Condamnation de deux dirigeants Khmers rouges.

Le 16 novembre 2018, le tribunal spécial de Phnom Penh a condamné à la prison à vie deux hauts dirigeants khmers rouges, Khieu Samphan et Nuon Chea. Ils étaient inculpés pour génocide. Agé de 87 ans, le premier avait exercé les fonctions de chef de l’Etat du « Kampuchéa démocratique ». Agé de 92 ans le second était l’idéologue du régime Pol Pot. Selon le procureur, il détenait avec ce dernier, le pouvoir ultime et avait eu une contribution significative dans la commission des crimes. Une centaine de témoins sont passés à la barre pour dénoncer « les décapitations, les viols, les vols, les mariages forcés et les actes de cannibalisme » commis pendant l’ère du Kampuchéa démocratique. Bien évidemment les deux leaders Khmers rouges ont nié les atrocités dont ils étaient accusés. Khieu Samphan a toujours affirmé être resté à l’écart du cercle restreint autour de Pol Pot et n’avoir rien su du drame qui se jouait.

Le tribunal spécial de Phnom Penh a été créé par une loi cambodgienne de 2001. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une juridiction internationale mais « de chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens». Les magistrats chargés de l’instruction ainsi que les juges, en première instance et en appel, sont désignés par le gouvernement de Phnom Penh et par le secrétariat de l’ONU. Vu l’étendue des charges et pour accélérer la procédure, les débats avaient été scindés en plusieurs procès. Le premier se concentrait sur les « crimes contre l’humanité ». Khieu Samphan et Nuon Chea avaient été condamnés en 2014 à la prison à perpétuité, peine confirmée en appel en 2016.

Le deuxième procès qui vient de s’achever portait sur les accusations de génocide. Ce qualificatif a été retenu pour les actions contre les Vietnamiens, la communauté musulmane des Chams et les autres minorités religieuses. La chambre, qui jugeait Khieu Samphan et Nuon Chea, a estimé que le crime de génocide était établi car la direction des Khmers rouges avait pour objectif d’instituer « une société athée homogène en supprimant toutes les différences ethniques, nationales, religieuses, raciales, de classe et culturelles ». Selon les indications contenues dans l’acte d’accusation entre 200 .000 et 500.000 Chams (une communauté musulmane vietnamienne) auraient été tués sur une communauté de 500.000 personnes. Au total près de 2 millions de personnes seraient décédées de mort violente pendant le régime maoïste.

Le procès des leaders khmers rouges s’est ouvert en 2012. Au début quatre anciens responsables étaient dans le box des accusés, la ministre des affaires sociales Ieng Tirith, son mari Ieng Sary, ministre des affaires étrangères, Khieu Samphan et Nuon Chea. La première a été jugée inapte à être jugée pour cause de démence ; elle a été libérée en 2012 et est morte depuis. Le second est décédé en 2013 à 87 ans. Outre Khieu Samphan et Nuon Chea, un autre accusé, Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, directeur de la prison S-21 où 15.000 personnes ont été torturées et exécutées a été condamné à la prison à vie. Saloth Sar (alias Pol Pot) est mort en 1998 sans avoir été jugé.

Au cours d’un premier procès, Douch a été condamné en 2009 à 30 ans de prison. Le premier se concentrait sur les « crimes contre l’humanité ». Khieu Samphan et Nuon Chea avaient été condamnés en 2014 à la prison à perpétuité, peine confirmée en appel en 2016. Le deuxième procès qui vient de s’achever portait sur les accusations de génocide. Ce qualificatif a été retenu pour les actions contre les Vietnamiens, la communauté musulmane des Chams et les autres minorités religieuses. La chambre, qui jugeait Khieu Samphan et Nuon Chea, a estimé que le crime de génocide était établi car la direction des Khmers rouges avait pour objectif d’instituer « une société athée homogène en supprimant toutes les différences ethniques, nationales, religieuses, raciales, de classe et culturelles ». Selon les indications contenues dans l’acte d’accusation entre 200 .000 et 500.000 Chams auraient été tués sur une communauté de 500.000 personnes. Au total près de 2 millions de personnes seraient décédées de mort violente pendant le régime maoïste.

Ce procès devrait mettra fin, selon toute vraisemblance, à une opération politico-judiciaire entreprise il a y vingt ans environ. A la fin des années 1990, le gouvernement khmer avait sollicité l’assistance de l’ONU pour juger les hauts dirigeants du « Kampuchéa démocratique » et les « principaux responsables des crimes et graves violations du droit pénal cambodgien. En 2001 une loi signée par Norodom Sihanouk a créé le tribunal spécial de Phnom Penh. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une juridiction internationale mais « de chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens». Les magistrats chargés de l’instruction ainsi que les juges, en première instance et en appel, étaient désignés par le gouvernement de Phnom Penh et par le secrétariat de l’ONU. Vu l’étendue des charges et pour accélérer la procédure, les débats ont été scindés en plusieurs procès.

Le tribunal spécial a fait l’objet de nombreuses critiques et plusieurs juges, dont un juge français, Marcel Lemonde ont démissionné. Des observateurs ont émis des doutes sur l’opportunité d’organiser un procès trente ans après les évènements et exprimé la crainte que cette initiative ne réveille de vieilles blessures. Des juristes ont dénoncé la corruption de certains juges cambodgiens, la lenteur et les irrégularités de la procédure, le refus des autorités cambodgiennes de faire comparaître à titre de témoins des personnalités du gouvernement actuel, le souci permanent de de ce dernier de garder le contrôle du processus judiciaire. Le premier ministre, Hun Sen, lui-même ancien, Khmer rouge n’a pas caché son désir de ne pas étendre les poursuites et de mettre fin à l’activité du tribunal spécial. Au total le procès d Phnom Penh a été considéré comme un fiasco. Il n’a pas permis de faire véritablement la lumière sur une période dramatique l’histoire du Cambodge ni de juger en toute indépendance et avec équité les responsables de la tragédie.

On a parfois comparé le tribunal pour le Cambodge au tribunal international de Nuremberg. Deux différences majeures les séparent cependant.
La première est qu’à la différence du Tribunal international de Nuremberg qui ne comprenait que des juges des puissances alliées, le Tribunal pour le Cambodge, dont le nom officiel est « chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens » est un tribunal mixte comprenant des juges internationaux mandatés par l’ONU et des juges cambodgiens. Ce tribunal mixte a mis longtemps a être mis sur pied, les négociations entre l’ONU et le Cambodge ayant duré de 2001 (date de la promulgation par Norodom Sihanouk de la loi créant les chambres extraordinaires) et 2007, date d’installation des juges.

La seconde différence est évidemment la durée des procès. On se souvient que les verdicts du Tribunal de Nuremberg ont été rendus en novembre 1946, 11 mois après le début du procès et un an et demi après la capitulation de l’Allemagne. La lenteur de la constitution du tribunal pour le Cambodge, le fait que les procès n’aient débuté qu’en 2009, la lenteur des procédures qui ont suivi et le fait que de nombreux responsables sont décédés entre temps font que rendues quarante ans après les faits, les sentences de ce tribunal perdent une grande partie de leur crédibilité.

Jean-Michel Dasque