La rencontre programmée entre Kim Jong-un et Donald Trump pourra-t-elle réussir ?

L’annonce d’une rencontre directe entre le président américain Donald Trump et le dictateur nord coréen Kim Jong-un suscite dans la communauté internationale trois sentiments contradictoires de surprise, d’espoir et de scepticisme.

Surprise et même stupéfaction tant les questions sont nombreuses qui n’ont pas de réponse immédiate. Pourquoi ce qui semblait impossible il y a quelques semaines l’est-il devenu maintenant ? Pourquoi est-on passé de part et d’autre des injures à une volonté affichée de dialogue ? Pourquoi cette annonce majeure a-t-elle été faite à la Maison Blanche par un émissaire de la Corée du sud, la Maison Blanche se contentant de confirmer ? Pourquoi la diplomatie américaine a-t-elle été tenue à l’écart ? Le secrétaire d’État Rex Tillerson, qui était dans une tournée en Afrique, n’a pas été informé préalablement par le Président Trump de sa décision d’accepter cette rencontre au sommet, décision prise contre l’avis de la majorité des experts du Département d’État. D’ailleurs Rex Tillerson, qui, depuis plusieurs mois, était constamment mis en porte-à-faux par Donald Trump, vient d’être limogé le 13 mars et remplacé par Mike Pompeo, le directeur de la CIA, qui est décrit comme un faucon.

Le second sentiment est l’espoir. C’est celui exprimé par le secrétaire général des Nations unies qui salue « le leadership et la vision » des deux dirigeants, se félicitant que ce dialogue que l’émissaire des Nations unies Jeffrey Feltman n’avait pu obtenir en décembre dernier lors d’un voyage à Pyongyang, devienne possible. Evidemment en Corée du sud, au Japon, aux Etats-Unis et dans tous les pays qui sont potentiellement menacés par l’arsenal balistique et nucléaire de la Corée du nord, on espère que le fait que l’Amérique ait montré ses muscles dans une escalade verbale et des manœuvres militaires au cours des derniers mois, va inciter Kim-Jong-un à engager un processus de désescalade et à renoncer à son arsenal et à ses fusées. La reculade que l’URSS avait faite lors de la crise de Cuba en 1962 pourrait-elle être faite par la Corée du nord ?

Le troisième sentiment, qui est celui qui domine chez les analystes politiques, est le scepticisme.
Les précisions données par l’envoyé de la Corée du sud à Pyongyang tempèrent tout optimisme. Selon lui, les Nord Coréens ont exprimé un souhait de dénucléariser l’ensemble de la péninsule coréenne c’est à dire la Corée du sud tout comme la Corée du nord. Cette présentation, que les envoyés américains ont entendue de la part de la Corée du nord bien des fois et depuis de longues années, veut dire que les Sud Coréens devraient abandonner le parapluie nucléaire américain et que ce que les Nord Coréens considèrent comme une « menace » ayant été éliminé, la Corée du nord pourrait envisager, à son rythme, et sur une période de 10 ou 20 ans, l’abandon de son arsenal. Cette vision de la dénucléarisation n’a que peu de rapports avec ce que l’ONU et les Américains envisagent. Le passé ne plaide pas en faveur de la Corée du nord. Elle a passé en 1994 et 2012 des accords bilatéraux avec les Etats-Unis et en 2005 un accord quadripartite avec la Russie, la Chine, la Corée du nord et les Etats-Unis. Aucun de ces accords n’a été respecté par la Corée du nord.

On ne peut savoir ce que donnera la rencontre de deux personnalités aussi tranchées et aussi imprévisibles. Mais d’ores et déjà Kim-Jong-un peut se prévaloir d’une victoire diplomatique. Il a obtenu, sans passer par l’intermédiaire chinois, une rencontre avec le président américain. Clinton, GW Bush et Obama avaient refusé de rencontrer Kim-Jong-il, le père du dictateur actuel, pensant qu’une rencontre devait couronner un processus diplomatique. Trump, fidèle à sa technique de « l’art du deal » commence par cette rencontre et, si elle est concluante, laissera le processus diplomatique se poursuivre. C’est évidemment pour lui un risque énorme de perdre la face si cette rencontre devait être un échec.

Jean-Christian CADY