Conséquences de la pandémie sur l’environnement : premières constatations et questions pour l’avenir

Image satellite de la NASA

Les pandémies ont toujours existé, et les étudier de manière pluridisciplinaire permet de comprendre et de prévenir. D’où les nombreux articles émanant à la fois d’observateurs et chercheurs scientifiques et médicaux, épidémiologistes, virologues, professionnels de santé…, mais aussi de géographes, sociologues …. Et malheureusement aussi de quelques personnes sans scrupule qui profitent de la situation…. Nous serons donc très prudents dans nos remarques, et formulerons plutôt des interrogations.

D’abord pourquoi constate-t-on aujourd’hui une accélération des pandémies ? Ebola, Zika, SRAS, grippe aviaire Marburg, Nipah, MERS, VIH ? Nos modes de vie sont-ils en cause ? Il semble que des liens aient été établis entre le virus Ebola et la déforestation massive à la source du virus chez les chauves-souris en Afrique occidentale et centrale.

  • Origine du COVID-19 ?

Les théories du complot alléguant que « le nouveau coronavirus n’est pas d’origine naturelle » ont été fermement condamnées dans un article de la revue The Lancet (février 2020). Il provient de la faune sauvage, comme de nombreux autres agents pathogènes émergents ». La revue Nature Medecine ajoute : « aucune caractéristique génétique du virus ne porte la marque d’une quelconque manipulation humaine ».

En revanche, des modifications de comportement sociétal peuvent-ils être à l’origine de l’épidémie ? Ainsi, il semble que « l’explosion industrielle du delta de la rivière des Perles dans la région du Guangdong, (a été à l’origine) de la multiplication par 50 de l’élevage des civettes dans les années précédant l’émergence du SRAS-CoV en 2002 » (Cf travaux de Meriadeg Le Gouil. Université de Caen et Rouen). Selon les informations reçues, le premier cas de coronavirus serait mentionné le 17 novembre 2019 sur un marché de Wuhan, connu pour ses ventes d’animaux vivants … En février dernier, la Chine a décidé d’interdire la vente et la consommation de chiens et de chats, ainsi que celle d’animaux sauvages, notamment le pangolin, certes espèce protégée, mais également très prisée pour sa chair sur certains marchés… mais l’interdiction est-elle respectée partout et par tous ??? Était-ce une prise de conscience ? Les travaux de l’IRD (Eric Leroy) montrent aussi que « l’augmentation de l’élevage et donc de la consommation de certains animaux, la déforestation ou l’extension des villes vers le milieu naturel » peuvent induire ces évolutions.

« La nature est la plus grande menace bioterroriste » selon les experts en virologie après la crise du SRAS en 2003. Face à des phénomènes naturels que nous ne pouvons actuellement comprendre et donc expliquer, émergent des théories irrationnelles. Mais la peur d’une guerre bactériologique est largement partagée dans le monde : en Chine depuis la Guerre de Corée (entre 1950 et 1953, les Américains ont utilisé des armes biologiques fabriquées par les Japonais durant la 2ème Guerre Mondiale), aux Etats-Unis depuis les attaques terroristes de 2001 à l’anthrax faisant réapparaître les peurs datant de la Guerre Froide face aux collusions possibles entre les bactériologistes soviétiques et des « Etats-Voyous » , au Japon avec les attaques au gaz sarin…

Au-delà des questions purement médicales de traitement des malades et de limitation de la contagion, une autre conséquence de la pandémie doit être regardée avec attention : le quasi arrêt des activités économiques permet de mesurer les effets de notre mode de vie et de nos moyens de production sur notre environnement.

Source : https//:notre-planete.info au 13 mars 2020
  • Espace atmosphérique et qualité de l’air

L’altération de l‘espace atmosphérique peut être le résultat d’éruptions volcaniques, de feux de forêts (cf Australie récemment), du dioxyde d’azote relâché par les véhicules et industries. Et cette altération a des conséquences sur l’environnement, la santé… La détérioration de la couche d’ozone a été détectée dans les années 80 et la tendance a été inversée depuis. Les pollutions atmosphériques sont aujourd’hui détectables et les cartographies produites entre autres par la NASA permettent de comparer les situations de l’environnement à différents moments. Ainsi une comparaison des images de la Chine en janvier et février 2020, montre la disparition du nuage de pollution. Ce ciel à nouveau dégagé à la suite de l’arrêt des usines chinoises pourrait être « un encouragement à agir pour le climat avant qu’il ne soit trop tard » (Esther Duflo, LePoint n° 2482, 19 mars)

La diffusion par l’Agence spatiale européenne de cartographies de la pollution en Europe montre la forte diminution des concentrations de dioxyde de carbone (NO2) dans les grandes capitales européennes du sud : Paris, Rome, Madrid. Pour l’Europe du nord, les conditions météorologiques ont freiné l’acquisition des données (elles sont attendues dans une dizaine de jours). La comparaison entre la période 14 -25 mars 2019 et 14-25 mars 2020 montre une diminution d’environ 30%. L’Europe est une des rares à diffuser de telles cartes, depuis le lancement du satellite Copernicus P5 en 2017.

