Xi Jinping renforce ses pouvoirs

Le 24 octobre, le nom de Xi Jinping a été inscrit dans la charte du Parti communiste chinois, un honneur réservé jusqu’ici à Mao Tsé-toung (au pouvoir de 1949 à 1976), fondateur du régime, et à Deng Xiaoping (1978-1992), grand artisan des réformes économiques. L’objectif de Xi Jinping est de renforcer son rôle à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Pékin vient de vivre un remaniement quasi complet de ses instances dirigeantes. Le président chinois, au faîte de son pouvoir, n’a pas nommé de dauphin, mais il a placé plusieurs de ses protégés au sein du Politburo.

La nouvelle composition du Politburo et de son Comité permanent, les deux instances au sommet du pouvoir en Chine, a été révélée le 25 octobre à l’issue du 19e congrès du Parti communiste. Le Comité permanent a subi l’un des plus importants remaniements de son histoire avec le remplacement de cinq de ses sept membres. Seuls le président Xi Jinping et son premier ministre Li Keqiang ont conservé leur place.

Parmi les cinq nouveaux, un seul, Li Zhanshu, est un allié de l’homme fort de Pékin. Ces dernières années, il lui a servi de chef d’état-major, prenant en charge certaines visites diplomatiques sensibles. Il s’est par exemple rendu à Moscou en avril pour rencontrer Vladimir Poutine. Il prendra vraisemblablement la tête du parlement.

La composition du nouveau Comité permanent livre quelques pistes quant aux projets de Xi Jinping pour les cinq ans à venir. Il a choisi de privilégier la continuité et la stabilité, tout en faisant des concessions aux autres factions au sein du parti, sans doute par souci de ne pas mettre en péril les institutions sur lesquelles repose tout son pouvoir. Mais il a aussi omis de désigner un successeur au sein du Comité permanent, comme le voudrait la tradition. Cela lui permettra de régner sans partage, sans avoir à craindre que son dauphin ne lui vole la vedette

Il a par contre nommé plusieurs de ses protégés au Politburo, qui comporte 25 membres. Il passera les cinq prochaines années à les observer se livrer une lutte acharnée et choisira le meilleur d’entre eux pour lui succéder en 2022, pensent les experts de la Chine. A moins qu’il ne décide d’accomplir lui-même un troisième mandat, ce qui irait à l’encontre de toutes les normes.

Le Politburo annoncé mercredi comporte quatre membres nés dans les années 60 ou juste avant, la cohorte dont sera vraisemblablement issu le prochain leader chinois. Celui qui figure en pole position est Chen Miner, 57 ans. Considéré comme un protégé du président, il a œuvré à ses côtés dans la province du Zhejiang au début des années 2000. Il a par la suite fait ses preuves en tant que chef du Guizhou, une région pauvre et rurale qu’il a transformée en hub pour les data centers. Cet été, il a été nommé à la tête du Chongqing, après la spectaculaire chute de Sun Zhengcai, un possible successeur de Xi Jinping pris dans les filets de la campagne anti-corruption de ce dernier.

Ding Xuexiang, 55 ans, est un autre protégé du président chinois. Ils se sont rencontrés lorsque ce dernier était en charge du parti à Shanghai. Li Qiang, 58 ans, qui tient les rênes de la dynamique province côtière du Jiangsu et a lui aussi œuvré aux côtés de Xi Jinping dans le Zhejiang, est considéré comme le troisième candidat au poste de président en 2022. Le nom d’un quatrième homme circule aussi. Mais Hu Chunhua, 54 ans, est un proche de l’ex-président Hu Jintao, ce qui restreint ses chances de succéder à Xi Jinping. Il dirige actuellement la province du Guangdong, le poumon manufacturier du pays.

Outre ces dauphins potentiels, le Politburo comporte 11 proches du président. Parmi ceux-ci figurent le maire de Pékin, Cai Qi; le chef adjoint de la propagande, Huang Kunming, et le patron de la province du Liaoning, Li Xi. Cette instance dirigeante comprend en outre Liu He, un conseiller économique de Xi Jinping. Formé à Harvard, il est considéré comme l’auteur de la politique macroéconomique de la Chine.

Le président chinois doit affronter d’immenses défis dans les cinq années à venir. Le premier d’entre eux : relancer l’économie du pays, qui tourne au ralenti ces dernières années (6,7% en 2016 contre 10,6% en 2010 selon la Banque Mondiale.

L’Union européenne et les États-Unis accusent régulièrement Pékin de favoritisme envers ses champions nationaux et de protectionnisme, multipliant les enquêtes commerciales à son encontre.

Dans le domaine social, la volonté réformiste du président chinois se fracasse elle-aussi sur le mur des réalités. Xi Jinping a beau affirmer vouloir lutter contre les inégalités sociales, la Chine reste l’un des pays les plus inégalitaires au monde.

Très ambitieux à l’intérieur, Xi Jinping n’entend pas abandonner la scène internationale. « L’objectif est d’être la première puissance mondiale en 2050. La Chine ne veut pas imposer ses valeurs : elle se perçoit comme le centre du monde et veut le montrer. Pour y arriver, le président a promis de hisser l’armée chinoise au premier rang mondial d’ici une trentaine d’années et de poursuivre sa stratégie diplomatique offensive, notamment en Asie, où le pays a considérablement étendu son influence.

Le Temps et Europe 1

26 octobre 2017