Deuxième référendum sur l’indépendance en Nouvelle-Calédonie – 4 octobre 2020 –

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_%C3%AEles_de_Nouvelle-Cal%C3%A9donie

Histoire et statut de la Nouvelle Calédonie

Française depuis 1853, la Nouvelle-Calédonie a été un Territoire d’Outre-mer de 1946 à 1999. Elle est aujourd’hui une Collectivité Territoriale d’Outre-mer sui generis, selon les articles 76 et 77 de la constitution de la Vème République.

Selon ses institutions, définies par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, elle est administrée par

  • Un Congrès qui est l’assemblée délibérante, où siègent les élus des assemblées provinciales[1] par groupes politiques : les 54 conseillers provinciaux sont divisés en 15 indépendantistes et 29 loyalistes en 2017.
  • Un Gouvernement exécutif qui est composé d’élus par le Congrès et responsables devant lui,
  • Des institutions coutumières : un Sénat coutumier, des conseils
  • Un Conseil économique, social et environnemental.

Un Haut-commissaire, représentant l’Etat, actuellement Laurent Prévost,avec rang de préfet, est nommé par décret du Président de la République. Depuis les accords de Nouméa, il dispose de prérogatives réduites (voir plus loin).

En outre des signes identitaires propres[2] sont reconnus au territoire, ainsi qu’une citoyenneté spécifique[3] à côté de la nationalité française.

Source : Lionel Bonaventure – Crédits : AFP – lemonde.fr

Sur le plan international, son statut particulier permet à la Nouvelle Calédonie de participer pleinement aux organisations régionales de la zone Pacifique aux côtés des Etats voisins. Elle est membre à part entière du Forum des îles du Pacifique, organisation politique régionale, et participe aux différentes actions menées par les organisations régionales techniques dans le domaine de la recherche, de la santé, de la culture, de l’environnement, de la bonne gouvernance, de la jeunesse et de l’éducation, du développement économique et de la francophonie. Le Service de Coopération Régionale et des Relations Extérieures, au sein du gouvernement calédonien, assure la représentation de la Nouvelle Calédonie lors des manifestations internationales. Quatre enveloppes budgétaires principales sont à sa disposition pour la mise en œuvre des actions à mener : le Fonds Pacifique, le Fonds de coopération avec le Vanuatu, le Fonds de coopération avec Walis et Futuna, le Fonds de coopération bilatérale.

La situation actuelle découle

Source : https://www.francetvpro.fr/nouvelle-caledonie/programmes/jacques-lafleur-jean-marie-tjibaou-destins-reconcilies-15157251
  • Des Accords de Matignon (26 juin 1988) qui ont rétabli la paix civile après plusieurs années de violence et surtout la prise d’otages de gendarmes à Ouvéa par les Kanaks. Les preneurs d’otages d’Ouvéa ont été amnistiés et les deux leaders opposés, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou se sont réconciliés. Une consultation sur l’indépendance a été prévue pour 1998, à laquelle pourront participer toutes les personnes qui ont à cette date une résidence à cette date, continue depuis 10 ans. Mais l’échéance de cette consultation a été reportée à la période 2014-2018 par les accords de Nouméa.
  • De l’Accord de Nouméa (5 mai 1998)et de la loi organique n° 19-209 du 19 mars 1999 qui ontprévu la répartition des pouvoirs publics et permis le transfert de presque toutes les compétences non régaliennes aux institutions locales.L’accès à l’indépendance est envisagé sauf s’il est rejeté par trois référendums d’autodétermination.

Lors de sa visite en décembre 2017, le Premier Ministre Edouard Philippe avait prudemment évoqué « une consultation sur l’accès à la pleine souveraineté ». L’objectif de sa visite était de faire le point sur les acquis de l’Accord de Nouméa et ses manques éventuels, les questions restant à régler étant les compétences de l’Etat « transférées » ou à transférer à la Nouvelle Calédonie, sur laplace de la Nouvelle Calédonie dans le monde, et sur « le socle des valeurs et projets qui font consensus ». Enfin il était important de garantir la légitimité et la sincérité des résultats de référendum à venir.

Le référendum du 4 novembre 2018[4]

En novembre 2017, le XVIème Comité des signataires de l’accord de 1998 s’est réuni pour élaborer la liste électorale spéciale de consultation (LESC) qui déterminera les votants au référendum. Dix heures de discussion ont été nécessaires pour aboutir à un accord entre les parties (indépendantistes, anti-indépendantistes et représentants de l’Etat) : seront inscrites sur les listes électorales, 7 000 personnes de statut coutumier Kanak et 4 000 personnes de statut de droit commun caldoche,en plus des quelques 160 000 électeurs déjà inscrits sur les listes.

