« Le Cambodge, jadis et maintenant, Un marqueur pour apprécier la situation internationale aujourd’hui »

Source : https://www.ginkgo-editeur.fr/product-page/a-l-ombre-des-khmers-rouges

30 novembre 2023 : Intervention devant les auditeurs de l’Institut du Pacifique et d’ARRI – Conférence de Monsieur Philippe Coste, ancien ambassadeur de France au Cambodge auteur de  « A l’ombre des khmers rouges,  souvenirs d’une ambassade peu ordinaire : 1991 1993»

Comme hier, il faut compter avec la Chine qui assure aujourd’hui  la pérennité  du pouvoir cambodgien. Mais en dépit du consensus sur les valeurs, arrêté lors des accords de Paris en 1990/1991,  afin d’élaborer la future Constitution, le pays a toujours du mal avec la démocratie.

Le Cambodge de jadis

  •  Les trois étapes du cauchemar » : 70-75, 75-79, 79-91 ; 

1970 : Nous sommes en période de Guerre froide, et avec une guérilla entre l’État du Cambodge et la résistance ; Cependant il existe des traités internationaux qui sont respectés. Notamment sur l’arrêt des armements conventionnels en Europe ; ousur l’implication dans la guerre du Vietnam et dans le coup d’État de mars;

1975 : Après la prise de Phnom-Penh par les Khmers rouge en avril 1975, le Cambodge connaît quatre années d’isolement quasi total. Mais les « accrochages » fréquents sur les frontières entraînent finalement l’invasion en 1979,  puis 10 années de tutelle de la part du Vietnam.

La fin de la Guerre froide permet d’envisager le rétablissement de la souveraineté du Cambodge sous l’égide de la France et de l’Indonésie. Deux années de négociations vont conduire aux accords de Paris.

1991 : Les accords de Paris d’octobre 91, et leur mise en œuvre jusqu’en1993.

Les élections et leurs trois préalables : pacification, retour des réfugiés, contrôle des administrations.

Les Nations unies mettent en œuvre une opération d’une envergure exceptionnelle, prenant en charge la totalité des responsabilités étatiques, civiles et militaires. Si les élections, qualifiées de « free and fair », ont pu se dérouler dans de très bonnes conditions, on peut regretter les reculs de M Akashi, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, chef de l’APRONUC, devant les Khmers rouges rassemblés à Pailin et aussi devant Hun Sen mis en place par les Vietnamiens qui contrôlent les administrations… D’où la crise de juin 93 et le gouvernement de coalition

La consolidation du régime d’Hun Sen :

Mise à l’écart du prince Ranarith, fils de Sihanouk écarté du gouvernement en 1997. Progressivement on assiste à une réduction des khmers rouges (entre ralliements, purges internes etécrasement militaire)

Le Cambodge aujourd’hui

-L’achèvement de la situation politique et le retour à un quasi parti unique

L’unification du pays et sa signification : alors que dans les 150 dernières années, les opposants sont toujours partis dans le maquis, et dans les mêmes régions, aujourd’hui le pays est totalement réunifié, ce qui va permettre le décollage économique. Des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens ont jugé les Khmers rouges. Persistent cependant des problèmes de droits de l’homme. (Parti unique lors des élections de 2013 2018 et 2023).

Hun Sen a été Premier Ministre jusqu’en août 2023 son fils Hun Manet lui a succédé. Ce sera peut-être plus ouvert.

Il faut cependant constater qu’on est loin de la démocratie pluraliste que prévoyaient les accords de Paris. Mais l’ONU organise ici tous les ans une surveillance spécifique à la commission internationale des droits de l’homme et cela n’existe nulle part ailleurs.

-La modernisation du pays : une croissance de 6 % en moyenne sur les 10 dernièresannées, des financements chinois beaucoup plus importants que ceux de l’Union européenne et des États-Unis.

– La Chine : du renversement des alliances au protectorat de fait.

La Chine est omniprésente et garantit la pérennité du pouvoir cambodgien ; elle finance largement le pays, notamment les infrastructures. Le Cambodge bloque les critiques de l’Asean contre la Chine et offre à la Chine la base de Ream.

Le Cambodge ne soutient pas les revendications de certains pays de l’Asean (Vietnam, Indonésie Philippines Malaisie) s’opposant aux prétentions chinoises en mer de Chine méridionale. (La Chine a été déboutée en 2016 par la cour d’arbitrage international de la Haye).

Un marqueur d’une situation internationale profondément détériorée

-De l’alignement des planètes à la décision N°9 : le recul de nos valeurs

Depuis le début des années 90, le climat international s’est considérablement dégradé. Il n’y a plus de consensus entre les Cinq Grands du conseil de sécurité qui avait permis les accords de Paris. Nous sommes dans une situation de sécession (The West/ the Rest). En 2012 la directive interne N°9 du PCC interdit toute discussion dans les instances du parti communiste chinois sur les sujets suivants : valeurs universelles, liberté de la presse, indépendance de la justice… Ce désaccord sur les valeurs fondamentales interdit toute mise en œuvre de gouvernance mondiale, comme cela a été le cas en 1993

-Logique des blocs et crise de la gouvernance mondiale : CSNU, G20, BRICS, tous plus ou moins paralysés. Problèmes planétaires : climat, biodiversité, santé, contrôle de l’IA, désarmement

-Jusqu’où cela peut-il aller ? Deux variables : réélection de Trump ? Problèmes internes de la Chine : difficultés économiques, démographiques, … En marge du sommet de l’APEC à San Francisco, Xi Jinping a essayé de séduire les entreprises américaines….