En France, la qualité de l’air s’est nettement améliorée dans les grandes zones urbanisées : cette amélioration a été de 20 à 30% entre le 16 et le 20 mars dans l’agglomération parisienne. On a constaté une baisse de 60% des émissions d’oxydes d’azote, notamment liées à la circulation aérienne et automobile, et à l’industrie dont les activités ont diminué. En revanche, les progrès sont peu visibles en ce qui concerne les particules fines rejetées par les véhicules diesel et le chauffage (le confinement a eu, semble-t-il, pour effet d’accroître la consommation en matière de chauffage en dépit d’une température plutôt douce pour la saison ?).

Cette démonstration de l’efficacité des restrictions sur la circulation en période de pic de pollution, entraînera peut-être une prise de conscience collective et une attitude plus « civique »…

Source : https://lopinion.fr avril 2020
  • Activité économique et pollution

Dans la zone Pacifique, l’effondrement des ventes de voitures en Chine est le reflet de la paralysie de l’économie chinoise (2ème économie du monde) puisque la province de Hubei (et notamment Wuhan) est le centre majeur de l’industrie automobile chinoise. La production a diminué de 79% en février par rapport à janvier. Selon les satellites de la NASA, les taux de dioxyde d’azote sont passés en Chine de plus de 500 µmol/m2 par endroit à mins de 125 µmol/m2 entre le 1er janvier et le 25 février 2020. Cette diminution ne peut être uniquement due à la baisse d’activité pendant le Nouvel An chinois. Il faut aussi constater que cet effet principalement localisé autour de Wuhan au début de la pandémie, s’est ensuite étendu à l’ensemble de la Chine.

« C’est la première fois que je constate une baisse aussi spectaculaire sur un zone aussi vaste pour un événement spécifique » (Fei Liu, chercheur au Goddard Space Flight Center de la NASA). Lors des JO de Pékin en 2008, un phénomène similaire avait été observé autour de Pékin seulement, et le niveau de pollution avait repris après les JO.

Les trois « géants » de la construction automobile américaine à Détroit (Général Motors, Ford et Chrysler) ainsi que Tesla en Californie (Fremont) ont également suspendu leur production.

Source : Le Parisien 1 mars 2020

Le trafic aérien de toutes les compagnies a aussi considérablement diminué à compter de début mars. Dans la zone Pacifique, quelques exemples :

  • Quantas, principale compagnie australienne a réduit ses vols internationaux de 90% et ses vols intérieurs de 60% à compter du 17 mars.
  • 96% de la flotte de Singapore Airlines a été immobilisé fin mars pour un mois au moins.
  • Air New Zeland a annoncé une réduction drastique de ses vols de fin mars au 31 mai.

Cette paralysie quasi générale du transport aérien touche les 290 compagnies membres de IATA qui estime un manque à gagner lié à la crise de la pandémie à 252 milliards de US$ (fin février cette estimation était de 30 milliards, il y a 3 semaines de 113 milliards). Les conséquences économiques et les risques de faillites en cascade sont très préoccupants.

Conséquences de ces réductions sensibles de la circulation automobile et de la circulation aérienne :

  • Réduction des émissions polluantes et amélioration de la qualité de l’air,
  • Diminution du nombre de touristes (notamment sur la Grande de Barrière de Corail) qui pourrait permettre de sauver certaines espèces de coraux particulièrement vulnérables.

Cependant la reprise des activités économiques en Chine au début d’avril s’est immédiatement traduite par une augmentation des émissions de gaz carbonique et d’oxydes nitreux dont on avait observé la diminution pendant le confinement. La fermeture des usines et la réduction des transports aériens avaient fait chuter de 25% les émissions de CO2 en Chine et réduit la consommation de charbon de 36% dans les centrales électriques.

Aux Etats-Unis, la consommation de pétrole est revenue aujourd’hui au niveau de l’époque Nixon. La diminution de la pollution ne peut être que positive pour notre planète. « L’Homme tousse, la planète respire », pour reprendre le titre de l’émission C’est dans l’air !!!

Tout ceci influera nécessairement sur le changement climatique à la condition que les leçons de cette douloureuse expérience soient tirées et mises à profit pour l’avenir. Aujourd’hui l’heure est à d’autres soucis….

La vigilance s’impose face aux risques d’un effet rebond lié à la nécessaire relance des économies pour faire face à la crise et au chômage. Il faut rappeler aussi que si 121 Etats se sont engagés à respecter un objectif de neutralité carbone d’ici 2050, ni les Etats-Unis, ni la Chine ne sont parties à cet engagement …

Sources :       La Croix, 5 mars 2020

Les Echos, 20, 26 et 27 mars 2020. Anne Bauer, Joël Cossardeaux, Inès Leonarduzzi

Le Figaro, 10, 12, 17, 24 et 25 mars 2020, 23 et 27 avril 2020. Jean-Yves Guérin, Cécile Thibert

Le Monde, 25 mars 2020. Frédéric Keck

  Le Parisien, 30 mars 2020. Frédéric Mouchon

  Le Point, 11 et 19 mars 2020. Carole Daniel, Esther Duflo

  Aljazeera, 26 mars 2020

Novethic 2020. Concepcion Alvarez

Hélène Mazeran avec la contribution de Michèle Biétrix