Quel est l’avenir de la politique des Etats-Unis à l’égard de l’Amérique latine ?

Il est évident que l’amélioration des relations avec l’Amérique latine était un élément clé de la diplomatie américaine sous la présidence d’Obama. L’ouverture à l’égard de Cuba en était l’exemple le plus spectaculaire. Mettant fin à un blocus et à un gel des relations diplomatiques qui durait depuis 1962, le président Obama avait ouvert une ambassade à La Havane, avait pris des mesures d’ouverture économique et même effectué une visite historique à Cuba en mars 2016 dans l’espoir de rendre irréversible ce rapprochement. Les signaux positifs s’étaient multipliés (escale d’un bateau de croisière et un vol commercial entre les deux pays). Certains observateurs avaient même vu dans la venue à Cuba du groupe pop les Rolling Stones un élément significatif, alors que le rock y était interdit depuis 50 ans.

De même à l’égard du Mexique, le plan d’Obama annoncé en 2016, qui permettait à 4,4 millions d’immigrés mexicains installés depuis plus de 5 ans aux Etats-Unis de rester temporairement aux États-Unis sans être menacés d’expulsion, avait été salué par le président mexicain Enrique Pena Nieto. Dans l’histoire souvent mouvementée des relations entre les Etats-Unis et le Mexique, relations empruntes de méfiance réciproque, c’était donc une lune de miel.

Il n’y avait que le Vénézuela qui, du fait de la politique erratique du président Chavez et de son successeur le président Maduro, continuait à faire l’objet d’un ostracisme de la part des Etats-Unis.

Depuis l’élection de Donald Trump, les choses ont considérablement changé. Prenant assez systématiquement le contrepied de Barack Obama, Donald Trump, soucieux de donner des gages à sa base électorale a persisté dans son idée de faire des Etats-Unis une forteresse étanche à toute immigration illégale et de compléter le mur entre le Mexique et les Etats-Unis, en demandant au Mexique de le financer. Non pas que cette barrière physique soit inutile en soi : elle existe déjà sur plusieurs centaines de kilomètres et la lutte contre les narco-trafiquants qui exportent de la drogue aux Etats-Unis et en reviennent après s’être approvisionnés en armes et en munitions, nécessite sans aucun doute de sécuriser la frontière. Mais les relations des Etats-Unis avec son troisième partenaire commercial ne peuvent se résumer à un mur que le Mexique serait chargé de payer.

A l’égard du Mexique, Donald Trump a multiplié les déclarations inamicales, même s’il a envoyé des équipes de secouristes lors du tremblement de terre qui a frappé le Mexique en septembre. Est aussi très mal perçue par le Mexique la volonté du président Trump de renégocier l’accord de libre échange nord-américain qui lie le Canada, les Etats-Unis et le Mexique depuis 1995 (ALENA en français, NAFTA en anglais) et qui est fondamental pour le commerce extérieur mexicain.

Les gouvernements mexicain et canadien participent à des discussions sur l’ALENA, qui, au départ ont achoppé sur l’impréparation et l’agressivité de l’administration américaine (avec l’imposition de droits compensatoires sur le bois d’oeuvre canadien et les menaces de sanctions contre l’industrie sucrière mexicaine). Après un premier tour à Washington il y a quelques semaines, les négociations se sont poursuivies à Mexico le 18 novembre 2017. Elles progressent à pas de tortue. De nombreux rounds de négociation seront nécessaires, l’échéance étant fixée en mars 2018, l’élection présidentielle mexicaine rendant les négociations impossibles après cette date.

A l’égard du Vénézuela, qualifié de dictature par les Etats-Unis, l’administration américaine a imposé un certain nombre de sanctions gelant les avoirs des dirigeants dans les banques américaines et empêchant le Vénézuela de lever des fonds aux Etats-Unis. Les dirigeants sud américains avaient été consultés sur ces mesures. Mais quand le président Trump déclara en août, lors d’une partie de golf dans sa propriété de Floride, que toutes les options étaient possibles à l’égard du Vénézuela, y compris l’option militaire, ce fut le tollé dans toute l’Amérique Latine.

La politique d’Obama à l’égard de l’Amérique latine avait été l’un des rares succès diplomatiques indiscutables de son administration. Le désengagement des Etats-Unis sous Trump risque de faire la part belle à d’autres puissances commerciales, comme en témoignent l’augmentation des investissements chinois en Amérique latine et le regain d’intérêt du Mexique pour des négociations avec l’UE.

Même si l’administration Trump continue des programmes lancés sous Obama destinés à lutter contre la violence et la drogue dans des pays d’Amérique centrale, programmes destinés aussi à lutter contre l’émigration à partir de ces pays, même si à l’égard de la Colombie, l’aide américaine pour aider à la lutte contre la drogue et faciliter la démobilisation des FARC se poursuit, il existe un autre risque. Avec la politique d’America First, Donald Trump risque de donner une nouvelle légitimité au nationalisme populiste qui fut l’une des plaies de l’Amérique latine et qui conduisit de nombreux pays sud américains à abandonner les voies de la démocratie, mais aussi celles du développement économique.

Jean-Christian Cady