Anniversaires à Hong Kong : suite et fin ?

Source : RSF – Antony Wallace (02/07/2020)

Le 1er juillet 2020 est marqué à Hong Kong par deux anniversaires, 23 ans après la rétrocession de Hong Kong à la Chine, un an après le déploiement du drapeau britannique au Conseil législatif de Hong Kong par les manifestants pro-démocratie.

La loi sur la sécurité nationale a finalement été adoptée le 30 juin par l’Assemblée nationale populaire à Pékin en 15 minutes après une procédure expresse et opaque, puis promulguée peu avant minuit à Hong Kong pour une entrée en vigueur immédiate, c’est-à-dire au 1er juillet, date symbolique à Hong Kong fêtée chaque année.

Cette loi comporte 66 articles qui n’ont pas été portés à la connaissance des citoyens avant son entrée en vigueur. L’article le plus important établit, pour « enquêter sur les cas spéciaux », l’installation d’un bureau de sécurité nationale à Hong Kong relevant de l’autorité centrale à Pékin, c’est-à-dire contournant le Parlement local.  Ce bureau aura la possibilité de renvoyer sur le continent des personnes qui seraient jugées « pour des crimes trop importants ». Le Chef de l’exécutif de Hong Kong (qui doit rendre des comptes à Pékin) aura le pouvoir de désigner les juges pour les affaires de sécurité nationale, limitant ainsi le pouvoir judiciaire de la ville. La disparition de l’indépendance de la justice de Hong Kong est « une ouverture à l’arbitraire très inquiétante » (Jean-Pierre Cabestan, Professeur à Hong Kong et chercheur associé à Asia Center).

Source : Viasactu

Les termes vagues et imprécis des 66 articles répartis en six chapitres donnent de larges possibilités de répression aux autorités de Pékin à l’encontre des citoyens de Hong Kong et même des étrangers (résidents permanents ou non) qui manifesteraient une opposition. Le texte couvre quatre crimes : sécession, subversion, terrorisme et collusion avec une puissance étrangère. Ils sont passibles de lourdes peines allant jusqu’à la prison à perpétuité, mais elles peuvent être allégées si l’accusé dénonce une autre personne… Les organisations non gouvernementales, les agences de presse et journalistes étrangers seront particulièrement contrôlés. Les procédures prévues inquiètent aussi par leur arbitraire et leur condition d’exercice (huis clos, absence de jury …).

Les manifestations qui se sont déroulées à Hong Kong depuis un an ont donné lieu à près de 10 000 interpellations et suscité des troubles difficilement supportables pour le régime de Pékin qui redoute aussi un effet de contagion sur le continent. Hong Kong est ainsi devenu un enjeu de politique intérieure chinoise dans un contexte de difficultés économiques. Après un calme relatif dû aux mesures liées à la crise sanitaire, les troubles ont repris depuis le 22 mai, date de la présentation de la loi à l’Assemblée nationale populaire et n’ont pas empêché les manifestations traditionnelles du 1er juillet qui étaient interdites pour cause de pandémie. Elles ont été réprimées avec des canons à eau poivrée et des gaz lacrymogènes, et ont donné lieu à plus de 300 arrestations dans la journée, notamment de personnes en possession de drapeau de Hong Kong[1]. A l’annonce de l’adoption de la loi sur la sécurité nationale, les leaders du mouvement Pro-démocratie créé en 2014 à l’issue du mouvement des parapluies ont décidé de sa dissolution le 1er juillet devant les menaces pesant sur leur sécurité. Ils ont entrepris de « nettoyer » toutes les traces de participation à des manifestations d’opposition, à des réseaux sociaux protestataires redoutant aussi les « traîtres de l’intérieur » qui peuvent les dénoncer.

« Hong Kong est au bord de la falaise face à un avenir incertain et troublant » a déclaré Joshua Rosenzweig, Directeur Chine d’Amnesty International.

Les réactions internationales 

Zhang Xiaoming, en charge à Pékin des affaires de Hong Kong et Macao, a qualifié le plus sérieusement du monde cette loi de « cadeau d’anniversaire à Hong Kong pour remettre de l’ordre après une année de crise ». Carrie Lam parle du « plus important changement depuis la rétrocession »…

Les répressions des manifestations rappellent Tienanmen il y a 30 ans. Et cependant l’Union européenne, sauf la Suède qui a réclamé des sanctions, est aujourd’hui plus « silencieuse », plus « frileuse » qu’en 1989, devant le basculement d’un territoire de liberté et d’Etat de droit vers un régime opposé à ces valeurs de l’Union européenne, piétinant les libertés individuelles et la protection juridique en vigueur dans les Etats démocratiques. Elle manifeste « sa très sérieuse inquiétude », ce qui ne sera pas suffisant pour faire reculer Pékin et sauver le régime démocratique à Hong Kong. « Cette lâcheté n’est pas seulement une faute stratégique …, elle est une erreur tactique à courte vue ».

