Gengis Khan, objet de sandale diplomatique au musée de Nantes

Source ; https://nantes.maville.com/actu/actudet_-nantes.-le-musee-ne-veut-pas-d-une-expo-sur-gengis-khan-censuree-

Depuis plusieurs années, le musée d’Histoire de Nantes, situé au château, prépare une exposition consacrée à l’histoire de Gengis Khan (né vers 1160 et mort en août 1227), fondateur de l’empire mongol et de la dynastie Yuan. Celle-ci fut fondée officiellement pour régner sur la Chine à partir de 1272 par décision de Kubilaï, troisième successeur de Gengis, mais la dominait déjà depuis une quarantaine d’années. Elle perdura en s’affaiblissant à la fin jusqu’à 1368 et la fuite de son dernier empereur Togoontomor. La dynastie Ming, d’origine purement Han, lui succéda. C’est la dynastie Yuan qui institua Beijing comme capitale (sous le nom de Khanbalik que visita Marco Polo), choix que reprit la dynastie Ming à partir du deuxième empereur, Yongle, petit fils du fondateur Hongwu et qui perdure malgré son décentrement vers le nord .

L’exposition devait ouvrir mi-octobre 2020, après un report causé par l’épidémie de Covid-19, avec des pièces du musée de Mongolie Intérieure situé à Hohhot. Mais cet été, coup de tonnerre : le durcissement de position des autorités chinoises vis à vis des provinces autonomes – le Tibet ou Xizang, le Turkestan oriental ou Xinjiang et la Mongolie intérieure ou Neimenggu – intervient dans l’exposition sous la forme d’un nouveau synopsis, écrit par le bureau du patrimoine de Beijing, substitué au projet initial. Cette réécriture est insultante pour les conservateurs du musée, et donc pour la France. Elle constitue aussi une falsification de l’Histoire : certes la Chine est principalement une civilisation Han mais les deux dynasties étrangères, Yuan puis Qing n’ont pas démérité – du moins dans leurs débuts.

« Dans un premier temps, ce durcissement a eu pour effet sur notre projet une injonction des autorités centrales chinoises à faire disparaître de l’exposition des éléments de vocabulaire (les mots Gengis Khan, empire et mongol). Puis dans un second temps, à la fin de l’été, une annonce de modification du contenu de l’exposition accompagnée d’une demande de contrôle de l’ensemble de nos productions (textes, cartographies, catalogue, communication) ont été formulée. Le nouveau synopsis proposé, écrit par le bureau du patrimoine de Pékin, appliqué comme une censure à l’égard du projet initial, comporte notamment des éléments de réécriture tendancieux visant à faire disparaître totalement l’histoire et la culture mongole au bénéfice d’un nouveau récit national.
Bien entendu, après avis auprès des historiens et des spécialistes nous accompagnant, nous avons pris la décision de stopper cette production au nom des valeurs humaines, scientifiques et déontologiques que nous défendons dans notre institution » .
La politique de Beijing vise à homogénéiser la population en ne conservant que les références à l’histoire officielle, en supprimant les références à toutes autres visions et en rendant l’usage du chinois officiel (le putonghua, la langue ordinaire, dit en France « mandarin ») obligatoire dans l’enseignement. C’est ainsi que Qin Shi Huandi, premier empereur mais d’ethnie han, n’est pas voué aux gémonies, mais que Gengis Khan, objet de vénération des Mongols, l’est devenu.
L’exposition devrait pouvoir se dérouler en 2024, le temps de réunir des pièces provenant de musées occidentaux ou autres pour les substituer aux 225 pièces prévues en provenance de la Chine. Il était prévu de pouvoir admirer des sceaux impériaux et des objets en or des XIIIe et XIVe siècles encore jamais vus en France . Peut-être reverra-t-on des pièces exceptionnelles du musée de Taipeh comme lors de l’extraordinaire exposition « Mémoire d’Empire » au Grand-Palais, du 20 octobre 1998 au 25 janvier 1999. Ce serait alors Taïwan qui montrerait son respect de l’histoire de la Chine !
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Denis LAMBERT