Trois points sont en jeu :

  • les transferts des compétences régaliennes (ordre public, défense, justice, monnaie). La politique étrangère est déjà une sphère de compétence partagée en ce qui concerne les affaires régionales de la zone Pacifique),
  • le passage de la « citoyenneté » à la « nationalité » calédonienne,
  • le statut international avec siège à l’ONU.

Selon l’Accord de Nouméa, le scrutin doit avoir lieu au plus tard en novembre 2018.

En mai 2018, la visite du Président Macron est la 5ème visite présidentielle sur le territoire depuis les accords de Matignon et a témoigné des efforts unanimes pour préserver le consensus, en insistant sur le « patrimoine commun » (terminologie de la coalition indépendantiste).

Lors du premier référendum d’autodétermination en 1987, 98% des votants s’étaient prononcés en faveur du maintien dans la République française, mais les Indépendantistes avaient boycotté le scrutin. Au référendum du 4 novembre 2018, avec une participation de 80,63% des inscrits, 56,7% des votants ont opté pour le refus de l’indépendance, mais on note des différences très nettes selon les territoires :

  • la participation a été plus faible dans les îles Loyauté (58,89%), mais les voix pro-indépendance ont représenté 84,18% ;
  • dans la province du nord (où vivent 75% de Kanaks), 75,83% se sont prononcés pour l’indépendance ;
  • dans la province du sud (la plus peuplée, avec 75% de la population calédonienne, mais une majorité d’Européens, d’Indonésiens, de Vietnamiens et seulement 26% de Kanaks), 26,29% des voix étaient pour l’indépendance.

L’Accord de Nouméa avait prévu un deuxième vote deux ans plus tard, et la possibilité d’un troisième vote si un tiers des membres du Congrès en faisait la demande.

Deuxième vote pour ou contre l’indépendance du 4 octobre 2020

Si les débats s’étaient déroulés en 2018 dans un climat relativement serein, on a assisté en 2020 à des postures plus dures, les positions extrémistes se sont davantage manifestées que les vues intermédiaires. Cela tient sans doute à un enjeu différent : aujourd’hui si l’indépendance est refusée aujourd’hui, un seul et dernier vote sera organisé : « L’émancipation est irrémédiablement en marche » (Isabelle Merle, directrice de recherche au CNRS) avec toutes les conséquences que cela impliquera, notamment la perte du passeport français…qui « ouvre les portes du monde ». Le FNLKS souhaiterait que les habitants du territoire bénéficient de la double nationalité, mais selon le gouvernement français, il appartiendra à l’Assemblée nationale et au Sénat de « déterminer les conditions de maintien de la nationalité française de certains des ressortissants du nouvel Etat ». Les divergences existent au sein des deux camps – loyalistes et indépendantistes -entre les partisans de l’affirmation de l’identité calédonienne et ceux du maintien de la paix et de la stabilité acquises durant les 30 dernières années, conformément à l’Accord de Nouméa qui a permis un rééquilibrage et une reconnaissance de la culture Kanak.

La liste électorale spéciale déterminée pour le référendum comportait 180 000 personnes[5], 40 000 Français en ayant été exclus car ils ne répondaient pas aux critères de l’Accord de Nouméa (naissance, domiciliation ou possession de « centre de ses intérêts matériels et moraux »).

Source : http://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/Politiques-publiques/Elections/Elections-2020/REFERENDUM-2020/Les-resultats/Resultats-definitifs

« Voulez-vous que la Nouvelle Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Sur cette question posée le 4 octobre 2020, les six partis favorables au maintien dans la République française étaient réunis dans la formation « loyaliste », alors que le parti travailliste voulait « clore la période coloniale par un oui nationaliste », avec une période de transitionde trois ans.

Ce scrutin a fortement mobilisé les électeurs qui ont été 85,64% à voter et s’est déroulé sous la surveillance de 250 observateurs venus de France métropolitaine, d’experts de l’ONU et du Forum des îles du Pacifique. Les électeurs se sont prononcés à 53,26% contre l’indépendance, mais la fracture ethnique et géographique observée dès 2018 est encre très nette :

  • la province du nord et les îles Loyauté, à majorité kanak, ont voté oui à l’indépendance à 78,35% (respectivement 78,35% et 84,27%) ;
  • la province sud, la plus riche et la plus peuplée, à majorité non kanak, a voté non à l’indépendance à 70,86%.

Vers un troisième référendum ?

