Visite aux MEP et à l’IRFA avec l’Académie des Sciences d’outre-mer – décembre 2021
Le traité de Tordesillas en 1494, sous l’égide du Pape,avait partagé le monde entre les puissances coloniales émergentes, en confiant :
- aux Espagnols les Indes occidentales,
- aux Portugais les Indes orientales.
Mais le traité devient caduc lorsque d’autres puissances (France, Royaume-Uni, Pays-Bas) se dotent de flottes assez puissantes pour concurrencer Espagnols et Portugais. C’est dans ce contexte que la Société des Prêtres catholiques des MEP est fondée en 1658, les Missions Etrangères de Paris (MEP) en 1660. Elles sont présentes dans 15 pays d’Asie et de l’Océan indien.
En Asie, c’est d’abord le clergé régulier[1] qui s’est installé avec des Espagnols, des Portugais, des Italiens et quelques Français. Les premiers missionnaires (notamment qui sont arrivés au Japon lors de l’ouverture des ports) faisaient aussi du commerce.
Le Père jésuite Alexandre de Rhodes (Avignon1591- Ispahan 1660)fait plusieurs séjours au Tonkin et en Cochinchine de 1624 à 1645 avant d’en être expulsé. Ilintroduit un changement en plaidant pour la formation des prêtres autochtones au Vietnam. Des missionnaires sont donc envoyés en Extrême-Orient non plus seulement comme missionnaires, mais comme formateurs ; d’où la création de 121 diocèses en Extrême-Orient. Parallèlement, un séminaire est ouvert rue du Bac pour la formationde missionnaires étrangers.
En 1658 : véritable création des MEP, il y a 4 vicaires apostoliques dont un au Québec (mais cela disparait lorsqu’il devient province anglaise) ; les 3 autres sont en Extrême-Orient : Cochinchine, Chine et Tonkin. Ces derniers sont partis en suivant la route des épices[2] pendant 2 ans (à pied, à cheval, à dos de chameau…) : 17 sont partis, 7 sont morts en route. Seule la route terrestre est possible car la route maritime est aux mains des Portugais. Le 1er séminaire de formation a lieu à Ayutthaya(actuelle Thaïlande). Ensuite la route maritime par le Cap de Bonne Espérance permettra de faire le voyage en un an (avec la nécessité de ravitaillement en produit frais. Cf Batavia). L’ouverture de Suez va encore raccourcir le trajet : 6 à 3 mois, puis après la 2ème Guerre mondiale l’avion fera le trajet en quelques jours.
Le musée présente le patrimoine historique exceptionnel des MEP dans une exposition permanente située dans la salle des martyrs. Il relate notamment le supplice de nombreux martyrs[3]. La cangue de Saint Pierre Dumoulin-Borie (1838) a été rapportée du Vietnam : c’est un carcan de bois de 10 kg auquel on fixait en plus des chaînes.
Nombreux objets d’inculturation : vêtements des missionnaires qui apprenaient la langue et s’efforçaient de vivre comme les autochtones. Bols et baguettes différents pour les hommes et pour les femmes. Apprentissage des codes couleurs : ex du deuil, noir en Europe, blanc en Asie.
Quelques exemples particuliers :
Le Japon a été fermé pendant 250 ans jusqu’à l’ère Meiji (1868 – 1912). Les catholiques ont été contraints à la clandestinité.
Les « traités d’amitié » imposés par les Européens, sont les « traités inégaux » pour les Asiatiques.
1865 : Inauguration de l’église de Nagasaki[4] avec la présence de nombreuses délégations étrangères, mais d’aucun Japonais. Aujourd’hui environ 0,3% de la population japonaise est catholique.
En Corée, le catholicisme est plus récent, arrivé au XVIIIème siècle. Les lettrés ont rapporté les ouvrages traduits par Matteo Ricci.
Au XXVIIe et XVIIIe les missionnaires viennent surtout de l’aristocratie, ensuite popularisation au XIXe et recrutement rural.
La chapelle et la crypte datent des années 1690, les tableaux de 1868. Charles Gounod, organiste, a eu la maîtrise de l’orgue des MEP pendant quelques années (vers 1851). Les tableaux sont du peintre Charles-Henri de Coubertin (père de Pierre). Il s’agit d’une scène de composition : 4 missionnaires sont exécutés en Corée. Pierre de Coubertin est le petit garçon sur le tableau (avec sa sœur).
Monseigneur de Masure : 1er évêque au Tibet (1850-1950).
Les missions aujourd’hui : les visas sont difficiles à obtenir pour la Malaisie, l’Inde, l’Indonésie, la Chine et Hong Kong. Il n’y a pas de problème pour la Corée, le Japon, le Vietnam. Les prêtres asiatiques viennent ici en formation.
Aujourd’hui les MEP comptent 180 prêtres dans 13 pays + 150 volontaires laïcs chaque année.
L’IRFA (Institut de Recherches France – Asie) créé en 2019 vise à valoriser toute la documentation provenant des missionnaires de toutes les époques. Il y a toujours eu un archiviste aux MEP. L’IRFA vise à assurer la bonne conservation des documents, la collecte et la classification des documents actuels émanant de missionnaires sur le terrain. Il y a toujours eu beaucoup de correspondances, même lorsque les acheminements étaient lents, car les Missionnaires devaient envoyer au moins 4 rapports par an. La bibliothèque dispose d’une documentation unique sur le catholicisme en Asie, + à partir de 1865 d’une photothèque.
A partir du 15 décembre 2021, un nouveau site internet est destiné à faire connaître les nombreuses ressources relatives aux collections documentaires produites en Asie par les 4 300 prêtres des Missions Etrangères de Paris (MEP) depuis 1661, aux chercheurs spécialisés, mais aussi au public intéressé par les relations franco-asiatiques.
L’IRFA dispose de ressources exceptionnelles en matière linguistique et culturelle, du fait de ses nombreuses archives manuscrites et aussi de documents cartographiques originaux (qui ont été utilisés au moment des conquêtes coloniales.
Ce site rend accessible la découverte en ligne des informations sur les activités des Missions Etrangères de Paris depuis le XVIIème siècle.
Il permettra notamment d’appréhender :
- les évolutions à travers les époques et les différents lieux géographiques,
- les relations sociales, intellectuelles, spirituelles et caritatives entretenues entre la France et l’Asie.
La bibliothèque numérique met à disposition les publications des MEP entre 1840 et 1962. L’histoire des MEP est classée par pays et offre des synthèses historiques, des illustrations et des photos inédites, des bibliographies, des récits ethnographiques …
Hélène Mazeran
[1]Le clergé séculier a pris des engagements religieux, mais il vit « dans le siècle », au milieu des laïcs.
Le clergé régulier vit en communauté selon les règles de vie d’un ordre, d’une abbaye d’un couvent…
[2] Les épices étaient des denrées rares et donc chères…. D’où l’expression « payer en espèces » (= épices)
[3] Le mot martyr signifie « témoin ». Depuis le XVIIIème siècle, plus de 200 prêtres sont décédés de mort violente dans l’exercicede leur activité missionnaire.
[4] La bombe atomique est tombée dans le quartier catholique. D’où de nombreux dégâts sur les bâtiments anciens.