Corée du Nord: Quatre questions autour du dernier essai nucléaire de Pyongyang

Un anniversaire retentissant. La République populaire démocratique de Corée ou Corée du Nord a revendiqué ce vendredi son cinquième essai nucléaire, pour les 68 ans de sa fondation. Selon Pyongyang, il s’agit d’un test réussi d’une tête nucléaire miniaturisée pouvant être montée sur un missile balistique.

Les spécialistes de la question ne pensent pas a priori qu’il s’agit d’une bombe H. « Ce qu’on peut dire des ondes sismiques pour l’instant c’est qu’elles ne proviennent vraisemblablement pas d’un essai thermonucléaire », a déclaré Jenny Town, du site 38 North, spécialisé sur la Corée du Nord. « Nous n’en sommes qu’à l’étape préliminaire mais nos analystes pensent qu’ils ont testé un engin nucléaire classique, pas un engin avancé ».

Il peut s’agir d’une charge explosive montée sur « une fusée bricolage », estime Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’IRIS et spécialiste de l’Asie.

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Le programme nucléaire coréen progresse-t-il ?

Il le semblerait. Il s’agit du cinquième essai en moins de dix ans, « mais les deux premiers essais (en 2006 et 2009) ont pu être des simulations ou des tests ratés », souligne Jean-Vincent Brisset. « La Corée du Nord semble aujourd’hui être arrivée à l’état technologique du nucléaire français des années 1965-1970 », estime le chercheur.

Selon la Corée du Sud, il s’agit de l’essai « le plus puissant » mené pour l’instant par Pyongyang, avec un dégagement d’énergie estimé à 10 kilotonnes, deux fois supérieur au précédent essai effectué en janvier dernier. «Si cette puissance est confirmée, la Corée du Nord démontre qu’elle dispose et de la volonté et des moyens techniques de poursuivre le développement d’une véritable capacité nucléaire», relève Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

Toutefois, « Pyongyang n’a pas les moyens de produire de l’uranium et du plutonium de qualité en grande quantité », ce qui devrait selon Jean-Vincent Brisset être un frein au projet atomique nord-coréen. Depuis son arrivée au pouvoir en 2011, Kim Jong-Un a mené trois essais nucléaires. « Il a besoin d’asseoir sa légitimité auprès de son peuple, de donner l’image d’un chef puissant. Ces essais alimentent une propagande à usage interne », commente le chercheur.

Quelles réactions cet essai a-t-il suscité ?

Le président des Etats-Unis Barack Obama a prévenu que cet essai aurait des « conséquences graves ». Le chef de la diplomatie américaine John Kerry a peu après indiqué que Washington et Moscou allaient saisir l’organisation des Nations Unies (ONU). La Corée du Sud, pays voisin de la Corée du Nord, a qualifié l’essai nucléaire d’acte « d’autodestruction » témoignant de « l’inconscience maniaque » du dirigeant Kim Jong-Un.

La Chine a condamné l’essai et appelé à nouveau à résoudre la crise via les pourparlers à six, un processus qui s’est enlisé depuis longtemps entre les deux Corées, la Russie, la Chine, le Japon et les Etats-Unis.

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Que peut faire la communauté internationale ?

Pas grand-chose de nouveau. Depuis son premier essai nucléaire, Pyongyang a été sanctionné à cinq reprises par le conseil de sécurité de l’ONU (notamment en 2006,2009, 2013 et 2014) et « sans grand effet sur son programme nucléaire », selon Jean-Vincent Brisset. « L’embargo sur la vente d’armes pourra éventuellement être renforcé, mais l’ONU appelle déjà intercepter les navires nord-coréens suspects. Les comptes de personnalités nord-coréennes peuvent être bloqués ». Les Etats-Unis pourraient rallonger leur  « liste noire ».

Les sanctions de l’ONU «ne pourront avoir d’effet que si la Chine choisit de peser réellement sur le régime nord-coréen», poursuit Valérie Niquet, rappelant que Pékin fournit du pétrole à Pyongyang.

Autant de mesures qui ne peuvent empêcher Pyongyang de poursuivre son programme nucléaire. « Cela renforce la volonté du régime de se victimiser », ajoute Jean-Vincent Brisset. Quant aux négociations à six, elles se sont enlisées depuis 2009. «A moins d’un an de l’essai précédent, ce nouveau test démontre que la Corée du Nord n’a en aucun cas la volonté de reprendre des négociations qui seraient fondées sur l’abandon de son programme nucléaire», assène Valérie Niquet.

09/09 – http://www.20minutes.fr avec  AFP