout contact avec les partis indépendantistes. Pour Philippe Michel, secrétaire général de Calédonie ensemble, « il est impératif d’entretenir le dialogue parce que s’il y a une chose que démontre un résultat 56-44, c’est bien qu’il faut continuer à discuter les uns avec les autres si on veut continuer de vivre en paix ».

Le gouvernement français était resté neutre pendant la campagne électorale et s’était surtout occupé d’assurer le bon déroulement du scrutin. Le 4 novembre dans une intervention télévisée, le président Macron a salué le résultat du référendum comme « une marque de confiance en la République » et exprimé sa « fierté que la majorité des Calédoniens aient choisi la France ». Il a ajouté : « Le seul vainqueur, c’est le processus en faveur de la paix qui porte la Nouvelle-Calédonie, depuis trente ans, c’est l’esprit de dialogue…. Il n’y a pas d’autre chemin que celui du dialogue ». Le chef de l’Etat s’est toutefois gardé d’évoquer la question de nouveaux référendums. Au cours d’une brève visite le 5 novembre à Nouméa, le premier ministre, Edouard Philippe, a insisté sur « la nécessité de maintenir le climat de concorde qui a prévalu jusqu’ici ». Il a rencontré les leaders des partis politiques qu’il réunira à Paris en décembre « pour tirer collectivement les leçons du référendum.

L’épreuve constituée par le référendum a été passée avec un relatif succès mais il reste encore beaucoup à faire. En Nouvelle-Calédonie les groupes politiques et ethniques campent sur des positions dans l’ensemble tranchées. Le référendum a montré que le sentiment identitaire n’avait pas diminué au sein de la communauté mélanésienne et que la majorité des Kanaks soutenaient l’option indépendantiste, même si dans l’esprit de certains, l’accession à la souveraineté devrait s’accompagner d’un partenariat avec la France. Les partis de droite et du centre sont d’accord pour rejeter la solution de l’indépendance mais ils sont parfois divisés sur la tactique à adopter.

Alain Christnacht, l’un des négociateurs des accords de Matignon et de Nouméa, craint que dans le contexte des élections provinciales de mai 2019, des éléments radicaux fassent de la surenchère et provoquent des troubles. Quelle que soit sa bonne volonté, le gouvernement aura des difficultés pour trouver une formule de compromis acceptable par toutes les parties. En outre l’exécutif devra s’attaquer aux questions économiques et sociales, qui, comme l’a reconnu Edouard Philippe, ont été un peu perdues de vue au cours des trente dernières années. Il conviendrait de diminuer la dépendance vis-à-vis du nickel, de réformer le système de distribution contrôlé par un petit groupe de familles monopolistiques, de lutter contre la vie chère, d’améliorer l’autosuffisance alimentaire, de rééquilibrer la répartition de la richesse qui est largement concentrée dans la province du sud. Le référendum donne un sursis qui devrait permettre aux responsables, français et calédoniens de réfléchir sur l’avenir du « Caillou ». Néanmoins, il ne faut pas se faire d’illusions, les problèmes ont été repoussés mais ils n’ont pas été résolus.

L’Australie, qui est le plus proche voisin de la Nouvelle Calédonie et qui a un consulat général à Nouméa, suit avec attention les développements politiques de l’archipel. Elle a voulu tout au long de la campagne électorale, maintenir une position de neutralité, même si en réalité elle préfère que ce territoire reste français. C’est en effet pour elle une garantie de stabilité. L’indépendance accordée en 1980 à l’ancien condominium franco-britannique des Nouvelles Hébrides, devenu le Vanuatu a accru les facteurs d’instabilité dans les îles du Pacifique sud.

Le ministre des affaires étrangères de l’Australie, Mme Payne a envoyé le 5 novembre un message de félicitations au peuple de Nouvelle Calédonie, reconnaissant l’importance de leur décision de continuer à faire partie de la France et assurant la Nouvelle Calédonie et la France que l’Australie demeurera un allié et un partenaire sûr, et notamment au sein du Forum des îles du Pacifique dont la Nouvelle Calédonie est un membre à part entière.

Jean-Michel Dasque et Jean-Christian Cady