La Chine observe l’influence japonaise grandissante.
C’était le printemps à Washington la semaine dernière pour Shinzo Abe, le premier ministre japonais.
Son voyage officiel comprenait des visites au Lincoln Memorial et au Cimetière d’Arlington mais aussi un discours devant les deux chambres du Congrès, un honneur accordé pour la première fois à un leader japonais. Et cela n’est pas surprenant car cette visite marquait un renforcement de l’alliance entre Washington et Tokyo.
Compte tenu de la situation dramatique qui persiste au Moyen Orient, le changement qui marque la politique étrangère de l’administration d’Obama, qui veut se tourner davantage vers l’Asie, est poursuivi davantage sur un mode mineur que sur un mode majeur.
Mais indépendamment des engagements de longue date en Irak, en Syrie et ailleurs, la nouvelle orientation continue : il s’agit de préparer Washington à ce que sera son rôle dans ce qui doit devenir le siècle du Pacifique.
Dans cette perspective, les Américains comptent avoir le Japon à leurs côtés. Et M. Abe à la fois par son souhait de moderniser la position du Japon en matière de défense et par ses réformes économiques, renforce le désir du Japon d’être le principal partenaire choisi par Washington.
Cette visite a mis l’accent sur l’importance cruciale à la fois de la sécurité et de l’économie dans l’avenir de la région du Pacifique et de l’Asie.
La discussion sur la proposition de partenariat trans- Pacifique (Trans Pacific Partnership – TPP) regroupant 12 pays dans un accord commercial, est une initiative partagée par M. Obama et M. Abe et est tout aussi importante que les nouvelles lignes directrices en matière de défense et de sécurité.
L’inquiétude chinoise.
Pékin suit ces discussions avec attention. Pour avoir été victime dans le siècle passé du militarisme japonais, la Chine observe avec inquiétude la modernisation militaire du Japon et l’élargissement de ses horizons dans le domaine de la sécurité.
Toutefois c’est bien la Chine qui, par ses moyens militaires accrus et par ses ambitions, au moins à l’échelon régional sinon mondial, qui est la référence par rapport à laquelle les autres pays se situent dans leur volonté de réformer et de moderniser leur armée. Il ne faut pas oublier que dans la région Asie-Pacifique, l’histoire a tout autant d’importance que la stratégie globale et l’économie.
Les pays qui dépensent le plus dans le domaine militaire sont :
- USA 420 milliards de livres sterling
- Chine 123 £M
- Russie 57,5 £M Arabie saoudite 44 £M
- France 40 £M
- Royaume Uni 38 £M Allemagne 32 £M
- Japon 31,8 £M
- Inde 31 £M
- Corée du sud 22 £M
Au centre des réformes militaires du Japon se situe le projet de révision constitutionnelle permettant d’élargir son rôle militaire au delà de la « self-defense » dans lequel il était cantonné. La constitution du Japon a en effet été élaborée pour empêcher une résurgence du militarisme japonais. Des tensions
persistent dans de nombreux pays de la région qui pensent que le Japon n’a pas été assez explicite dans ses excuses pour son comportement durant la Deuxième Guerre Mondiale. Cela a été à l’origine de nombreuses protestations en particulier celle de la Corée du Sud, l’un des alliés-clé de Washington dans cette partie du monde. 70 ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, M. Abe trouve que le caractère exceptionnel de ces contraintes imposées aux forces armées du Japon n’est plus justifié et bride son pays dans la défense de ses intérêts.
Un rôle accru pour le Japon.
Les nouvelles lignes directrices en matière de défense sur lesquelles le Japon s’est mis d’accord avec Washington, donnent au Japon un rôle accru dans le domaine de la cybersécurité et de l’espace. Mais elles autorisent aussi un élargissement de la mission des forces armées japonaise leur permettant d’opérer avec les USA et d’autres alliés dans des missions conjointes, sans être limité à la défense stricte du territoire japonais.
Donc vis-à-vis de Washington, le Japon est en train de devenir un allié plus efficace dans le domaine de la sécurité. Mais il n’est pas du tout sûr que cette nouvelle orientation ait l’accord de l’opinion publique japonaise.
Déjà dans le cadre constitutionnel actuel, le rôle du Japon dans le domaine international est devenu beaucoup plus significatif. Au cours des dix dernières années des soldats japonais ont été déployés en Irak et au Koweït. Le Japon a participé à des opérations de maintien de la paix au Sud Soudan et en Haïti ainsi qu’à l’opération « Enduring Freedom » dans l’Océan Indien.
Ce qui préoccupe le plus les Chinois est la modernisation de l’armée japonaise. Le Japon a déjà déployé des défenses contre la menace potentielle de missiles balistiques venus de Corée du nord. Le Japon a commandé son navire le plus long depuis la seconde Guerre Mondiale, l’Izumo qui a décrit comme un porte-hélicoptères pouvant aussi transporter de petits avions et ayant un rôle de lutte contre les sous-marins. C’est un élément important pour la défense des intérêts du Japon dans les litiges territoriaux en Mer de Chine du sud.
La relation du Japon avec les Etats-Unis pose des questions plus vastes en ce qui concerne leur attitude à l’égard de la Chine.
Cette coopération vise-t-elle à endiguer la Chine ou à coopérer avec elle ?
Où la limite entre les deux options doit-elle être tracée ? La Chine veut-elle l’harmonie ou l’hégémonie ?
Les réponses à ces questions détermineront vraisemblablement si le siècle du Pacifique qui se profile, sera marqué par la paix ou par des conflits.
02/05 – Jonathan Marcus – http://www.bbc.com