Hong Kong : le non-respect des engagements internationaux (visions croisées !)
La déclaration conjointe sino-britannique sur la rétrocession de Hong Kong à la Chine signée en 1984 sous les auspices de l’ONU prévoyait un régime particulier à Hong Kong basé sur le concept « un pays, deux systèmes » pour 50 ans à partir de 1997. Cette loi fondamentale assurait un haut degré d’autonomie au territoire jusqu’en 2047[1].
En conséquence, les Etats entretenaient avec Hong Kong sur la scène internationale des relations particulières différentes de celles qu’ils avaient avec la Chine continentale, notamment le Royaume-Uni, l’Australie …
La base de ces accords a été remise en question par la Chine continentale le 30 juin 2020 avec l’adoption de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en contournant le Parlement de Hong Kong, violant ainsi la loi fondamentale et réduisant à néant le système mis en place d’un commun accord en 1984. Les Etats partenaires revoient donc leurs engagements antérieurs au vu des nouvelles circonstances. « La nouvelle loi chinoise constitue un changement fondamental de situation à Hong Kong », a déclaré Scott Morrison, Premier ministre australien le 9 juillet, et elle constitue « une violation manifeste de l’autonomie de Hong Kong et des menaces pour les libertés de la population » selon Dominic Raab, Ministre britannique des affaires étrangères.
Les réactions internationales : Après les Etats-Unis dès le 29 mai, le Royaume-Uni et l’Australie ont annoncé des changements dans leurs relations avec Hong Kong : abandon de l’exemption de visa, révocation d’exemptions fiscales… Mais pour Pékin, « la question de Hong Kong est du ressort des affaires intérieures », comme l’a déclaré l’Ambassadeur de Chine au Conseil de sécurité de l’ONU le 28 mai.
Le Royaume-Uni, comme il l’avait annoncé dès juin, a confirmé l’ouverture de ses portes aux 350 000 résidents de Hong Kong déjà détenteurs d’un passeport britannique d’Outre-Mer (British National Overseas – BNO) et aux 2,9 millions de Hongkongais nés avant la rétrocession de 1997 et à leurs enfants. Les conditions de séjour sont facilitées pour les citoyens de Hong Kong qui bénéficieront d’un visa temporaire de trois ans (au lieu de six mois aujourd’hui) pour obtenir le statut de résident permanent et l’accession à la nationalité britannique douze mois plus tard.
L’Australie a prolongé de cinq ans le visa des 10 000 résidents Hongkongais qui pourront devenir résidents permanents. En outre les critères d’immigration sont assouplis et des mesures spécifiques proposées pour faciliter les installations d’entreprises domiciliées à Hong Kong. Enfin l’Australie a suspendu le 9 juillet le traité d’extradition qu’elle avait signé avec Hong Kong.
Dans ces deux cas, les ambassades de Chine à Londres et à Canberra ont immédiatement manifesté leur désapprobation face à des « ingérences dans leurs affaires intérieures », et menacé « de mesures adéquates » en réponse. « Si les Britanniques changent unilatéralement la règle actuelle (sur l’accueil des Hongkongais au Royaume-Uni), cela constitue une rupture de sa propre position ainsi que de la règle internationale », a annoncé l’ambassadeur de Chine à Londres. La Déclaration conjointe sino-britannique de 1984 ne serait-elle pas une règle internationale ???
Principes démocratiques et liberté des mers : deux enjeux importants pour l’avenir.
La loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, au-delà de la menace immédiate sur les opposants des mouvements démocratiques, met en péril l’ensemble du système législatif mis en place par la loi fondamentale. En effet elle impose aux candidats aux élections législatives de prêter allégeance à la nouvelle loi (article 6) et rend inéligible toute personne condamnée au titre de cette loi (article 35). Dans ces conditions, les élections du 6 septembre prochain au Conseil législatif (Parlement de Hong Kong), permettront-elles à l’opposition d’obtenir la majorité et de conquérir le poste de Chef de l’Exécutif, comme elle l’espérait ? La participation massive aux primaires non-officielles organisées le 11 juillet par les partis pro-démocratie pour désigner leurs candidats montre leur détermination. La société civile comporte encore de nombreux opposants : avocats, juges, partis politiques, ONG, organisations religieuses …. « On ne peut pas mettre tout le monde en prison » (Jean-Pierre Cabestan, Professeur à Hong Kong, chercheur associé à Asia Centre). Il est donc essentiel que les pays démocratiques, notamment européens, « défendent leurs principes sans compromis, en soutenant ceux qui se battent pour la liberté et la démocratie » (Luc de Barochez Le Point 9 juillet 2020).
En Mer de Chine, Xi Jinping a aussi une vision extensive des « affaires intérieures chinoises », englobant Hong Kong et Taïwan qui est une « province chinoise » dirigée par une « leader régional » (il s’agit de Mme Tsai Ing Wen !) … et donc la marine chinoise est « historiquement » chez elle en Mer de Chine. C’est dans ce contexte que se déroulent régulièrement des manœuvres maritimes[2], des exercices aériens à la limite des frontières territoriales de Taïwan, la consolidation et la militarisation des îles artificielles construites malgré les conventions internationales et le jugement du tribunal international de la Haye (2016)… Les Etats riverains, tous en désaccord avec la politique de Pékin et ses revendications territoriales, comptent sur la présence et le soutien américains. C’est le sens de la démonstration de force qui se déroule dans la zone depuis le 4 juillet avec deux des porte-avions nucléaires américains. Ce sont « des exercices de liberté de navigation destinés à promouvoir une zone indo-pacifique libre et ouverte » selon la Marine américaine. C’est aussi un message de dissuasion accompagné d’un message de réassurance pour Taïwan.
Cependant les principes démocratiques et la liberté des mers concerne aussi l’ensemble de la communauté internationale et notamment l’Europe…
Hélène Mazeran
Le 11 juillet 2020
Sources :
- AFP : 10 juillet
- La Croix : 10 juillet
- Le Figaro : 8 et 9 juillet. Sébastien Falletti
- Le Journal du Dimanche : 12 juillet, François Clémenceau
- Le Monde : 8 juillet. Florence de Changy, Isabelle Dallerba, Alain Frachon, Lun Zhang
- Le Point : 9 juillet. Luc de Barochez
[1] Cf l’article « Les événements à Hong Kong : un volet des démonstrations de puissance de Pékin » paru sur le site de l’Institut du Pacifique le 4 juin 2020.
[2] Cf l’article de Denis Lambert : « Reprise des antagonismes en Mer de Chine méridionale », 30 avril 2020.