Ces votes successifs ont été prévus par l’Accord de Nouméa afin de calmer les tensions. L’organisation d’un troisième référendum a été annoncé avant 2022 par le Président (FLNKS) du Congrès (Rock Wamytan, élu en mai 2019) si un tiers des membres du Congrès le demande sous deux ans. Or, en 2020, les Indépendantistes détiennent 26 sièges sur 54 au Congrès. (…)

Les « Loyalistes » sont opposés à une troisième consultation, d’autant qu’il sera possible d’inscrire sur les listes électorales de nouveaux Kanaks, mais pas de nouveaux Caldoches[6].

Cette troisième consultation est prévue comme possible, mais elle n’est pas obligatoire. Ces votes successifs ne sont-ils pas le moyen de retarder le moment d’un choix définitif, et des conséquences qui en découleront ? Certains sont bien conscients des avantages du statut actuel, avec une large autonomie et des transferts irréversibles[7]de compétences étendues, et le soutien économique et financier inhérent au statut de Collectivité territoriale d’outre-mer française et de Pays et Territoire d’Outre-Mer (PTOM) européen. Thierry Santa, Président du gouvernement local (loyaliste) se dit prêt à rechercher « une nouvelle solution consensuelle alliant le respect de la volonté démocratique et l’écoute des attentes des indépendantistes ». « Seule l’intelligence et l’imagination collectives nous permettront d’aboutir à un référendum qui ne divise pas, mais qui unisse » (Philippe Gomès, député IDI, Parti Calédonie ensemble).

– Quelles perspectives pour demain ? –

Oui à l’indépendance : nouvel Etat Kanaky

  • Etat indépendant régi par sa propre constitution
  • Dispose du statut international et d’un siège à l’ONU
  • Dispose des compétences régaliennes : défense, police, justice, monnaie, diplomatie
  • Modalités d’acquisition de la nationalité néo calédonienne à préciser. Fixation par la France des conditions de maintien de la nationalité française à certains
  • Plus de transferts financiers de la France
  • Etat indépendant qui devra négocier ses propres accords de coopération avec l’étranger (Etat ACP ?)
  • Lien privilégié avec la France sous une forme à déterminée

Non à l’indépendance : statut actuel

  • Reste collectivité territoriale française d’outre-mer avec son statut d’autonomie : assemblée législative (Congrès), son gouvernement, son Sénat coutumier, sa citoyenneté locale, ses compétences propres (droit du travail, fiscalité …)
  • L’Etat français continue à exercer les compétences régaliennes, sous réserve de la délégation de compétences pour la participation aux organisations régionales[8]
  • Les ressortissants restent citoyens français.
  • La France continue à assurer des transferts financiers
  • Statut de PTOM reconnu par l’Union européenne qui lui permet de bénéficier de l’aide européenne via le FED, la BEI, etc.[9]

Hélène Mazeran


Sources : La Croix, 2, 4, 6 et 9 octobre 2020 (Laurent de Boissieu, Corinne Laurent, Marion Lecas,)

Le Figaro, 29 novembre 2017, 6 novembre 2018, 3-4, 5 et 6 octobre 2020 (Loris Boichot, Yann Mainguet,    Guillaume Tabard)

Le Monde, 10-11 décembre 2017 (Patrick Roger)


[1] L’assemblée provinciale des iles Loyauté dispose de 21 membres dont 7 au Congrès, celle de la province du nord de 37 membres dont 15 au Congrès, celle de la province du sud de 72 membres dont 32 au Congrès.

[2] La devise « Terre de parole, Terre de partage » s’ajoute à celle de la République « Liberté Egalité, Fraternité », l’hymne « Soyons unis, devenons frères », la graphie des billets.A noter aussi que depuis 1984, le drapeau de Kanaky est emblématique des partisans de l’indépendance.

[3]La citoyenneté calédonienne assume d’abord le lien évident avec le droit de vote et la restriction apportée au corps électoral. Elle organise ensuite, de manière progressive, la dissociation du citoyen calédonien et du résident français. (Source : https://www.conseil-constitutionnel.fr/).

[4] Cf l’article de Jean-Michel Dasque et JC. Cady sur le site de l’Institut du Pacifique en novembre 2018.

[5] Il est rappelé que les listes électorales constituées pour les référendums sont différentes de celles qui sont utilisées pour les consultations nationales, provinciales et municipales.

[6] Voir les conditions citées plus haut.

[7] Selon l’Accord de Nouméa.

[8] CF page 1

[9] Source : Luc Steinmetz – https://histoire-geo.ac-noumea.nc/