Réunion du QUAD avec le président Biden dans le Pacifique
Le président Biden est en Asie de l’Est pour rencontrer ses alliés régionaux, arrivant à Tokyo le dimanche 22 mai après une étape à Séoul pour s’entretenir avec le président Yoon Suk-yeol, nouvellement élu. A cette occasion, il a annoncé qu’il accepterait de rencontrer Kim Jung-un « si ce dernier est sincère », alors même qu’un nouvel essai nucléaire n’est pas exclu et que deux missiles balistiques ont été lancés le 25 mai[1]. Cette déclaration est une surprise après le peu de succès de son prédécesseur Trump qui avait cru obtenir à bon compte un triomphe diplomatique – voire un prix Nobel… Le président est ensuite parti pour Tokyo pour une série d’entretiens entre dirigeants du QUAD (Australie, Inde, Japon, USA).
A l’occasion d’un entretien, le lundi 23 mai, avec le Premier ministre japonais Fumio Kishida, le président Biden a affirmé que des forces américaines défendraient Taiwan si la Chine tentait de s’en emparer par la force. « Nous avons accepté la politique d’une Chine unique, nous l’avons signé, mais l’idée que (Taiwan) puisse être prise de force n’est pas acceptable, cela disloquerait la région entière et serait une autre action similaire à (celle se produisant en) Ukraine ». Interrogé sur l’implication militaire des Etats-Unis, il a confirmé son affirmation et déclaré qu’il s’agit d’un engagement de son pays[2].
Biden a lié les destinées de l’Ukraine et de Taiwan en rappelant que les sanctions à l’encontre de la Russie doivent avoir de dures répercussions à long terme parce qu’autrement « quel serait le signal transmis à la Chine sur le coût d’une tentative de s’emparer de Taiwan par la force ? », alertant que, déjà, Beijing « flirte avec le danger » avec ses sorties proches du survol[3] et ses manœuvres navales. La Chine a annoncé le 25 mai avoir procédé à des manœuvres navales et aériennes autour de Taiwan « en tant qu’avertissement solennel contre sa collusion avec les Etats-Unis ».[4]
Ces déclarations ont reçu la réplique ordinaire de Beijing, selon laquelle « Taiwan est une partie inaliénable du territoire de la Chine » et que « nul ne doit sous-estimer la ferme résolution, la volonté tenace et les capacités puissantes du peuple chinois pour défendre la souveraineté nationale et l’intégrité de son territoire »[5].
Le Premier ministre Kishida a appelé à la stabilité dans le détroit et annoncé une augmentation des dépenses de défense, sujet pourtant épineux sur l’archipel, d’autant qu’il n’a écarté aucune option « y compris l’acquisition de moyens de contre-attaque »[6], [7]. Il a rappelé l’engagement du Japon conformément au « Taiwan Relations Act » pour « aider à fournir à Taiwan les moyens de se défendre ». Comme dans la position de l’Union européenne dans le conflit ukrainien, cette fourniture d’armes n’entraîne pas automatiquement de belligérance, si du moins Beijing choisit de ne pas étendre le conflit.
Biden doit se concerter avec les dirigeants des autres pays du Quad : le Premier ministre Anthony Albanese d’Australie[8] (travailliste qui succède à Scott Morrison, libéral à l’origine de l’abandon des sous-marins français) et le Premier ministre Narendra Modi[9] de l’Inde, qui ne condamne pas la Russie pour son invasion de l’Ukraine en raison des forts liens économiques et militaires qui l’attachent à la Russie, depuis les options prises par Nehru, confortées jusque récemment par l’engagement américain au côté du Pakistan. Depuis la fin de la Guerre froide, les relations entre Washington et New-Delhi se sont renouées, l’Inde achetant même certains équipements militaires aux Etats-Unis, mais l’Inde conserve une volonté d’indépendance stratégique qui lui interdit de basculer pleinement dans le camp occidental. Le dialogue est toutefois engagé, et l’un des hauts conseillers de Joe Biden en matière de sécurité, Daleep Singh, a même servi d’intermédiaire[10].
Denis LAMBERT
[1] https://www.politico.com/news/2022/05/24/north-korea-launches-ballistic-missiles-00034944 du 24 mai 2022.
[2] Sebastian SMITH et Tomohiro OSAKI, 23 mai 2022, https://www.sinodaily.com/reports/Biden_vows_military_defence_of_Taiwan_if_China_invades_999.html
[3] Pénétration de l’espace de contrôle aérien de l’île, mais sans survol du territoire terrestre.
[4] Reuters, https://www.malaymail.com/news/world/2022/05/25/china-says-it-conducted-military-exercise-around-taiwan-to-warn-us/8713 du 25 mai 2022.
[5] AFP, 23 mai 2022, https://www.sinodaily.com/reports/China_warns_Biden_not_to_underestimate_resolve_on_Taiwan_999.html
[6] Sebastian SMITH et Tomohiro OSAKI, 23 mai 2022, https://www.sinodaily.com/reports/Biden_angers_China_with_vow_to_defend_Taiwan_999.html
[7] Cf article de l’auteur sur les moyens navals du Japon, sur ce site, en particulier sur les « destroyers porte-hélicoptères » Hyuga, Kaga et Izumo.
[8] https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/05/24/readout-of-president-bidens-meeting-with-prime-minister-albanese-of-australia/
[9] Indian PM Modi-US President Jo Biden bilateral meeting in Tokyo / Japan News du 24 mai 2022, https://www.youtube.com/watch?v=9KkONngzOJc
[10] https://www.rtbf.be/article/echange-entre-joe-biden-et-narendra-modi-sur-fond-de-flottement-autour-de-l-ukraine-10973260 du 11 avril 2022.