« Colombia: los pilares de la tierra »

Le Président Juan Manuel Santos considère que la clé de voûte des négociations engagées par son gouvernement avec la guérilla des FARC à Cuba est de signer la paix dans un esprit de justice. Santos chemine délibérément vers un nouveau modèle d‟accord.

La Colombie est un pays riche, mais qui s‟est construit sur une exclusion sociale, avec une séparation dramatique entre de grands propriétaires féodaux de la terre et une capitale, Bogota qui a un système fiscal quasi européen. Et fait unique, au moins dans la région, c‟est qu‟elle a connu 50 ans de guerre civile ininterrompue.

Plus de 200 000 personnes sont mortes dans le conflit. Les affrontements trouvent leur origine dans la répartition des terres dont seulement 21% sont enregistrés. La question de la terre est à la base des négociations  si  on  veut  garantir  la  réussite  du  développement  social.  La  réforme  agraire  est  la condition du succès des négociations et de la construction d‟une nouvelle histoire pour la Colombie. Les grands propriétaires terriens de même que les chefs de gangs du narco trafic, comme Pablo Escobar, qui ne furent jamais des « Robin des Bois » doivent disparaître avec la fin de la guerre civile.

Plus de 5 millions d‟hectares de terres ont été laissées en friches et plus de 6 millions de personnes ont été déplacées dans les 20 dernières années.

Dans la négociation, le fait de placer face à face, les combattants des deux camps   qui hier encore s‟affronter, est un système de négociation inhabituel pour un processus de paix, retiré des mains des politiques et des médiateurs habituels. Mais le succès de l‟opération dépendra en grande partie de la prise en compte des victimes.

De même, le fait de nommer un Ministre de « l‟Après conflit », comme le Général Naranjo, montre une rare capacité d‟anticipation. Mais le plus impressionnant est de résoudre, pour la première fois, le problème prioritaire qui englobe tous les autres : cesser de prendre la terre comme prétexte de l‟injustice sociale qui explique la violence dont ont souffert les Colombiens. Ce projet, réellement le premier au XXIème siècle, présente une autre particularité : jamais dans les tentatives de paix antérieures avec les FARC (qui ont échoué), il n‟y a eu cet esprit de conciliation qui permet aujourd‟hui d‟entrevoir les conditions de la réussite.

A La Havane, non seulement un accord de paix définitif va être conclu entre les militaires, l‟Etat colombien  et  les  FARC,  mais  encore  pour  la  première  fois,  la  guérilla  ne  veut  pas  détruire  la Constitution, mais appliquer celle de 1991 qui prévoit un statut de l‟opposition.

Aujourd‟hui, dans le gouvernement, il sera plus dangereux d‟être Ministre de l‟Agriculture que Ministre de la Défense ou Ministre de l‟Intérieur pour une raison simple : si Santos ose s‟attaquer au problème de la terre et la donner à son peuple, alors, oui, il aura établi la paix.

08/03 – Antonio Navalón – El País