Un congrès «à l’ancienne» en guise de sacre pour Kim Jong-un
Le congrès qui s’est ouvert vendredi 6 mai à Pyongyang doit en effet servir de couronnement au jeune dirigeant. Kim Jong-un, 33 ans, est à la tête du pays depuis quatre ans. Quatre ans de purge pour évincer ses rivaux au sein de l’appareil, et derrière lui un essai nucléaire souterrain et plusieurs tests de missiles balistiques. Le jeune dirigeant a le doigt sur le bouton atomique. A tout moment il pourrait procéder à un nouvel essai pendant le congrès, laissent entendre les services secrets sud-coréens.
Une politique de dissuasion nucléaire qui n’est pas sans conséquence. Suite à l’essai souterrain du 6 janvier dernier, et à la mise en orbite d’un satellite, le Conseil de sécurité de l’ONU, allié chinois compris, a voté de nouvelles sanctions. Ce renforcement de l’embargo contribue à isoler un peu plus la Corée du Nord. La liste des invités à ce congrès s’en trouve donc forcément diminuée. Selon les médias officiels chinois, la délégation de Pékin aurait été réduite a minima. Lors du 70e anniversaire du Parti des travailleurs de Corée en octobre dernier, le régime chinois avait envoyé à Pyongyang l’un des 7 membres du comité permanent du bureau politique du parti communiste chinois.
Campagne des « 70 jours »
Le grand frère chinois ne valide plus les successions chez l’allié nord-coréen et la dynastie des Kim n’a plus besoin de simuler l’obtention d’une permission de Pékin à chaque passage de témoin. C’est aussi une question de « face » pour les autorités chinoises. Suite à l’essai nucléaire de janvier dernier, une partie de l’opinion publique en Chine comprendrait difficilement l’envoi d’une délégation prestigieuse. Les diplomates chinois pourraient donc assister au sacre de Kim Jong-un depuis leur ambassade. Une situation qui contraste avec le précédent congrès. En 1980, Pyongyang avait vu débarquer des représentants de tout l’ex-bloc de l’Est. 177 délégations venues de 118 pays étaient présentes au passage de relais entre Kim Il-sung et Kim Jong-il.
Byongjin ou « double poussée »
Après la doctrine du Juche (marxisme-léninisme teinté de nationalisme) prônée par Kim Il-sung, après le Songun (l’armée d’abord) de Kim Jong-il, Kim Jong-un défend la stratégie dite du « Byongjin » (développement parallèle de l’armée et de l’économie). Là encore la doctrine date des années soixante : « Le Byongjin ou la double poussée consiste à mener de front l’essor technologique et nucléaire, mais également sur l’économie et sur le bien-être du peuple. La doctrine remonte à l’âge d’or de la Corée du Nord, une époque regardée avec beaucoup de nostalgie par les Nord-coréens, y compris par la jeunesse qui en a entendu parler par les parents et les grands-parents. Et tout ça est exalté ! Voilà pourquoi Kim Jong-un tient absolument à se mettre dans les pas de Kim Il-sung. »
Réformes économiques
La phrase est restée célèbre au sein de l’opinion publique nord-coréenne. Dans un discours du 15 avril 2012, soit quatre mois après la mort de son père, Kim Jong-un a promis que « le peuple n’aurait plus jamais à se serrer la ceinture ». Un discours suivi par l’apparition denouveaux centres de consommation dans la capitale, dont des centres de loisirs, des pistes de ski, mais également par une plus grande ouverture en matière de revente de la partie de la récolte laissée aux paysans des fermes collectives. « Ces quatre dernières années Kim Jong-un a tenté de par sa gouvernance, de par son style, de par certaines réformes économiques d’améliorer le niveau de vie des Nords-Coréens, affirme Antoine Bondaz, chercheur à l’Asia Centre du Ceri-Sciences Po. Ce congrès est important, car il doit permettre de recentrer la place du parti dans le régime nord-coréen. Face aux difficultés économiques, l’armée a pris une très grande importance au sein de l’appareil politique au cours des années 90, et au début des années 2000. »
Problème pour les pays voisins de la Corée du Nord, la doctrine du « Byongjin » a un air de déjà entendu. La Corée du Sud, le Japon, les Etats-Unis, la Russie et même la Chine affirment que c’est justement le programme nucléaire nord-coréen qui asphyxie l’économie nord-coréenne et qui vide les caisses de l’Etat. « Il est peu imaginable que le la Corée du Nord annonce des réformes sur le modèle de la Chine à la fin des années 70. Bien qu’il soit puissant, le régime de Pyongyang craint d’être déstabilisé par une politique d’ouverture trop rapide. » Un constat amer qui conduit presque à un optimisme de principe et à croire, malgré tout, que Kim Jong-un est un leader réformiste. Il n’y a pas d’autres alternatives. Dans une Corée du Nord prête à dégainer les missiles balistiques à tout moment, toute autre option mènerait à la catastrophe.
05/05 – Stéphane Lagarde – RFI (extrait)