Les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni ont annoncé, dans un communiqué conjoint, l’abandon du statut préférentiel dont bénéficiait Hong Kong pour ses échanges économiques et l’interdiction d’exporter des matériels de défense et des produits High tech. La Chambre des représentants américaine prépare un texte prévoyant des sanctions contre les responsables chinois qui violent les obligations internationales de la Chine en faveur de l’autonomie de Hong Kong, mais pour l’instant aucune précision sur les mesures de rétorsion à l’encontre de la Chine continentale…

Au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, 27 Etats, dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon ont incité la Chine à un réexamen de cette loi qui menace les libertés à Hong Kong.

La Présidente de Taïwan a annoncé publiquement son soutien aux démocrates de Hong Kong et lancé un projet d’aide humanitaire pour Hong Kong qui fournira des services pratiques et une assistance minimum aux citoyens de Hong Kong qui en auraient besoin.

L’Australie est également prête à accueillir des Hong Kongais menacés.

Comme annoncé, Londres a confirmé l’ouverture de ses portes et des conditions de séjour facilitées aux ressortissants de Hong Kong « devant la violation manifeste de l’autonomie de Hong Kong ». Alors que la Chine viole l’accord de 1997 garanti jusqu’en 2047 et les règles alors conclues sous les auspices de l’ONU en vertu du principe « Un Etat, deux systèmes », l’Ambassadeur de Chine à Londres menace de mesures de rétorsion ….!! La faiblesse de l’Occident sera donc interprétée comme un encouragement à d’autres coups de force, à Taïwan, en Mer de Chine, en Océanie, sur la frontière indienne….

Quant à une éventuelle opposition en Chine continentale… Au début du siècle, Hong-Kong participait aux échanges internationaux de la RPC dans une proportion supérieure à 30 %. Celle-ci est désormais tombée à 3 % : la Chine n’a plus besoin de Hong-Kong, ni donc de lui faire de cadeaux. L’opinion juge généralement que les Hongkongais sont des enfants gâtés qui n’ont pas le droit, par leurs récriminations, de donner mauvaise opinion de la Patrie. Même les étudiants, pourtant plus ouverts sur l’opinion internationale que les autres et dont beaucoup cherchent à connaître en contournant la « Grande Muraille » qui isole la Chine du reste de l’Internet, ne considèrent pas la « liberté » de Hong-Kong comme leur combat, car le régime a réussi à les persuader qu’il s’agit de privilèges indus. L’opinion continentale tendrait donc à soutenir Xi Jinping plutôt qu’à le critiquer sur ce point.

Quel avenir ?

La fin des manifestations n’est pas certaine, en dépit de la répression. Elles se sont poursuivies de manière « souple et agile, adaptable … ». « Cette loi est effrayante, mais nous devons rester fidèles à nos valeurs et trouver de nouveaux moyens de résistance tout en redoublant de prudence », déclarait un manifestant sous couvert d’anonymat. Mais même en l’absence de manifestations, une non-coopération et une passivité de la population, voire une fuite de talents… finiront par impacter les affaires à Hong Kong (Sebastien Veg, entretien Les Echos 1er juillet). La fin du régime basé sur un Etat de droit crédible hérité du système britannique fragilisant le cadre juridique risque de porter atteinte au centre financier international de Hong Kong.

« Cette loi est faite pour terroriser, intimider, réduire Hong Kong à néant » a déclaré Claudia Mo, députée du camp Pro-démocratie.

Mais les perspectives de recul de la part de Pékin sont peu probables. Selon Carrie Lam : « Aucune forme de sanction ne nous fera peur ».

Hélène Mazeran

Le 4 juillet 2020

Cf l’article « Les événements à Hong Kong : un volet des démonstrations de puissance de Pékin » paru sur le site de l’Institut du Pacifique le 4 juin 2020.

Sources :

  • La Croix, 3 juillet 2020. Dorian Malovic
  • Les Echos, 1er juillet 2020. Frédéric Schaeffer, Lucie Robequain, Sébastien Veg
  • Le Figaro, 30 juin,1er, 2 et 3 juillet 2020. Sébastien Falletti, Arnaud de la Grange
  • Malaymail, 1er juillet
  • Le Monde, 2 juillet 2020. Florence de Changy, Frédéric Lemaître
  • RFI, 1er et 2 juillet. Stéphane Lagarde.

[1] On avait déjà pu noter que le rouge du drapeau de Hong-Kong (bauhinia à cinq pétales) avait perdu sa singularité carmin originelle pour rejoindre le rouge ordinaire du drapeau de la RPC.