Nouvelle Zélande : Une nouvelle gouvernance à l’épreuve des crises du XXIème siècle
Depuis sa prise de fonction en 2017, alors qu’elle n’avait jamais participé à un gouvernement, Jacinda Ardern, Premier ministre travailliste a dû faire face à une succession de crises gérées de manière efficace:
- L’attentat terroriste d’extrême-droite à Christchurch le 15mars 2019 qui a fait 51 morts parmi les fidèles de deux mosquées.
La Premier ministre a su mobiliser la population en soutien à la communauté musulmane. Un mois plus tard, elle faisait voter par le Parlement l’interdiction des armes semi-automatiques de type militaire à une majorité écrasante (119 voix contre une). En outre, deux mois plus tard, le 15 mai 2019, elle a été à l’origine de « l’appel de Christchurch » aux côtés d’Emmanuel Macron en faveur d’un plan d’action pour éliminer les contenus terroristes et extrémistes en ligne. Vingt-six Etats et les géants de net se sont engagés en faveur d’un « internet libre, ouvert et sûr ».
- Une éruption volcanique sur l’Ile Blanche, connue sous le nom de Whakaari, au nord du pays le 9 décembre 2019 qui a fait 21morts dont de nombreux touristes.
- La pandémie du COVID-19 en 2020qui a entraîné la pire récession du pays en 30 ans.
Son mode de gestion des crises a permis à son pays de trouver des solutions innovantes et efficaces, adaptées à la situation du pays.
« Agir vite et fort », mot d’ordre lancé dès le 23 mars pour affronter la pandémie : Frontières fermées et confinement strict de sept semaines, à la suite desquelles retour au travail graduel et réouverture des écoles, centres commerciaux, restaurants et bars. Certes la situation insulaire et le faible nombre de la population (5 millions d’habitants) ont été des facteurs facilitateurs des mesures à prendre, accompagnées de « messages clairs et cohérents, à la fois sobres et apaisants » (François d’Alençon) stimulant un effort collectif et solidaire.
Bilan au 17 octobre 2020 : 1876 cas de contaminations et 25 morts du COVID.
- La relance de l’économie, qui est très dépendante du commerce et du tourisme (qui contribue à 10% du PIB et dont la bulle avec l’Australie n’a finalement pas fonctionné), est aujourd’hui le troisième défi de Jacinda Ardern.
Le confinement strict en mars et avril a paralysé l’économie et le PIB a reculé de 12,2% par rapport au trimestre précédent. Le pays connaît la pire récession depuis la Deuxième Guerre mondiale. L’exploration d’une solution nouvelle sera-t-elle à nouveau la clef de la réussite ? Une semaine de travail de quatre jours pourrait-elle stimuler le tourisme intérieur alors que les frontières restent fermées et permettre un équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour lessalariés, d’autant que les mesures de distanciation sociale ne sont plus nécessaires.
Cependant son manque d’expérience politique, conjugué avec la conjoncture, explique un bilan mitigé de ses promesses de campagne : en matière d’accès au logement, de lutte contre la pauvreté infantile, de lutte contre le réchauffement climatique. Son deuxième mandat lui permettra-t-il d’aborder plus sereinement ces questions ?
Les électeurs néozélandais ont élu le 17 octobre[1] leurs députés à la Chambre unique du Parlement, et le parti travailliste a remporté 64 sièges sur 120, détenant ainsi la majorité absolue qui lui permet de gouverner sans avoir recours à des coalitions comme lors du précédent mandat.Il est à noter que c’est le meilleur score du parti travailliste depuis 1946. Ces résultats constituent une première depuis la réforme du système électoral à la proportionnelle en 1996. La Premier Ministre a su faire preuve de réactivité face aux crises tout en maintenant une communication permanente avec ses concitoyens.
En marge des élections législatives, deux référendums ont porté sur la légalisation de l’euthanasie et celle du cannabis à usage récréatif. La loi sur la légalisation de l’euthanasie a été votée par le Parlement en novembre 2019, mais son entrée en vigueur est soumise à un vote favorable de la majorité de la population. Le projet de loi sur l’usage récréatif du cannabis a été déposé le 1er mai 2019, mais doit encore être approuvé par la population à la majorité, puis validé définitivement par le Parlement. Les votes se faisant par correspondance, les résultats définitifs ne seront connus que le 6 novembre.
Enfin J. Ardern a promis d’instituer la fête Maori de Matariki, jour férié officiel, jour de l’An pour la communauté Maori qui représente 16% de la population.
La Nouvelle Zélande a été 1er pays à accorder le droit de vote aux Femmes en 1893. Jacinda Ardern est la 3ème premier ministre femme, et la plus jeune (elle vient d’avoir quarante ans).
Sera-t-elle à la hauteur des attentes quant à la transformation progressive du pays avec une politique prenant en compte la formation, la création d’emplois, le changement climatique, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, programme qu’elle a énoncé lors de son discours après sa victoire électorale ?
La Nouvelle Zélande est une monarchie constitutionnelle à régime parlementaire, membre du Commonwealth, qui reconnaît toujours la Reine d’Angleterre comme chef d’Etat, mais où le Gouvernement est conduit par le Premier Ministre issu les élections au Parlement. Il n’y a pas de constitution formelle écrite, les dispositions essentielles sont regroupées depuis 1986 dans le Constitution Act. A la différence de l’Australie[2], il n’y a pas de débat sur l’adoption du statut républicain.
La Reine (appelée ici Reine de Nouvelle Zélande) est représentée par un Gouverneur général ; Dame Patsy Reddy en poste depuis 2016 et dont le rôle est purement représentatif.
A noter que la Nouvelle Zélande est le pays au monde où les femmes ont occupé parfois simultanément les plus hautes charges de l’Etat.
Hélène Mazeran
Sources : La Croix, 29 mai, 16 octobre. François d’Alançon
Les Echos, 19 octobre. Henri Gibier
Le Figaro, 29-30 août, 17-18 octobre. A. Boh, Gregory PLesse
Malaymail et
Philstar, 17 et 18
octobre
[1] Les élections prévues le 19 septembre ont été repoussées au 17 octobre en raison de la pandémie.
[2] Référendum de 1999 où le statut de république a été rejeté.