Kiribati entre les influences de Pékin et Taïwan
Colonie britannique depuis 1916, Kiribati est devenue indépendante le 12 juillet 1979. C’est un des plus petits Etats au monde, avec un ensemble d’îles et d’atolls de 811 km2, et une population d’environ 115 000 habitants ; mais la dispersion des îles lui procure une ZEE de 3 500 000 km2. Ce micro-Etat est situé à 3 800 km de Honolulu, capitale d’Hawaï, 50 ème Etat fédéré des Etats-Unis et siège du Commandement militaire américain du Pacifique et donc base de nombreux exercices militaires dans la région.
Place sur la scène internationale
Comme la plupart des micro-Etats, Kiribati est membre de l’ONU (depuis 1999) et bénéficie du principe « un Etat = une voix », malgré des moyens limités. C’est pour cette raison qu’un statut « ad hoc » avait été imaginé dans les années1967-70, au moment de nombreuses adhésions à l’issue des indépendances. Ce statut a été rejeté par une majorité d’Etats issus des décolonisations. S’ils sont surreprésentés en nombre, il faut cependant constater que leur poids est très relatif dans les enceintes onusiennes hors Assemblée générale (par exemple, cas très rares d’élection comme membre non permanent du Conseil de sécurité). En revanche, ils sont recherchés pour leur « voix » et constituent notamment dans le Pacifique un enjeu stratégique dans la guerre de reconnaissance entre Pékin et Taïwan.
L’exemple de Nauru est caractéristique : Nauru a eu des relations diplomatiques avec Taïwan entre 1980 et 2002, puis avec Pékin jusqu’en 2005, puis à nouveau avec Taïwan …
Kiribati a été proche de Taïwan pendant de nombreuses années. Puis le 20 septembre 2019, le Président MAAMAU, élu en mars 2016, a décidé de reconnaître le régime de Pékin et de le soutenir dans ses relations tendues avec Taïwan, et donc a rompu avec Taïwan. Il a été réélu pour un deuxième mandat le 22 juin 2020, contre son compétiteur Banuera BERINA. Cela confirme donc le poids de Pékin sur Kiribati pour les années à venir, et l’extension de sa zone d’influence dans le Pacifique vers l’est, c’est à dire vers la zone traditionnelle des Etats-Unis.
La situation spécifique
La plupart des atolls de Kiribati dépassent à peine le niveau de la mer. De ce fait la montée du niveau des eaux et la raréfaction de l’eau douce constituent une menace permanente pour la survie de sa population. Les ressources naturelles à part les ressources halieutiques sont pratiquement inexistantes (mines de phosphates épuisées, un peu de coprah) et le pays dépend en grande partie de l’aide internationale, du Royaume-Uni, de l’UE (dans le cadre de l’accord ACP), de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Japon. Dans ces conditions, quel avenir pour le pays ?
- Une migration massive de la population avait été envisagée par le Président Anote TONG (2004-2016) avec achats de terres à Fidji à 2 000km pour une transplantation de la population, transfert en Australie, construction d’îles artificielles, ou installations sur des plateformes pétrolières ???
- Depuis mars 2016, le Président Taneti MAAMAU au contraire s’est orienté vers le développement économique et l’amélioration de la vie quotidienne de la population sur place.
Kiribati, comme d’autres micro-Etats insulaires du Pacifique, doit utiliser habilement l’enjeu que constituent sa ZEE et les droits de pêche qu’il peut octroyer. En outre, le poids relatif de Taïwan et de Pékin dépend aussi de l’aide apportée. Il semble que Pékin, ici comme ailleurs dans le monde ces dernières années, ait promis de gros investissements en faveur du développement économique et de la lutte contre la menace de la montée des eaux.
Hélène Mazeran
Sources :
Arnaud Duranthon : « Qu’est-ce qu’un micro-Etat aujourd’hui : l’exemple des micro-Etats d’Océanie » in Revue française de droit constitutionnel, 2012 (4)
Christopher Pala : « Kiribati, l’archipel du Pacifique qui joue les arbitres entre la Chine et les Etats-Unis » in Foreign Policy, 19 juin 2020